Session LV : Effacés sur les rives du temps passé

General Summary

Marduk se retourna vers Niri et lui répondit :

« Je vous salue également, ma chère Niri. À dire vrai, nous n’avions pas vraiment prévu cette petite escapade. Je pense que vous n’avez jamais rencontré nos nouveaux amis. » dit-il en désignant l’oracle et le cinétiste.

« Je vous présente Vidar du clan Odeson. C’est un nain valeureux avec un grand cœur. Et voici Maï Xin du clan Okeri. Il vient des terres de l’est, de l’autre côté de la Mer de Jade. » continua le champion sans trop entrer dans les détails.

« Enchanté de faire votre connaissance, maître Vidar et maître Maï Xin. » dit-elle en s’inclinant légèrement vers l’avant. Ils répondirent de la même manière, en s’inclinant vers la gouvernante.

« Considérez-les comme de la famille, ils ont notre entière confiance et nous comptons partager la propriété avec eux. »

L’humaine eut un petit hochement de tête accompagné d’un sourire pour lui faire comprendre que l’information était bien passée.

Drark prit alors la parole :

« Nous allons manger, puis nous nous rendrons à Orville, nous avons quelques affaires à régler.  »

La table fut mise, et les aventuriers purent déguster un bon ragoût avant de se rendre à la capitale de la Marche du Soleil en charrette. Avant de partir, les propriétaires du Domaine du Tilleul prirent le temps de payer grassement la famille qui s’occupait jour et nuit de leurs biens. Niri en fut fortement reconnaissante devant cette générosité peu commune vis-à-vis de son type de fonction. Elle les remercia, les yeux humides d’émotions.

Une fois à Orville, ils durent se mettre d’accord sur une démarche à suivre. Ils avaient beaucoup de chapelles à visiter et ils voulaient ne rien oublier. Ils savaient que cela arriverait, et que toutes les actions qu’ils allaient faire ne seraient pas forcément réécrits sur la trame temporelle, mais ils voulaient au moins essayer, et tenter d’apprendre un maximum d’informations qui pourraient leur être utiles à leur retour dans la Marche de Pierre.

« Je pense que je ferais bien de commencer par l’Université. » annonça Drark, une fois la porte nord derrière eux.

Ils suivirent le gobelin jusqu’à la Montagne Dorée et se dirigèrent vers le grand bâtiment carré en pierres claires surmonté d’un large toit recouvert de tuiles rouges.

À l’accueil, ils furent interpelés par un réceptionniste derrière son bureau.

« Puis-je vous aider, messieurs ? »

« Je suis à la recherche de Skeen, un maître alchimiste ysoki. Est-il là en ce moment ? » demanda le gobelin poliment.

« Si je ne me trompe pas, il doit encore être dans son bureau. Au deuxième étage. En sortie d’escaliers vous tournez directement à gauche puis c’est au fond du couloir à droite. »

Ils remercièrent et l’humain et se dirigèrent vers l’endroit indiqué. Lorsqu’il arrivèrent au deuxième étage, ils entendirent une détonation au fond du couloir à droite. Ils surent alors qu’ils ne se trompaient pas de chemin. Ils toquèrent à la porte et après avoir reçu l’autorisation, ils entrèrent, le gobelin en tête.

« Aaah ! Mon cher Drark ! Comment vas-tu ? Je ne m’attendais pas à ta visite. » dit l’ysoki à la fourrure brun foncé, presque noir. Une odeur de souffre et de charbon se faisait sentir dans la pièce. Le bureau était divisé en deux parties : l’une accueillait la bibliothèque personnelle de l’alchimiste ainsi qu’un bureau, une chaise, un banc et quelques fauteuils. Dans la seconde partie de la pièce se trouvait la partie laboratoire, avec des tables remplies d’instruments pour tester les substances alchimiques, et s’en protéger. Des plantes poussaient dans des pots et il leur semblaient qu’elles devaient être changer régulièrement car certaines étaient complètement fanées, visiblement victimes des tests du maître alchimistes. Des extraits de nombreux autres matériaux se trouvaient dans un seau afin de tester les réactions des matières alchimiques conçues ici lorsqu’elles étaient mises en contact avec du bois, du fer, de l’or, de l’acier, de fer froid ou autre élément.

« À vrai dire, moi non plus. Nous sommes de passage à Orville, mais pour tout vous avouer, cela n’était pas vraiment prévu au programme. » répondit le gobelin.

