Session XLI : Croisée des Chemins de Taek

General Summary

Les aventuriers quittèrent les lieux avec un léger sentiment de nostalgie. Ces lieux avaient connu la paix et l’harmonie des décennies durant, et ils avaient l’impression de quitter l’enterrement définitif du monastère. Mais qui sait, peut-être que des personnes reviendraient donner vie à ces ruines maintenant que les diables étaient partis ?

Ils retrouvèrent le commandant des Chevaucheurs du Vent, qui leur donna en récompense des pièces d’or, mais également un morceau d’étoffe sur lequel un pégase au pelage marron était brodé. L’étalon était mis en avant sur un fond argenté représentant les nuages ainsi que la lumière du soleil perçant ceux-ci, tracée par des fioritures dorées. L’homme leur dit alors :

« Si un jour vous avez besoin des d’aide de la part des Chevaucheurs du Vent, présentez cela et vous aurez toujours des nôtres pour vous soutenir. C’est un symbole de remise de dette, et l’honneur est une de nos valeur clé. »

Après avoir remercié les cavaliers, le groupe se rassembla afin de décider de la suite du trajet. Ils devaient de toute façon se diriger vers l’Ouest, mais allaient-ils longer le Nord afin d’entrer le plus rapidement dans la Marche de Pierre, ou allaient-ils serrer vers le Sud, en longeant le Marais des Cendres ? Ils optèrent pour la première solution afin de découvrir de nouveaux horizons.

Ils voyagèrent près de deux jours, marchant vers le couchant jusqu’à ce que la nuit tombe. Les journées se rallongeaient petit à petit, car l’été s’approchait à grands pas. Ils avaient assisté à la Grande Fête de l’Équinoxe à Orville, mais cela faisait maintenant deux mois que le Doyen de l’Université était mort. Drark profita des moments de pause pour pouvoir transférer les runes récupérées sur l’équipement de Morgan ou de ses sbires afin que tout le monde puisse avoir un équipement à la pointe des derniers pouvoirs découverts.

C’est au bout de la deuxième journée qu’ils atteignirent Taek. De loin, ils purent voir de hautes murailles et des tours de guets, mais à leur grande surprise, celles-ci étaient faites de bois et non de pierres. Ils étaient à la frontière de la Marche de Pierre et de la Marche du Vent, et ils s’étaient attendus à voir leurs premières constructions de roches solides, typiques de la fabrication naine. En effet, les membres de ce peuple étaient aussi nombreux que les humains dans la région, et mêmes les constructeurs humains, reconnaissant la supériorité de l’architecture naine, avaient tendance à imiter les manières de faire des forgerons barbus. Mais en se rapprochant de Taek, ils purent constater que la palissade était faite d’énormes troncs d’arbres, probablement millénaires vu le diamètre et la longueur des végétaux utilisés. Ils furent accueillis par des gardes, mais personnes ne leur empêcha d’entrer. Juste quelques questions de routines furent posées : « Qui êtes-vous ? », « Quel est le but de votre visite ? », « Où vous rendez-vous ? ».

Une fois à l’intérieur, ils purent se rendre compte qu’il s’agissait plutôt d’une sorte de comptoir commercial fortifié. Une grande halle était placée sur une butte au centre du fort, entourée, de nombreux commerces et services tout autour, en contrebas. Le style architectural semblait assez multiculturel, mélangeant la marque de fabrique humaine avec celle des nains, des orcs, mais malgré tout, l’élégance elfique semblait partout. Même dans les endroits où cela ne semblait pas visible, une simplicité naturelle, un aspect élancé, et une certaine connexion avec la nature ressortaient de manière subtile.

Ils se dirigèrent directement sur la droite, vers une étable nommée « La Grange des Voyageurs ». Ils rencontrèrent un certain Galara, un demi-elfe qui s’occupait de nombreuses bêtes. Il s’agissait principalement de montures de marchands, guerriers et négociateurs de passage, mais il avait également des chèvres, bovidés et chevaux en pâture dans les environs.

« Bonjour étrangers ! Vous désirez mettre vos chevaux en pension ici ? Pour combien de nuit ? »

Drark fit une grimace en entendant le terme utilisé.

« Et notre âne ! répliqua le gobelin, montrant fièrement sa monture. J’espère que vous acceptez également les autres types de montures et que vous ne faites pas d’élitisme mal placé comme nous avons déjà vu dans d’autres lieux... »

« Oui oui ! Bien sûr ! Veuillez m’excuser maître gobelin, je ne vous avais pas vu, vous et votre fier destrier. Nous avons l’habitude d’accueillir de nombreux animaux de toutes les espèces, parfois mêmes de véritables monstres ! Ne vous inquiétez pas, je sais m’y faire, même avec les montures les plus réticentes. »

Convaincu par le demi-elfe, les aventuriers profitèrent de ce premier contact pour en apprendre davantage sur les lieux. Taek était à la base un comptoir commercial qui avait pris de l’ampleur au fil du temps. Il s’agissait à la base d’une construction elfique, mais rapidement des commerçants de toutes les origines s’étaient greffés au comptoir pour former une sorte de village commercial. On pouvait trouver maintenant autant d’orcs, de nains et d’humains que d’elfes. Les Halles étaient toujours dirigées par un elfe, ainsi que techniquement parlant, la gestion globale de l’agglomération, mais les décisions importantes étaient toujours prises après consultation des Lors de la Guerre de Redana, les incursions et les affrontements avaient poussé les occupants à bâtir des murailles faites de gros troncs d’arbres large comme il n’y en avait pas dans les autres Marches de la région.

