Session XXXI : La chasse à la guenaude
General Summary
Suite au Rêve Onirique de Félenne, les aventuriers se concertèrent une dernières fois avant le départ. Ils avaient compris qu'il s'agissait là d'une opportunité unique de prendre les guenaudes dans leur tanière, ou du moins une de leurs tanières. Bien qu'ils ne savaient pas vraiment à quoi s'attendre, à part le fait qu'il s'agissait d'un village isolé dans les marais, ils savaient également que les guenaudes n'étaient pas au courant qu'ils allaient venir. L'effet de surprise serait donc dans les deux camps.
Les aventuriers souhaitèrent au revoir à Uram, Teneshi et surtout à Jueïa, qu’ils espérèrent revoir très bientôt. Ils ne visualisaient pas clairement où était l’endroit du rêve, mais ils avaient reconnu les ruines et les étangs du Quartier des Couveuses. Ils contournèrent alors le Temple du Serpent à Deux Têtes pour se diriger vers l’endroit où les œufs étaient gardés, confortablement au-dessus des sources d’eau chaude. Ils entrèrent dans le quartier et reconnurent directement le petit point d’eau qu’ils avaient vu dans leurs rêves. Maintenant qu’ils étaient devant, ils eurent un petit moment d’hésitation. Ils se regardèrent en chien de faïence pendant quelques secondes, puis Baltazar fut le premier à sauter le pas. Il plongea sa main dans les eaux tièdes pour tâtonner le fond du bassin, et lorsqu’il toucha ce qu’il lui semblait être un anneau, il se trouva aspiré vers le fond. Le sentiment fut le même que celui dans le rêve : perte de sens de la gravité, brouillage du champ de vision, attraction vers un point particulier, comme si quelqu’un vous tirait le bras d’une manière assertive pour vous emmener quelque part.
Il sortit de l’autre côté du sortilège, dans un petit étang situé au milieu des marais. Il secoua sa tête pour sécher ses écailles, puis sortit de là par de grandes enjambées. L’iruxi n’eut pas à attendre longtemps pour voir une femme rousse musculeuse, suivi d’une grande aux longs cheveux noirs, et enfin, après quelques secondes qui parurent particulièrement longues, une petite rousse bien en chaîr aux cheveux crollés. Instinctivement, il sut de qui il s’agissait, mais Baltazar eut réellement un déclic au moment où Drark sortait de l’eau.
« Drark ? » demanda-t-il ?
Ce dernier ouvrit des grands yeux interloqués vers la petite maigrelette qui la fixait intensément. Il jeta un regard aux deux autres femmes qui étaient présentes. Un point commun était présent entre toutes : elles avaient des yeux de couleur étranges. Jaunes, rouges, violets, vairons.
« Elle aurait pu nous prévenir qu’elle allait changer nos apparences quand même ! » ajouta-t-il.
« Cela doit être pour favoriser notre infiltration » commenta Vidar.
« Je sais, mais quand même ! J’aurais préféré être une grande femme aux muscles saillants comme toi. »
« On sait... » répondit le nain aux allures d’amazone.
Ils rejoignirent la petite étable abandonnée qu’ils avaient déjà entraperçue dans le rêve, et firent un petit feu afin de sécher leurs vêtements et cuire un repas en attendant les autres arrivants. Après quelques dizaines de minutes, ils entendirent quelqu’un toquer à la porte. Quelle fut leur surprise lorsque Perda, accompagnée de Narliza, entra dans l’étable. Alors que les salutations se faisait tranquillement et chacun du groupe faisait semblant de ne pas se connaître, Baltazar, se trouvant maintenant en face de le sorcière, lui cracha au visage :
« Alors Narliza, c’est comme cela qu’on laisse les copains !? Un gribouillis sur le visage et puis au revoir !? ».
Drark intervint alors et essaya de détourner l’attention en s’adressant à Perda : « Et d’où venez-vous ? Nous nous rendons actuellement à Skarland, c’est votre route également ? ». Perda répondit à la question par la positive, mais vu que Baltazar continuait à s’énerver sur son ancienne collègue, Vidar lui coupa la parole, car il sentait que Perda commençait à comprendre la situation. « Allons Elisa, c’est comme cela qu’on accueille nos nouvelles camarades de voyage ? Viens donc plutôt fumer un peu la pipe avec moi dehors. ». Il prit Baltazar par le bras, ce dernier ayant de grands yeux d’incompréhension, toujours en colère.