« Vous avez peut-être entendu la déflagration, dit l’ysoki qui présentait maintenant quelques poils noircis par l’explosion, je suis sur un projet très intéressant. Comme vous le savez peut-être, mais l’Église de Brigh est représentée au Conseil des Sept, et elle est arrivée avec une brillante idée. Elle a proposé un partenariat avec l’université afin de réaliser ce qu’on appelle un dirigeable. C’est une sorte de grand bateau volant, un vaisseau maintenu en l’air par des ballons gonflés de gaz chauds. Je suis occupé à essayer différents composants alchimiques afin de voir ce qui pourrait convenir. » dit-il avec un certain enthousiasme. Puis il fit une petite pause et regarda Drark avec un air intéressé.

« Mais si je me souviens bien… ne deviez-vous pas justement rapporter de votre voyage scientifique différents types de combustibles ou matières inflammables ? » continua le maître alchimiste.

« C’est justement pour cela que je suis là ! » enchaîna Drark en plongeant la main dans son sac sans fond. Il en sortit plusieurs éléments : la tourbe de Skarland, le village des guenaudes, puis la mousse prélevée dans les cavernes dans la Marche du Vent, puis finalement les clochettes de l’Étang des Noyés.

« Les deux premières sont, à mon sens, de bons combustibles. Ils génèrent une flamme généreuse et persistante, utile même dans des contextes fort humides et inhospitaliers pour le feu. Drark fit une pause, comme pour ménager le suspens, puis reprit. Mais nous avons surtout cette fleur aux propriétés incroyables. Non seulement elle permet, dit-on, de communiquer avec les morts, mais surtout… elle possède une explosivité incroyable lorsqu’on la met au contact d’une source d’électricité. Je vais vous faire la démonstration ! ».

Drark sortit une clochette de sa fiole presque incassable, et alla la placer sur une table d’expérience, faite de métal. Il fit signe à tout le monde de s’écarter de quelques mètres. Il prépara une bombe « éclair en bouteille » afin de pouvoir générer l’explosion à distance, puis alla rejoindre ses compagnons et son maître. b

« Quand vous dites incroyable... vous n’allez pas brûler l’entièreté de mon bureau, n’est-ce pas ? » dit l’homme-rat avec un air quelque peu perplexe. Le gobelin ne répondit pas, une petite lueur de satisfaction dans les yeux, puis il arma sa bombe. Ses compagnons étaient déjà prêts à intervenir, sachant qu’il était probable qu’ils doivent réagir vite afin de sauver les meubles et les livres présents dans la pièce. La section « expérience » de la pièce était bien renforcée avec des surfaces métalliques et ne possédait pas d’éléments inflammables, mais il était probable que cela dépasse complètement le cadre protégé de la pièce.

Le crépitement de l’électricité se fit entendre au moment où le gobelin jeta sa bombe vers la fleur de couleur mauve foncé. Un arc électrique se dessina dans l’air, cherchant de manière certaine le contact avec la plante pour la trouver et… une petite explosion se produisit, beaucoup moins impressionnante que ce à quoi ils avaient déjà pu assister sur le Pic des Azlants. Drark eut un petit soupir de déception tandis que Skeen resta quelques secondes avec la bouche ouverte. Puis il dit :

« Je m’attendais à davantage de puissance, mais cela reste impressionnant. » en se grattant le menton.

« L’explosion à laquelle j’ai assistée était tellement plus puissante, vous devez me croire. Il s’agit peut-être des conditions météorologiques, atmosphériques, ou alors l’humidité… ou alors peut-être qu’elle a vieilli, un peu fané ? » ajouta Drark en essayant de trouver pourquoi cela n’avait pas bien fonctionné.

« Ne vous inquiétez pas, je vous crois. Si vous avez encore des spécimens, je peux les analyser. Savez-vous où nous pouvons trouver ce type de plante ? Pour les autres, je pense pouvoir recréer un environnement de culture, mais celle-ci me semble plus particulière... » continua l’ysoki.

« On m’a dit qu’elles poussaient dans les zones humides où… il se tourna vers ses compagnons qui l’encouragèrent du regard, où des personnes étaient décédées et donc en état de décomposition. » finit-il par dire.

« Ah. Je vois… dit-il en se grattant le menton une nouvelle fois. J’en discuterai avec Merlando. On verra si c’est acceptable pour la cité de choisir d’enterrer les corps autour de points d’eau. »

« Sinon vous pouvez commencer par chercher des endroits humides où d’anciennes batailles se sont déroulées. » ajouta précipitamment Drark, un peu gêné par la situation, ne sachant pas très bien à quel point lui-même, il cautionnait ce genre de démarche.

Ils discutèrent encore quelques minutes, réglant certains détails, puis ils reprirent leur route afin de se rendre à la Place du Dragon Ardent. Ils comptaient passer par le Poracha, mais également par l’Antre des Protéens. Marduk fit un petit détour par le Temple de la Lumière. Il revit Élys, qui l’accueillit à bras ouverts.

