Les Veilleurs du seuil
Le cimetière de Clairécume est calme désormais. La nappe de brouillard, légèrement rougeâtre sous la lumière d'Amarandil, est toujours présente. De l'autre côté du fleuve, la ville s'illumine des lampadaires et des bougies de la vie citadine, dominant la vallée depuis ses collines. Adelnya peut observer ce spectacle au travers des grilles lugubres, adossée à une tombe en marbre salie par la mousse et le temps. Le teint livide, son visage est en sueur malgré le froid de ce début d'hiver. Un fil vermeil coule de son arcade, tranchant avec la couleur albâtre de son teint.
Reprenant son souffle, elle repousse le cadavre putréfié affalé sur ses jambes et, dans un ultime effort, se relève en poussant un long gémissement, son épée d'une main, l'autre tenant son ventre où sa cotte de maille était maculée de sang. Bien qu'une vingtaine de squelettes se trouvent déjà à ses pieds, plus du double continue encore à affluer vers elle, déambulant à travers les caveaux et les arbres sinueux.
La riss sait qu'elle n'a plus la force de se battre, mais une telle quantité de mort-vivants qui déferlent sur la cité... Cela n'est pas concevable.
Adelnya lâche son arme, qui choit lourdement au sol. D’un geste rapide, la riss attrape un petit sachet à sa ceinture, s’enduit les mains d’une poudre argentée, puis saisit une minuscule fiole métallique, soigneusement enveloppée dans un tissu. Le liquide en est versé tandis que la horde s’avance, les défunts animés n’étant plus qu’à quelques mètres. La paladine jette la fiole vide et, la tête baissée, murmure d’une voix à peine audible :
— « Nactaë...
La poudre sur ses paumes s'enflamme immédiatement d'une intensité étincelante, crépitante. La peau se met à rougir mais la douleur n'est plus qu'une information sans prise sur Adelnya.
— ... eslim lima Sillybir...
Le son de sa bouche est toujours faible, mais un écho se fait entendre dans la nécropole, reprenant ses mots pour leur donner une résonance. Les défunts commencent à s'embraser de flammes bleues et pourpres, sans que cela ne les fasse dévier de leurs cibles ou ne leur arrache un son. Ces derniers se jette sur la riss, dents et griffes en avant, dans des râles de mort inéluctable.
— Merregwel ! »
Un flash lumineux jaillit de la poitrine de la paladine, créant une impulsion soufflant la horde en une poussière qui retombe sur le sol, alors que ce dernier mot résonne d'une puissance céleste dans le cimetière. Ne reste de la Veilleuse du seuil qu'une armure fumante et noircie posée sur la terre gelée.
De l'autre côté du fleuve, Clairécume continue de scintiller dans la nuit alors que les citadins dorment dans la chaleur de leur foyer.

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