Vidar lui rappela qu’ils n’avaient pas leur apparences habituelles, et bien qu’il était important de mettre Narliza dans le coup, il valait peut-être mieux se méfier de Perda. Si celle-ci répondait à l’Appel et tombait sous le joug des guenaudes, il était plus prudent qu’elle en sache un minimum. Pendant qu’ils discutaient, Drark, sous le nom d’Ariel, continuait à occuper la fille adoptive de la Comtesse Bleue. De par son langage non verbal, il se rendit compte que la jeune femme avait compris que quelque chose de louche se déroulait. Il ne savait pas si elle avait tout compris, mais elle en savait suffisamment que pour comprendre qu’ils étaient liés à Narliza d’une certaine manière.
Une fois cet incident passé, ils mangèrent et discutèrent calmement autour du feu. Officiellement, le groupe d’aventuriers, sous les noms d’Elisa (alias Baltazar), d’Ariel (alias Drark), d’Elena (alias Vidar) et Marduk (alias Kendra) se rendait également à Skarland car ils avaient quelque chose à découvrir, pour des raisons personnelles. Sachant que Perda répondait activement à l’Appel, ils formulèrent leurs objectifs tout en sous-entendant qu’il s’agissait aussi de cela, mais sans non plus les nommer clairement. Cela suffit à la jeune femme.
Une fois qu’elle fut endormie, Narliza les prit à part. Perda n’avait pas été la seule à comprendre qu’il y avait anguille sous roche, et elle se rapprocha d’Elisa avec un air perplexe.
« Balti ? »
« Cela ne se fait pas de laisser tomber ses compagnons comme ça ! C’est quoi cette histoire ? ».
Narliza eut un sourire aux lèvres avant de finalement retomber, par les méandres de sa mémoire, sur la raison pour laquelle elle avait dû quitter le groupe.
« J’avais une petite enquête à mener, mais j’étais loin de m’imaginer que cela prendrait cette tournure. Je m’excuse pour l’absence d’information et l’inquiétude qui a dû vous étreindre. Nous aurons sûrement l’occasion de discuter des dernières nouvelles quand ma compagne de voyage se sera assoupie. Cela sera peut-être plus prudent. ». Avant de rentrer dans l’étable, elle se retourna pour ajouter : « Je suis contente que vous soyez le groupe que Félenne a choisi pour accomplir cette mission... ».
La soirée continua sans encombre. Perda ne souligna pas l’altercation entre Elisa et Narliza, sachant qu’il était peut-être indiscret de s’immiscer dans les affaires d’étrangères. Elles avaient le droit d’avoir leurs secrets, comme elle pouvait garder les siens.
« La journée a été longue et éprouvante, je vais rejoindre mes pénates. Je vous souhaite bonne nuit. Je suppose qu’on partira de bonne heure pour le village ? ». Les autres acquiescèrent d’un geste de la tête.
Une fois la protégée de la Comtesse Bleue endormie, les aventurières purent discuter librement, et Narliza commença afin de pouvoir expliquer ce qu’elle faisait là, au milieu de nulle part. Lorsqu’elle avait quitté le groupe de ses compagnons, elle avait suivi une piste qui concernait, elle le pensait, son protecteur. Accompagnée de son familier, elle avait emprunté une route sombre dans des catacombes, qui l’avait menée à un portail caché qui l’avait emmenée loin d’Orville. Elle s’était retrouvée à quelques lieues d’Edimar. Là, elle avait rencontré la sorcière Réa Tristal avec qui elle avait sympathisé. Narliza avait alors pris connaissance du contexte politique et les rapports de force entre les sorcières, les guenaudes et le peuple de l’Eau. Elle fut horrifiée d’apprendre que le combat entre les guenaudes et les sorcières avait fait tant de dégâts sur les civils de la Marche de l’Eau, car ils avaient littéralement été pris en otage. Narliza comprit que les guenaudes étaient des êtres pervers, manipulateurs et cruels. Les récits de Réa furent une mise en garde qu’elle n’oublierait pas de sitôt. Ensuite, elle rejoint la ville d’Edimar, dans laquelle elle rejoint assez rapidement la