« Marduk ! Quelle joie de vous revoir ! Quelles nouvelles de l’aventure ? » dit-elle avec un grand sourire ravi.

« Elles sont malheureusement trop nombreuses pour être racontées dans le court laps de temps que j’ai à ma disposition car le temps presse. Je m’excuse donc de ne pas répondre à ta question, mais je me permets de vous retourner la question : comment se porte le culte de Sarenrae depuis mon absence ? Est-ce que tout va bien ? » répliqua le champion.

« Tout se passe plutôt bien, mis à part qu’une épidémie de maladie a l’air d’avoir frappé de nombreuses personnes dans la cité. J’ai l’impression qu’il s’agit pour la plupart de personnes faibles physiquement. Elle ne semble pas très dangereuse, mais elle est persistante et malgré tout certaines personnes sont déjà mortes à cause de cette affliction. Cela reste encore anecdotique, mais nous verrons bien comment cela va évoluer. »

Marduk se rendit dans l’aile dédiée aux malades en écoutant les explications de la prêtresse. Une fois qu’elle eut fini, il examina les marques sur la peau des malades, écouta leur respiration et fit quelques autres observations. Après quelques secondes de réflexions, il se tourna vers son amie et lui dit :

« Je pense qu’il s’agit d’une peste bubonique. Elle n’est en effet pas nécessairement violente, mais elle est persistante et mène, à la longue, au décès du malade. Je vais prodiguer quelques soins aux personnes les plus faibles, puis je vous donnerai de quoi assurer les soins des autres. »

Il fit quelques impositions des mains pour soulager la douleur des plus amochés, en espérant que leur corps pourrait reprendre le dessus, mais sans certitude. Il donna ensuite deux cent pièces d’or à la prêtresse, qui accueillit la donation avec émotion, certifiant qu’elle allait les utiliser au mieux pour sauver les nécessiteux.

Pendant ce temps, Baltazar, Vidar, Drark et Maï Xin firent leur apparition au Poracha. Ils furent accueillis enthousiasme par Fijit, le gnome qui s’occupait de la comptabilité de l’établissement.

« Mes amis ! Qu’est-ce que je vous sers ? Qu’est-ce qui vous amène ? » dit-il avec un grand sourire.

Ils le saluèrent un à un, présentant les nouvelles têtes du nain et de l’elfe. Voyant que Baltazar sortait sa bourse, le gnome dit en riant :

« Ne vous inquiétez pas, c’est la maison qui offre ! »

« Merci mon ami. Nous sommes juste de passage afin de prendre des nouvelles. Nous avons quelques soucis dans le nord et récolter quelques informations dans le coin pourrait nous être utile. Si cela ne te dérange pas d’ailleurs, je vais dire bonjour à votre hôte. » enchaîna l’iruxi pour se rendre près du chat étrange qui se prélassait au soleil sur le rebord de la fenêtre.

Baltazar avait besoin de faire du tri dans ses idées, et il savait que parler au poracha l’aiderait dans sa tâche. Il s’assit et se mit à raconter les éléments les plus marquants de leur voyage, que ce soit la ville d’Edimar, le Marais des Cendres, Itz-loc, le village des guenaudes, la Marche du Vent puis leur voyage jusque Glenwyrm. Il essaya de faire un résumé assez succins car le temps était compté, mais il insistait sur les détails qui le marquaient le plus. Il finit par dire ce qui lui pesait le plus sur le cœur : le contrat infernal. Il expliqua qu’il ne lui restait que quelques jours pour le remplir, mais que l’une des personnes posait problème. Dal’ris était l’oncle de Marduk et ce dernier tentait de ramener les membres de sa famille dans le droit chemin et actuellement, Dal’ris semblait vouloir également faire des efforts. La montre le forcerait peut-être à l’assassiner, mais il n’était pas certain. Il ne savait pas ce qu’impliquait la non réalisation du contrat dans les temps, mais cela ne sentait sûrement pas bon. Le chat aux huit pattes écoutait avec attention, sans perdre une parole bien que, comme la plupart des chats, il masquait son intérêt, faisait semblant de ne pas écouter, mais Baltazar savait lire les signes de son écoute active. Lorsqu’il eut fini, il resta en silence quelque peu. L’iruxi restait dans ses pensées, laissant la possibilité à son ami de réagir, s’il le désirait. Cela dura quelques minutes, puis au moment où Baltazar se leva pour rejoindre ses amis, le poracha commenta :

« Je n’ai malheureusement pas de réponse claire à te donner concernant tes questionnements mon ami. Cependant, je peux répondre à une de tes inquiétudes. Tu as peur de mourir à la fin de ces cinq jours. Mais sache que pour réaliser un contrat avec un diable, il faut être capable d’offrir ce que tu mets dans la balance. Tu étais en train de mourir, tu ne pouvais donc offrir ta mort… »

Il marqua une petite pause, puis reprit :

« Prends garde, car les diables, s’ils sont futés, y gagnent toujours dans les contrats. »

Pendant qu’il discutait, Fijit fit aux aventuriers :

« Mais attendez, vous voulez sûrement voir Madame de la Volupté, elle va être ravie de vous revoir ! »

Drark fut heureux d’entendre qu’elle était encore vivante, car il l’avait laissée avec un antidote, sans avoir la certitude qu’il serait suffisamment puissant que pour contrer la maladie qu’elle avait contracté alors.

Madame de la Volupté arriva alors dans la pièce, quittant son salon personnel de l’étage pour saluer ces gens pour qui elle s’était prise d’affection. Elle descendit les escaliers avec sa grâce naturelle et cette élégance qu’elle avait développé avec les centaines d’années dans le métier de la séduction. Vidar se démarqua alors du groupe et vint se présenter devant l’elfe. Il s’inclina et se pencha vers elle pour un baise-main. L’elfe, surprise mais intriguée, décida d’accéder à se demande et lui présenta sa main, dont les gants d’un violet foncé remontaient jusqu’au-dessus des coudes, laissant ses épaules à découvert. Elle était toujours d’une élégance séductrice, quelle que soit l’occasion ou les invités. Ses beauté physique était son arme, la première ligne de son armée, tandis que son intelligence était le coup de grâce, ce qui lui permettait de prendre vraiment l’ascendant sur ses adversaires. Drark, qui observait la scène, se dit qu’il était content de l’avoir dans ses amis. Le nain, les lèvres à quelques millimètres du gant de satin, s’était arrêté, connaissant les règles de courtoisie de le haute société. Il ouvrit alors les yeux et les releva vers l’elfe qui semblait rougir quelque peu.

« Madame... » finit par dire le nain d’une voix grave et chaleureuse. Il se redressa lentement, soutenant toujours la main de Madame de la Volupté de sa propre main, les yeux toujours plongés dans les yeux de celle qui était peut-être la plus charmante de la cité. Ce fut ce moment que Marduk choisit pour rentrer dans l’établissement. Voyant la scène de loin, il se fit discret en attendant que l’échange soit terminé.

« Je ne pense pas avoir déjà eu le plaisir de vous rencontrer, maître… ? »

« Vidar, du clan Odeson. Je viens des Cinq Montagnes dans le nord. Je suis moi-même certain que je n’ai jamais eu l’occasion de vous contempler. Je n’aurais pas pu l’oublier, même après la mort que j’ai pu traverser. Cela aurait été … impossible. » répondit-il.

Elle fit une mimique comme si elle essayait de cacher son visage rougissant, faisant à la perfection le rôle de la femme effarouchée, tellement qu’il était difficile de savoir si elle jouait un rôle ou pas. N’ayant à priori rien à gagner de cette interaction, il semblait clair que Madame de la Volupté tombait quelque peu sous le charme de leur compagnon nain, mais il était clair que ses talents de séductrices étaient là pour accentuer toute démonstration d’intérêt pour leur ami. Les aventuriers présents ne s’étaient pas attendus à tant d’alchimie entre eux. Et il leur semblait clair que s’ils n’intervenaient pas, ils allaient perdre leur compagnon de voyage. Il allait laisser les Crocs d’Obsidienne derrière lui, oublier sa vengeance, son devoir et changer de vie. Marduk décida alors d’intervenir :

« Madame de la Volupté ! Comment allez-vous ? Que c’est bon de vous revoir. » dit-il avec enthousiasme. Le charme entre Vidar et Mélopée se rompit, et ils se rappelèrent qu’il y avait d’autres personnes dans la pièce.

« Marduk, cela me fait plaisir de te voir également. Je vais bien, très bien même. J’imagine que tu aimerais aussi savoir comment va ta cousine ? Elle n’est pas là actuellement, elle est occupée à préparer la prochaine représentation. Ah oui, je ne vous ai pas encore dit, mais le Temple de Norgorber a été rebaptisé « Le Masque Pourpre », et il sert actuellement autant comme taverne atypique que comme lieu de représentation. Nous organisons d’ailleurs en ce moment une pièce qui sera jouée et chantée durant les prochains soirs. »

Les aventuriers acquiescèrent, pas vraiment étonné que Madame de la Volupté ait décidé de mettre son goût de l’esthétique à profit dans cette affaire.