Société du Masque. Après seulement quelques jours, elle fut remarquée par ses membres et ceux-ci, désirant l’aider dans son pèlerinage, lui proposèrent d’intégrer cette communauté de changelins. Là, elle resta pendant plusieurs semaines et fit la connaissance de nombreuses personnes dans le même cas qu’elle : errante et à la recherche de réponses. Elle comprit qu’il y avait plusieurs types de changelins, ceux qui désiraient en savoir plus sur leur parenté, ceux qui refusaient de savoir, et ceux qui étaient entre les deux. Elle fit la connaissance d’une jeune femme du nom Nenfele avec qui elle se lia d’amitié. Après quelques temps, cette dernière révéla qu’elle était en réalité une des cinq sorcières de la Marche de l’Eau, et qu’elle avait infiltré la Société du Masque dans le but d’atteindre les guenaudes. Elle savait que certains changelins étaient à la botte de ces cruelles créatures, et cherchait un moyen de leur faire payer pour ce qu’elles avaient fait. En effet, elles avaient non seulement raser une ville entière, torturé et maltraité des centaines de personnes, mais elles avaient également tué une amie de Félenne, Azaéla, la sorcière du sauvage. En discutant, une idée de plan émergea. Les nouvelles proies des guenaudes étaient assez faciles à repérer, et elles pensaient en avoir repéré une. Une jeune fille à la longue chevelure rousse avait rejoint la Société, et tous les signes étaient là pour indiquer qu’elle était occupée à être appelée par sa mère. Il était difficile à dire si c’était le manque de volonté, ou simplement le fait qu’elle n’avait pas conscience de cet appel profond. Il est en effet pratiquement impossible pour un changelin qui n’est pas conscient de ses origines de résister à l’Appel, car la curiosité et le besoin d’en savoir plus sur son identité est toujours plus fort que le désir de tranquillité. Cette personne, c’était Perda. Le plan était donc simple, bien que dangereux : suivre la jeune fille, qui servirait de guide pour mener un groupe d’assassins jusqu’au repère caché des guenaudes. Il était clair que cela signifiait s’enfoncer au sein même de leur planque, avec presque aucune information sur le contexte, mais les guenaudes seraient également prises au dépourvu. Elles savaient que les risques de l’opération étaient importants, mais c’était néanmoins une opportunité à saisir, car Félenne avait déjà trouvé plusieurs guenaudes anis qu’elle savait pouvoir retarder le temps que le groupe fasse son intervention. Elles seraient donc affaiblies le temps que les aventuriers fassent leur affaire. De plus, tout semblait indiquer que les guenaudes étaient impliquées les sombres entreprises qui se préparaient dans la Marche de l’Eau : elles avaient des contacts avec les Crocs d’Obsidienne, les Dulahans, les minotaures et ce n’était peut-être pas la fin de la liste. Couper la tête du serpent permettrait de déstabiliser le futur peu enviable qui était réservé pour le peuple de la Marche.
Une fois que Narliza eut finit son explication, tout eut plus de sens pour les aventuriers. Ils s’étaient enfoncés dans l’étang en faisant confiance à leur alliée sorcière, mais ils voyaient maintenant que ce risque pris était peut-être nécessaire. Ils allaient maintenant devoir être à l’affût car ils allaient être dans la gueule du loup. Leurs déguisements magiques allaient leur permettre une couverture durant un temps, mais ils ne savaient combien de temps cela durerait. Il était possible qu’un moment la supercherie soit révélée (Baltazar se mordit la lèvre en se jurant de ne plus faire de bourde telle qu’il avait ce soir) et que les aventuriers passent de chasseur, à proie. Dans ce village, ils allaient devoir repérer rapidement les guenaudes et s’en débarrasser dès qu’une opportunité se présenterait. Chaque indice allait être important. Ils allèrent se coucher suite à ce conciliabule de préparation.