« Je vais vous y conduire », dit-elle en se dirigeant vers la sortie. Ils quittèrent l’établissement, traversèrent la Place du Dragon Ardent, entrèrent dans l’Antre des Protéens, et se rendirent sans s’arrêter jusqu’au Masque Pourpre. Sur le chemin, ils purent voir des lieux familiers, tels que le « Rien ne va plus », dans lesquels ils se promirent de passer dire bonjour une fois cette visite terminée.

Ils franchirent les portes de marbre noir et entrèrent ce qui était autrefois un lieu dédié au meurtre et la peur. Ils ressentaient encore cette touche qui donnait un certain côté inquiétant à l’endroit. D’une certaine manière, cela rendait également l’établissement un peu excitant. Les clients devaient avoir cette impression qu’ils risquaient leur vie à venir boire, s’amuser et discuter dans ces lieux où complot, intrigues, mystères et massacres avaient été planifiés. Cela devait forcément donner un attrait au Masque Pourpre et ils ne furent pas surpris d’entendre que les lieux fonctionnaient à merveille, surtout depuis que la délégation d’Onclair avait mis les pieds dans la ville.

« Je voulais justement vous poser une question par rapport à cette situation. Comme vous le savez, le royaume d’Onclair possède des ambassadeurs dans la ville et la délégation qui est arrivée il y a environ un mois négocie de manière assez agressive avec le Conseil des Sept, qui est actuellement un peu pris au dépourvu et assez hésitant quant à la démarche à suivre. Gidéon essaye d’endosser son nouveau rôle avec dynamisme et fierté, mais il n’a pas vraiment eu le temps de faire ses armes en politique avant d’être déjà plongé dans cette situation vraiment compliquée. » dit-elle avec une pointe de regret dans la voix.

« Où voulez-vous en venir au juste ? » dit Vidar pour l’encourager, sentant l’hésitation dans la voix de Madame de la Volputé.

« Nous avons l’opportunité, les jours qui viennent d’influencer le public venant assister au spectacle, ainsi que les personnes qui auront les échos de cette représentation. Nous avons deux versions de la pièce actuelle. Dans la première, un message politique, implicite certes, mais assez clair, remet en question la position du Royaume d’Onclair dans la politique actuelle. »

« C’est-à-dire ? » demanda Baltazar.

« Que nous allons dénoncer les agissements opportunistes et impérialistes de nos voisins de l’ouest. »

« Ah. » dit alors Drark, qui comprenait le dilemme. Cette version allait donc porter un message soutenant l’indépendance de la Redana, du moins d’Orville et de la Marche du Soleil, et critiquer le Royaume d’Onclair. Cela risquait de provoquer des réactions négatives et peut-être réactionnaires de la part des humains et compliquer les négociations, mais peut-être cela était nécessaire pour montrer au Conseil des Sept qu’ils avaient le soutient de la population.

« Cela nous permettra peut-être de mieux certaines personnalités. » ajouta Mirzini, dans leur dos. Ils se retournèrent et Marduk la prit dans ses bras.

« Mais très chère cousine, que cela me fait plaisir de te revoir ! » dit-il en la serrant fort, tandis qu’elle semblait un peu mal à l’aise de cet élan d’affection.

« Que veux-tu dire ? » ajouta alors Maï Xin.

« J’ai proposé à Madame de la Volupté d’installer la salle et les balcons afin d’avoir la possibilité d’écouter les conversations des spectateurs souhaitant un peu plus d’intimité pour pouvoir discuter d’affaires importantes de politique. » expliqua l’ancienne commandante des Ailes Noires.

Marduk sourit intérieurement. Il devait bien reconnaître que cet aspect de sa vie leur était bien utile maintenant, même s’il regrettait les implications que cela avait eu dans le passé. Il concerta ses compagnons du regard, les sondant sur leur position sur la question d’un message politique. Drark et Baltazar étaient clairement des personnalités indépendantes, et il savait qu’ils seraient contre une prise du pouvoir du Royaume d’Onclair. Vidar avait cette lueur de fureur dans les yeux. Les nains avaient toujours été d’avis que « chacun chez soi » était la manière de faire et malgré les risques, il se serait battu et serait mort plutôt que perdre son libre arbitre face à des serviteurs de Norgorber. Puis il regarda Maï Xin. Il décelait une certaine résolution calme, inflexible. Cela se voyait qu’il avait déjà vécu l’adversité, l’injustice, et il que sa volonté ne serait pas pliée par les épreuves. D’un petit hochement de tête, il fit comprendre au champion qu’il était derrière lui.