Le lendemain matin, ils atteignirent le village de bonne heure. Sur la route, Drark prit le temps de prendre un échantillon de boue et de plantes de la région. Bien que relativement semblable à ce qu’ils avaient déjà vu dans la Marche de l’Eau, la végétation ici semblait plus vivante, plus imposante, en expansion, comme si l’entropie de l’endroit était différente. Cela intrigua le gobelin qui eut la conviction que cela pouvait potentiellement l’aider dans ses recherches. Skarland était complètement isolé du reste du monde, perdu dans les marécages, invisible sur les cartes et effacé des histoires. Ce n’était que l’Appel, qui animait Perda, qui les avait amené jusque-là. Félenne avait utilisé la position des deux changelines pour réaliser la téléportation des aventuriers. De la fumée sortait des maisons et venait se mêler à la brume probablement permanente de la région. Alors qu’ils approchaient des petites chaumières de plein pieds, une femme à la longue chevelure blonde tressée, leur fit signe. Elle était habillé d’une robe d’un bleu profond et portait une ceinture dorée qui enrobait son ventre de femme enceinte. Son nom était Tasha, et ils furent accueilli avec chaleur et gentillesse par celle qu’on pouvait nommer la tisserande du village. Elle fut très étonnée de voir des voyageuses dans la région, et elle posa pas mal de questions. Elles répondirent qu’elles étaient de passage et que leur chemin hasardeux les avait menées jusqu’ici. Tasha semblait profondément gentille, et lorsqu’ils la saluèrent, ils avaient pris la peine de lui serrer la main en utilisant l’anneau de fer froid forgé à Edimar. Ils ne virent aucune réaction de sa part, et bien qu’une personne avec beaucoup de sang-froid aurait pu masquer l’agression pour une guenaude, ou le picotement du fer froid pour une changeline, ils déterminèrent qu’elle n’était ni l’une, ni l’autre. Tasha leur proposa l’hospitalité. Le voyage avait dû être long et tortueux pour arriver dans un village aussi reculé. Ils se désaltérèrent chez elle, et en profitèrent pour poser quelques questions. La plus grosse surprise fut que le village n’était composé que de femmes. Ils étaient apparemment « partis » il y a plusieurs mois, et la communauté féminine s’était adaptée pour fonctionner sans eux. Les aventuriers se rendirent alors compte que Félenne avait eu le nez fin, ou avait peut-être reçu des informations dans ce sens. La dissimulation de leurs identités serait plus aisée sous leurs apparences féminines. En tant que femme enceinte, Tasha aurait cependant aimé avoir une présence avec elle pour la soutenir dans ces derniers moments avant l’accouchement pour l’aider pour les tâches quotidienne. Suli, la chasseuse, était une amie de Tasha et avait un tempérament rassurant, mais ce n’était pas comme si elle vivait sous le même toit. La jeune femme leur proposa alors de se joindre au repas commun du midi. Tous les jours, les femmes du village se retrouvaient dans la grande grange pour partager un repas. Le groupe accepta avec plaisir. Ils avaient marché toute la matinée et cela allait sûrement être meilleur que leurs rations de voyage. Ce serait également un bon lieu pour démarrer leur enquête.
Le village n’était composée que de trois rues, se rejoignant au centre de l’agglomération. À l’intersection de ces trois routes se trouvait la grande grange. Sur le chemin, ils purent constater que le village semblait en effet assez vide. La disparition de la moitié de la population avait laissé des traces. Ils purent dénombrer une trentaine de femmes affairées autour de la grande table en arrivant à la grange. Tasha les introduisit brièvement, en expliquant qu’elles étaient des voyageuses et qu’elles se joindraient à elles pour le repas. Ils se mêlèrent à la population, qui fit mine de ne pas trop les dévisager, les observant du coin de l’œil en essayant de ne pas être trop indiscrète. Une fois toutes à table, le ragoût de cochon fut servi et les discussions commencèrent de bon train. Le groupe put faire la connaissance de quelques personnalités importantes du village. Tout d’abord, ils remarquèrent la présence d’une femme assez robuste du nom de Gladys. Elle était une artisane et confectionnait la plupart des outils du village. Elle réparait ce qui devait l’être et était très polyvalente dans son domaine et elle avait une personnalité assez forte. Il valait mieux ne pas être son ennemie, conclut Vidar (alias Elena) qui discutait avec elle. Il put discuter de son art et apprit qu’elle avait toujours vécu au village. Le courant passait bien, entre ces deux femmes musclées et pleine d’enthousiaste pour le travail manuel. Ensuite, ils purent voir Suli, l’amie de Tasha. Elle tenait le rôle de chasseuse. Taciturne et avec un air de sombre réalisme, elle imposait un certain respect de par son assurance et son cynisme. Elle portait une tunique de cuir souple proche du corps et possédait un grand couteau à la ceinture. Narliza eut l’occasion de faire davantage sa connaissance. En discutant de la région, elle remarqua que le village était plutôt en sécurité. Aucun orc des Crocs d’Obsidienne à l’horizon, le village menant une vie tranquille, loin des troubles du reste de la Marche, ou du moins pour le moment. Elle chassait parfois des grosses proies, mais aucune d’elles ne semblait dangereuse au point de menacer le village. La sorcière put en conclure que le village, au-delà de son aspect isolé, devait probablement être gardé, protégé par une force, supposément les guenaudes. Une autre femme remarquable était Jilouhé, une femme pleine de vie, qui attirait par la singularité de ses yeux. En effet, Drark (alias Ariel), qui se trouvait à côté, pouvait distinguer des petites étoiles pétillantes dans ses yeux. Il avait l’impression d’observer un ciel étoilé dans les yeux d’un bleu profond. Il ne savait pas à quelle race elle appartenait, mais cela lui faisait curieusement pensé aux fées. Ils discutèrent de la région, et elle admit que la nature avait l’air de se comporter différemment en ces lieux. Une sorte de magie ancienne régnait dans la région, qui faisait pousser les plantes autrement, ce qui leur conférait une vitalité particulièrement forte, une taille plus grande que la moyenne. C’était sa passion pour les plantes qui la poussait à remplir le rôle de cueilleuse. C’était vers elle qu’on se tournait lorsqu’une personne était malade ou avait besoin d’un traitement digestif particulier. Elle connaissait bien les environs et elle avait déjà remarqué que l’épicentre de ce phénomène particulier se trouvait au nord-est du village. Ariel la remercia pour cette information et nota dans son esprit qu’il devrait faire un tour dans cette direction. Elisa (alias Baltazar) discuta également avec Ilseh, la doyenne du village. Il s’agissait d’une vieille femme à la chevelure noire grisonnante, d’une vigueur et d’un esprit vif malgré son grand âge. Elle avait la charge de l’éducation des enfants du village. Actuellement, elle donnait la leçon à quatre jeunes filles qui avaient entre six et quatorze ans. Elle était également consultée pour sa sagesse lors des décisions importantes du village.
À la fin repas, Elena se leva pour remercier l’assemblée.
« Je tenais, au nom de mes compagnes et moi-même, à vous remercier pour ce chaleureux accueil et ce délicieux repas que vous nous avez offert. Notre voyage a été long et fastidieux, mais nous sommes heureuses que nos pas nous ai menées jusqu’ici... ». Après une petite pause pour s’assurer du silence, elle continua. « Nos coeurs nous ont menés ici, comme répondant à un Appel, et nous sommes reconnaissantes de l’avoir écouté, car vous êtes des hôtes remarquables. Vous avez toute notre gratitude. »
Pendant trois secondes, tout le monde retint sa respiration. Le reste des aventuriers failli recracher tout ce qu’ils avaient en bouche de surprise. Des regards s’échangèrent, entre gênés, circonspects et effrayés. Finalement, Ilseh prit la parole, vu que personne ne le faisait.
« Eh bien nous vous souhaitons la bienvenue et espérons que votre séjour ici sera bon. ». Helena se rassit. Il savait que ce qu’il venait de faire était risqué. Il venait d’accélérer le processus de rencontre entre le groupe et les guenaudes. Qu’elles soient à cette table ou dans les alentours du village, cela allait se savoir. Il venait d’ouvrir les hostilités en disant, d’une manière détournée : « La chasse est ouverte ». Elles allaient maintenant venir après eux. Le doute subsistait cependant sur les informations qu’elles avaient sur eux. Avec de la chance, elles ne savaient pas qu’ils étaient là pour les tuer et cela jouerait en leur faveur. C’était risqué, mais il avait eu ce qu’il voulait. La réaction de la table avait été assez explicite. Les femmes du village étaient au courant pour les guenaudes, et même peut-être, certaines de ces femmes étaient en réalité des vipères au double visage.
Une fois le repas terminé, tout le monde rangea la table et fit la vaisselle. Baltazar profita de ce moment pour tenter de discuter avec Elyana. Il avait subit un traumatisme, et il était prêt à parier que cela avait quelque chose à voir avec les guenaudes.
« Tu es bien Elyana, c’est ça ? »
« ... ». Elle lui répondit avec un sourire timide.