« Je pense que c’est une bonne idée que vous donniez votre avis. Je pense que la Redana s’est très bien portée en l’absence du joug des monarques de l’est comme de l’ouest. Vous devriez prendre position. Nous sommes prêts à vous aider s’il le faut. La guerre approche de toute façon, et que vous soyez dans un camp ou un autre, vous allez souffrir. Étant donné l’inévitabilité des conflits qui approchent, autant que vous soyez dans le vôtre plutôt que dans celui du royaume d’Onclair ou de l’Empire Zithaï. Nous vous aiderons du mieux que nous pourrons. Recueillez les informations que vous pourrez, nous verrons pour la suite. » déclara Marduk, ressentant cette similitude avec des situations qu’il avait déjà pu vivre dans des réunions de préparation d’opération avant une mission du temps où il était capitaine. Madame de la Volupté acquiesça, puis se dirigea vers les loges des comédiens pour leur transmettre le message.

Pendant que tout le monde discutait des dernières nouvelles, Marduk prit alors Mirzini à part.

« J’ai trouvé Dal’ris. » dit-il à sa cousine. Elle ne répondit rien, mais son visage s’anima d’une certaine colère à la mention de son nom.

« Il est à Glenwyrm. Il a pris la place de Grand Prêtre dans l’Église d’Asmodéus. Il a rejoint les Chevaliers Infernaux qui gouvernent la ville, sous l’Ordre du Dieu Griffu. »

« Il n’a pas perdu son temps à ce que je vois. » dit-elle avec amertume.

« Je sais que tu es encore beaucoup d’animosité envers lui, mais sache qu’il a l’air d’avoir changé. Je lui ai parlé de ses actes, et il semble avoir l’envie de devenir un autre homme. Il semble vouloir emprunter une nouvelle voie qu’il a trouvé dans la foi d’Asmodéus. » répliqua-t-il.

« Comment ?! cracha-t-elle, le visage déformé par le dégoût. Il n’a pas perdu son temps, cette saleté d’opportuniste. »

« Il m’a paru sincère, mais je t’avouerai que je me méfie encore de lui. Il m’a dit que c’était lui qui avait guidé les révolutionnaires jusqu’à la chambre de Khalid, mais j’ai des doutes. Je vais encore le tenir à l’œil afin de voir s’il compte vraiment redémarrer une nouvelle vie avec de meilleurs intentions. » ajouta Marduk, calme et pourtant bien à l’écoute de ce que sa cousine avait à lui dire. Il faisait davantage confiance en elle qu’en Dal’ris. Lorsqu’ils étaient plus jeunes, ils avaient passé de nombreux moments ensemble, et bien qu’elle ait toujours été une personne exigeante et un peu dure, elle avait un égo et un certain sens de l’honneur qui faisaient sens et qui faisaient d’elle une personne authentique.

« Ne lui fais surtout pas confiance ! Je ne pense pas qu’il soit capable de changer. Il ne nous voit pas comme des humains, mais comme des pions sur son échiquier géant. Si j’étais toi… je lui planterais une dague dans le dos. » répliqua Mirzini avec un air sauvage dans les yeux.

« Mais tu n’es pas moi. Je compte bien investiguer davantage et voir s’il est vraiment capable de rédemption ou s’il s’agit d’une cause perdue. Et dans ce cas, je n’aurai pas le choix... » dit-il avec une once de regret dans la voix.

Un ange passa, puis le champion de Sarenrae reprit.

« J’ai également quelque chose à te dire. »

« Ah ? C’est-à-dire ? » demanda l’ancienne commandante, curieuse.

« J’ai longuement réfléchi, aidé par les songes de ma déesse, et je suis arrivé à la conclusion que tu n’avais pas racheté tes torts. »

« Comment cela ? N’ai-je pas assez souffert dans cette affaire ? J’ai joué un rôle de victime dans cette histoire, non de bourreau ! » commença-t-elle mi-furieuse, mi-offusquée.

« Faux ! » coupa Marduk avec un ton autoritaire. Puis il reprit, plus calmement, voyant que sa réponse avait quelque peu décontenancé sa cousine.

« Oui, tu as été une victime, dans cette affaire, tu as été contrainte, d’une certaine manière, de par ton poste, de par la pression familiale et royale, de faire des actes que tu n’aurais pas volontairement réalisés. Mais tu les as fait. Nous avons toujours le choix de contester, de prendre une part active dans notre destin. Nous sommes les maîtres de nos vies et de nos décisions. Cela aurait pu te coûter ton poste, cela aurait pu te coûter des plumes, mais suivre les ordres qui te demandaient de faire des atrocités, sans broncher et sans se battre, est aussi horrible que de les donner soi-même. »

« Et qu’est-ce que je suis supposé faire ? J’ai mis ces histoires derrière moi et je vis maintenant une vie tranquille sans faire de mal à personne. » répliqua-t-elle.

« Prends garde Mirzini, on croirait entendre ton père… » commenta Marduk d’une voix pleine de sous-entendus. Mais il savait que cela allait la toucher loin, la travailler et peut-être la convaincre.

« Les victimes de tes actes sont maintenant mortes, mais il reste encore leur famille, leur peuple. C’est à eux que tu dois trouver un moyen de te racheter. Je dois encore réfléchir à un plan, mais pour le moment, veille à aider Madame de la Volupté à accomplir sa propagande indépendantiste. C’est une cause juste, et si Orville tombe sous le joug des noirs serviteurs du Royaume d’Onclair, les gens en souffriraient de la même manière que notre peuple kéléshite à souffert sous Khalid. »

Il marqua une petite pause pour évaluer la réaction de Mirzini, qui semblait réceptive, bien que de mauvaise humeur, peut-être vexée, honteuse ou mal à l’aise ? Puis Marduk reprit :

« Je vais maintenant m’occuper de ton père. Mais je reviendrai pour terminer cette histoire, et il faudra, quand tout cela sera fini, qu’on retourne en Qadira pour reconstruire ce que nous avons détruit. »

La conversation s’arrêta là, et Vidar et Baltazar s’approchèrent de l’ancienne commandante des Ailes Noires. Le nain voulait savoir si elle avait déjà entendu parler de l’écaille d’un dragon d’or dans le marché noir. Elle n’en avait cependant jamais entendu parler mais elle essayerait de se renseigner.

Puis Baltazar lui demanda si elle avait déjà entendu parler d’un certain Rando, mais malheureusement non. Puis, connaissant sa haine pour son propre père, il lui demanda son aide pour réunion des ingrédients pour réaliser un poison puissant, virulent. Elle connaissant le Lotus Noir, et les Larmes de la Mort. Elle n’avait pas d’ingrédient sous la main, mais elle cherchait à s’en procurer pour leur prochaine rencontre.

Afin de pouvoir communiquer avec le groupe, Vidar leur confia à chacune, Mirzini et Madame de la Volupté, un parchemin de rêve onirique, permettant de discuter durant les rêves.

Les aventuriers reprirent leur route, laissant les anciens membres des Corbeaux du Crépuscules préparer la pièce. Ils virent, en partant, que Madame de la Volupté donnait les instructions à Soruk, le doppelgänger qui jouait le rôle principal, concernant le message politique.

Le groupe d’aventuriers, ne sachant plus trop où aller pour les dernières heures de cette exploration de trame temporelle alternative, décidèrent d’aller dire bonjour à Gartok. Sur le chemin, ils firent cependant un arrêt à la boutique de l’alchimiste Gladant Spireane : les Cuves de l’Entropie. Ils purent constater que son commerce fonctionnait bien. Depuis que Merlando avait été élu directeur de l’Université, et que Drark avait soutenu le fait de laisser Gladant la possibilité de continuer son activité malgré certains questionnements de la part des autorités publiques, concernant la sécurité des laboratoires clandestins dans les sous-sols de la ville.

Baltazar avait une idée en tête. Il demanda à rencontrer Gladant en avertissant l’orc qui jouait le premier rôle de vendeur, qu’il avait « quelque chose d’une grande valeur qui pourrait intéresser un grand alchimiste tel que Gladant ». Ils furent accueillis dans une petite pièce derrière le comptoir, et après avoir attendu quelques minutes, l’alchimiste se pointa. Il n’avait plus beaucoup de cheveux sur le crâne, sa peau était abîmée à de nombreux endroits, mais ses yeux reflétaient encore une grande vivacité. Il était difficile de lui donner un âge, mais sa tenue d’alchimiste donnait l’impression qu’il avait déjà quelques décennies d’expérience.

« Bonsoir messieurs. Bienvenue dans ma demeure. On m’a dit que vous aviez quelque chose à me proposer… qui pourrait retenir mon attention ? » dit-il en serrant la main des aventuriers un à un.

Baltazar sortit le gros lingot d’adamantium trouvé dans les mines de Calambion, et une lueur apparut dans les yeux de Spireane. Il fit tomber de son front sur son nez ses lunettes d’alchimiste, et examina le métal avec attention.

« Cela me semble être un adamantium de qualité. ». Puis il sortit une sorte de petit maillet en acier et frappa le lingot, ce qui fit résonner une note claire et harmonieuse.