« Tu t’occupes de la porcherie si j’ai bien compris. Tu es dans le village depuis longtemps ? ».
« ... ». Petit hochement de la tête.
« Tu vas bien ? ». Elisa s’inquiétait visiblement pour cette jeune fille.
« ... ». Elyana fit un sourire désolée, la clarté de ses yeux perdue au loin, dans un paysage qui ne se trouvait pas devant elle.
« Euh… Bon, à bientôt j’espère. ». Baltazar la laissa finir de ranger la vaisselle.
Cela ne s’était pas passé comme prévu. Il était désemparé devant cette attitude ce mutisme, et qui pourtant criait la détresse. On aurait dit que son âme était enfouie sous des étaux qui la cachait tout au fond d’elle. Il décida de la suivre jusqu’à son retour chez elle. Discrètement, il la traqua jusqu’à la porcherie. En arrivant chez elle, Elyana se planta au milieu de la boue, les bras ballants, le regard perdu au loin. Baltazar ressentit un certain malaise. Quelque chose ne se passait pas comme prévu, quelque chose n’était pas naturel dans ce tableau, même en prenant en compte le fait que la jeune fille était traumatisée. Après quelques minutes d’observation, il comprit : c’était les cochons. Bien qu’il n’avait jamais travaillé dans une porcherie, il savait que ces animaux faisaient beaucoup de bruit et étaient relativement agités, surtout quand ils avaient de l’espace comme ici. Dans le tableau qu’il avait devant lui, aucun cochon ne bougeait. Ils étaient tous immobiles, debouts dans leur enclos, éparpillés de manière plus ou moins espacée, sans montrer aucune activité. Si les oreilles de ces animaux ne bougeaient pas régulièrement pour chasser les mouches, il aurait pu croire qu’ils étaient empaillés. Juste avant qu’il ne se retourne pour rejoindre ses compagnons, un évènement étrange se déroula. L’un d’eux, le plus proche d’Elyana, se rapprocha en faisant quelques pas pour lui renifler la main. Celle-ci, dans un premier temps, ne bougea pas, et Baltazar crût qu’elle ne le remarquait pas. Puis elle se mit à caresser son museau d’une main distraite, pour changer d’attitude soudainement, et la caresse se transforma en poing. Elle frappa l’animal de quelques coups de rage, mêlée à du désespoir. Bien que relativement loin, Baltazar devina les larmes coulants sur les joues de la jeune fille sous la pluie battante. Le cochon s’éloigna d’un pas, ne comprenant pas la réaction de sa gardienne.
Suite à ce triste spectacle, l’iruxi rejoint ses amis devant la grange. Il leur raconta en quelques mots ce qu’il s’était passé, et ils discutèrent afin d’organiser leur après-midi. Ils décidèrent de se séparer afin de mieux enquêter sur les différentes personnes, mais avant tout, ils reconduirent Tasha chez elle. Son état ne lui permettait plus vraiment de travailler, et elle avait besoin d’aide pour se déplacer. Une fois de retour chez Tasha, ils discutèrent un peu de la naissance imminente de l’enfant de la jeune femme. Au fil de la conversation, et en orientant un peu les questions en fonction de leur suspicions, ils comprirent que Tasha espérait que cela soit une fille. Pire, elle redoutait que cela soit un garçon. Le groupe insista davantage pour lui tirer les vers du nez, et suite à un coup de pression mis par Vidar, Tasha avoua qu’un pacte avait été fait avec leurs protectrices, les guenaudes. Il s’agissait de leur sécurité en échange d’une simple règle : pas de mâle dans le village. Cela était arrivé suite à un incident six mois plus tôt. Une femme avait été battue à mort par son mari, et une sorte de soulèvement féminin s’était organisé. Les meneuses avaient été demander aux guenaudes de les protéger contre la férocité des hommes. Ils comprirent donc que toutes les femmes du village étaient au courant. Le doute persistait encore sur le fait qu’il était possible que certaines femmes soient des guenaudes, ou peut-être pas. En discutant sur la question, Tasha annonça que les trois femmes les plus importantes du village étaient Ilseh, Suli et Gladys. Les aventuriers en conclurent que soit elles pouvaient être des guenaudes, soit elles étaient en contact avec ces dernières. Ils laissèrent la femme enceinte se reposer, car elle avait été un peu secouée par les propos d’Helena, et partirent pour poursuivre l’enquête.
Après concertation, Drark et Narliza décidèrent d’aller voir Elyana. Peut-être parviendraient-ils à la faire parler. Si pas, Narliza voulait examiner les cochons et voir si un sortilège avait été lancé sur ces bêtes. Vidar et Baltazar iraient voir chez Gladys s’ils pouvaient glaner quelque information utile.
Drark et Narliza arrivèrent assez rapidement chez Elyana. Au début, ils ne la virent pas, pensant qu’elle était partie à d’autres occupations, mais en s’approchant davantage, ils purent voir qu’elles nourrissait les porcs, sous le préau mitoyen à sa maison. Afin de gagner du temps pour que la sorcière ait le temps d’analyser les cochons, Drark s’avança vers la jeune fille aux cheveux rasés et lui adressa la parole.
« Bonjour, moi c’est Ariel. Vous avez l’air d’avoir beaucoup de cochons. Combien environ ? ». Pas de réponse. « Hmm… je pense en compter une trentaine… Ils ont l’air bien calmes ces animaux. ». Elle le dévisageait toujours sans bouger. « En tout cas ils ont l’air en bonne santé, cela se voit que vous vous en occupez bien. ». Petit sourire triste. « Bon. Si vous avez besoin d’aide ou de quoi que ce soit, n’hésitez pas, on est là pour ça… Bonne journée. ».
Pendant ce temps, Narliza avait observé les cochons et utilisé sa magie pour vérifier que les animaux n’étaient pas enchanté. Le soupçon de Baltazar se confirmait : ils étaient en effet victimes d’un enchantement, mais il fallait encore pouvoir déterminer lequel. Cela pouvait expliquer leur calme olympien en tout cas. Elle avait assisté à la conversation, cachée dans un coin, et elle pouvait également attester qu’Elyana avait subit de gros traumatismes. Cela n’augurait rien de bon. Elle semblait brisée en mille morceaux, n’étant que le reflet de qui elle avait été.
Sur le retour, Narliza laissa Drark car elle voulait faire un petit tour à la séance d’éducation des jeunes, donnée par Ilseh dans la grange maintenant débarrassée des tables. Elles avaient eu l’occasion d’échanger quelques paroles durant le repas et la sorcière était curieuse d’en savoir plus. Elle arriva alors qu’une petite séance d’histoire sur la Marche de l’Eau se clôturait. Narliza avait cru entendre le mot « Laskier » de loin, mais n’était pas certaine. Les jeunes filles étaient au nombre de quatre, entre les âges de six et quatorze ans. Ilseh passa alors sur un moment de réflexion, en proposant une histoire. Elle raconta qu’il y a longtemps vivait un troll non loin d’un village. Celui-ci un jour essaya de faire connaissance avec les habitants de l’agglomération, mais il était trop moche, repoussant et puant que pour pouvoir être bien reçu, et les villageois lui lancèrent des pierres à vue. Triste dans sa solitude, le troll décida alors d’enlever les enfants des villageois afin qu’ils soient obligés de l’écouter. C’est donc ce qu’il fit, et il expliqua avec colère aux villageois qu’il aimerait que leur attitude avec lui soit plus ouverte et accueillante, parce qu’il souffrait trop de sa solitude. Les villageois lui promirent qu’ils seraient chaleureux et bienveillants, s’il rendait leur enfants sains et saufs. Une fois les enfants en sécurité, ce n’est cependant pas ce qu’il s’est passé. Bien qu’il ne reçut plus de pierres, les hommes étaient distants, méfiants et effrayés par le troll. Le peu d’évolution de la situation mit en rage le troll, qui décida alors de manger les enfants. Une pause se fit dans le récit d’Ilseh.
« Et qu’est-ce qui se passa ensuite, grand-mère Ilseh ? » demanda la plus jeune des filles.
« Rien mon enfant. Personne ne vint tuer le troll parce qu’il était trop fort, et les villageois n’ayant pas respecté leur parole subirent les conséquences de leurs actes. »
Une légère amertume flotta dans l’air. Narliza comprit qu’Ilseh était là pour enseigner certaines leçons, mais en utilisant parfois des réalités dures de la vie. Les humains et le troll ne parvenant pas à trouver un terrain d’entente, ils se firent du tort tous les deux et le monstre ne parvenait pas à trouver autre solution que la violence, démarrant un cycle peut-être sans fin. La doyenne fit un regard entendu à Narliza, qui se leva et prit congé des leçons.