« Il me semble bien équilibré, et assez pur. Je vois que vous ne m’avez pas apporté de la camelote. Je peux vous en donner 3500 pièces d’or. » dit-il avec un air décidé. Baltazar eut un petit air déçu. Il répondit presque directement.

« Ne faites pas votre petit jeu avec moi. Vous savez bien qu’ils valent le double. Pourquoi me le prendre pour si peu ? »

« Vous savez, les temps sont instables, ce n’est pas vraiment le moment pour réaliser du commerce de luxe. Les gens n’ont pas besoin d’éléments particulièrement rares ou précieux. Ils veulent de quoi subvenir à des besoins plus basiques. » répliqua Gladant avec un léger sourire. Il faisait la négociation dans les règles, mais Baltazar n’avait pas envie de jouer à cela. Il avait besoin d’argent pour pouvoir acheter de quoi créer son poison. Sans cela, il risquait de subir des conséquences désastreuses.

« Je ne le céderai pas pour 3500 pièces d’or. C’est trop peu. » dit-il en ramassant l’adamantium et en se levant pour se diriger vers la sortie.

« Si vous changez d’avis, n’hésitez pas à venir me revoir ! » conclut Gladant en leur souhaitant au revoir.

Les aventuriers décidèrent alors de passer dire bonjour à Gartok afin de profiter d’un moment de détente avant de reprendre leur vie « normale », où tout se bousculait et le temps était compté.

Baltazar fit un petit détour dans le Quartier des Combes, plus particulièrement dans la Plantation du Charbon et aux Racines du Mal, mais il ne trouva pas ce qu’il lui fallait. L’elfe étrange avait de nombreuses plantes aux propriétés miraculeuses, mais aucune n’avait la propriété de tuer en un clin d’œil quelqu’un protégé par les faveurs d’Asmodéus.

Finalement, il se retrouvèrent au Rien ne Va Plus et burent quelques verres en l’honneur de Nivi Rhomboéblouissante, et initièrent Maï Xin au Centenaire, histoire de perdre un peu d’argent. Finalement, ils se dirent qu’ils rentreraient bien au Palais de Glace, car leur esprit était de toute façon préoccupé par des affaires urgentes. Ils avaient encore quelques heures devant eux avant que les effets de la pièce de Nordrem ne se dissipent, mais ils ne voyaient pas encore ce qu’ils pourraient faire de productif dans Orville.

Vidar réactiva alors la pièce, et la scène qu’ils vivaient au Rien ne Va Plus se dissipa tels du sable dans le vent. Ils purent alors sentir que la Trame Temporelle commençait à se tisser et détisser. Ils purent voir ce qu’ils avaient vécu une première fois, le voyage jusqu’au Pic des Azlants, les discussions avec les Chevaliers du Pardon, le combat contre le blizzard, la rencontre avec Dame Aloryck, puis ce qu’ils venaient de vivre dans cette réalité alternative. Tous ces évènements commencèrent à tournoyer dans les airs, dans le cyclone des visions du passé et du présent, comme une sorte de tornade dans une tempête de sable. Puis, comme une tapisserie qui se tisse, certains évènements s’inscrivirent tandis que d’autres se perdaient dans les limbes du temps.

Ils eurent la vision que les pioches, un des éléments principaux pour lequel ils avaient fait ce détour, se dissipait. Ils tentèrent alors de les rattraper, de les inscrire, par la force de leur pensée, pour rendre cette réalité vraie. Malheureusement, cet effort renversa l’équilibre de la Trame qui était occupé de s’écrire, et ils purent voir que deux autres évènements sombrèrent dans l’oubli : la découverte des lingots d’adamantium et le don des substances alchimiques à Skeen. S’ils avaient été dans le plan matériel, on aurait pu entendre leur cri de surprise et de colère. Avec un soupir de déception, ils purent voir qu’ils n’avaient pas réussi à retranscrire l’acquisition des pioches.

Cependant, ils s’étaient bien rendus aux mines, avaient trouvé des objets magiques et de l’or, ils avaient tué les monstres sur leur passage et avaient réduit en cendre les œufs des vers géants, il faudrait par conséquent aller rechercher leurs montures qui attendaient devant les mines.

Concernant leur visite à Orville, ils purent voir tomber aux oubliettes la somme payée à la famille s’occupant du domaine du Tilleul, puis dans les discussions au Masque Pourpre, leur injonction pour insérer un message politique dans la pièce, les parchemins de messages oniriques donnés à Mirzini et Madame de la Volupté, ainsi que les demandes à Mirzini de se renseigner sur l’écaille de Klangaréa et le poison.

Le reste devint réalité...

Date du Rapport
07 Mar 2025
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