De leur côté, Elisa et Helena trouvèrent la maison de Gladys. Une forge rougeoyait sous un grand abris adjacent à sa maison. Elles observèrent un peu les lieux avant d’appeler l’artisane. Ils remarquèrent qu’elle possédait une collection impressionnante de statuettes. Quel que soit le matériel utilisé, il s’agissait de petites sculptures représentant des femmes ou des animaux. Il y en avait en bois, en pierre, en métal et même en tissus. Elles semblaient garder les lieux, comme des petites protectrices, conjurant le mauvais sort ou la malchance.
« Ah vous êtes là ! ». Gladys venait de sortir de sa maison, des gants de forgeronne sur les mains, et démarra son ouvrage. Ils la questionnèrent sur sa vie au village, sur son travail, mais sans vraiment aller dans les détails. Ils cherchaient plus une occasion de fouiner que pour vraiment la questionner. Ils ne remarquèrent pas grand-chose de particulier, mais Baltazar, profita d’une diversion de Vidar pour pointer son nez dans la maison de Gladys. Il remarqua une sorte de petit autel sur lequel de nombreuses statuettes étaient disposées, mais rien d’extrêmement alarmant, car c’était une pratique courante dans les villages où il n’y avait pas de lieu de culte dédié. De son côté, Vidar en discutant avec Gladys, eut la confirmation d’un de ses soupçons. Tasha lui avait affirmé plus tôt qu’elle n’était pas originaire de Skarland, et là elle réaffirmait qu’elle avait toujours vécu ici ! L’air pensif, Helena acquiesçait aux propos de la forgeronne. Ils quittèrent les lieux et rejoignirent leurs compagnons à la maison de Tasha.
De retour chez la tisserande, ils firent un petit compte rendu de leurs péripéties. Le soir tombait, et la pluie battait sur le toit de la chaumière. L’orage commençait à se faire entendre lorsque Tasha sentit des contractions débuter. Les aventuriers se préparèrent à l’accouchement, et tout le monde se mit au travail. Après un peu plus d’une heure, la tisserande tenait son enfant dans ses bras. Après quelques minutes d’apaisement, les larmes de joie de la jeune femme se transformèrent en larmes de désespoir.
« S’il vous plaît, prenez-le et partez loin d’ici ! Elles ne peuvent pas avoir mon enfant. Elles vont l’enlever ! ».
Le groupe savait que quelque chose allait arriver. Les cris de Tasha avaient dû être entendu dans le voisinage, malgré la pluie et l’orage. Et même dans le cas où le bruit ambiant avait masqué les cris et pleurs, les aventuriers étaient certains que les guenaudes étaient au courant de ce qui s’était passé dans la maison. Pour preuve, la sorcière changeline sentait que l’Appel se faisait de plus en plus fort. Elle avait elle-même du mal à penser de manière lucide, alors elle ne pouvait imaginer l’état de Perda. Cette dernière assistait aux évènements d’un air absent, comme si son esprit était ailleurs. Ils prirent la décision de séparer le groupe : Narliza et Baltazar iraient voir ce qui se passe dans le village tandis que Drark et Vidar montraient la garde pour protéger Tasha et son enfant. Pour plus de sécurité, Ariel prépara une tisane pour tout le monde, et chargea la tasse de Perda avec son somnifère le plus puissant. Cela ferait un problème de moins à gérer durant cette nuit qui allait être longue. Drark décida de se cacher dans un coin sombre tandis que Vidar ferait la garde de manière plus ostentatoire.
De leur côté, Baltazar et Narliza remontèrent la route boueuse qui menait vers la maison de Gladys. Ils avaient de lourds soupçons sur elle et ils étaient sûrs qu’ils trouveraient quelque chose chez elle. Chacun d’un côté de la route, ils arrivèrent devant la petite maison et purent constater qu’il y avait de la lumière. Baltazar approcha silencieusement tandis que Narliza faisait le guet dans l’obscurité. Il n’y avait personne à l’intérieur, mais il put constater que de nombreuses bougies étaient allumées sur l’autel. Il put constater que certains de ces personnages, à la lumière de la bougie, avaient des têtes terrifiantes. Il entendit alors des pas dans son dos...
Date du Rapport
29 Dec 2023
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