Ils décidèrent alors de se rendre à la Taverne de « La Poule qui Aboie », un des deux débits de boisson de Taek. Il s’agissait d’un établissement qui était tenu par un leshy, ces petites créatures florales, des plantes éveillées par la magie des druides ou des lieux, des divinités ou des souffleurs de plantes. Sa connaissance de la culture des animaux domestiques des humains étant approximative, il avait affabulé sa taverne, sans le savoir, d’un nom complètement absurde.

Ils entrèrent dans les lieux et s’assirent à une des tables vides. Cela faisait un petit temps qu’ils n’avaient pas eu l’occasion de prendre une bonne pinte à la taverne. Après un long soupir de soulagement, ils examinèrent les personnes aux autres tables et leur attention fut attirée par un petit groupe de quatre aventuriers qui semblaient être des ecclésiastiques, mais guerriers. Ils portaient de longues toges noires, mais avec une coupe facilitant la liberté de mouvement. Ils portaient des armes à leur ceinture. Marduk fit un petit signe aux autres, indiquant les voyageurs à ses compagnons, et Jueïa réagit alors.

« Eux ? Ce sont des membres de l’Ordre des Pénitents. C’est une organisation qui permet aux personnes, après avoir réalisé une faute ou s’être trompé de chemin, de recommencer une nouvelle vie tout en payant pour ses fautes. »

« Comment tu sais cela ? Je n’en ai jamais entendu parler », répondit Baltazar.

« J’ai failli les rejoindre un moment, après le meurtre du client qui avait abusé de moi. Mais au final je vous ai rencontré, toi et Essaru, et cela n’a plus été nécessaire. » dit-elle en haussant les épaules.

« Je pense que je vais aller leur parler », renchérit le champion.

Il prit sa chope, se leva, et se dirigea vers personnes en noir. Il fit un petit signe en direction de la chaise vide à côté d’eux.

« Cette chaise est-elle prise ? Je peux m’asseoir pour discuter ? »

« Asseyez-vous donc étranger. Mon nom est Marcus. »

« Et le mien est Marduk. Je vous observe depuis tout à l’heure, et je dois dire que vous m’intriguer. Ma camarade de voyage là-bas m’a dit que vous étiez de l’Ordre des Pénitents, mais j’avoue que venant de Qadira, je n’en avais jamais entendu parler avant. Pourriez-vous m’éclairer sur votre organisation ? »

« Toute personne ayant commis quelque faute ou ayant des actes à se faire pardonner peut entrer dans l’Ordre des Pénitents. Une audience sera alors donnée et vous serez écoutés. Si nous jugeons que vous pouvez bénéficier de votre aide, un mentor vous sera alors désigné pour vous guider dans votre quête de la pénitence. Vous recevrez un nouveau nom car votre ancien sera complètement gardé secret le temps de votre présence dans l’organisation. Personne, mis à part votre mentor, ne sera au courant de ce que vous avez fait ou de qui vous êtes. Nous vous offrons une nouvelle identité pour une nouvelle vie. Vous aurez alors le choix de rejoindre soit les Guerriers du Pardon, soit les Disciples de la Sérénité. La première branche permet de chercher la pénitence par les armes, et l’autre par des actions pacifiques. Comme vous l’avez sûrement deviné, nous faisons tous les quatre partie des Guerriers du Pardon. »

« Mais donc chaque membre possède un mentor ? Vous également ? »

« Oui. Je suis le mentor de mes trois compagnons ici présents, mais j’ai également un mentor pour le guider la rédemption. »

« C’est donc une structure en pyramide. Un mentor doit se trouver tout en haut de la hiérarchie alors ? Vous le connaissez ? »

« Il doit nécessairement il y en avoir un… mais connu seulement de ses quelques disciples directs. Nous ne savons pas réellement à quel point l’organisation est grande ou non, il nous arrive de nous regrouper mais cela est assez rare. Le chemin de la pénitence est un chemin que chacun doit faire seul, avec ses remords. Le soutien de quelques épaules sur lesquelles se reposer est néanmoins essentiel, d’où la formation de petits groupuscules autour d’un mentor. »

Les réactions des aventuriers étaient mitigées. Ils appréciaient l’intention derrière la création de l’Ordre des Pénitents, mais quelque chose leur semblait clocher dans la l’organisation du pouvoir. Ils avaient cette vilaine impression que la structure était facilement exploitable pour des personnes mal intentionnées.

Pendant que la grande conversation se déroulait, Drark avait un peu observé les autres membres de la compagnie afin de jauger quelle était la personne qui semblait pouvoir lui divulguer le plus d’informations sensibles au sujet de l’Ordre. Ayant trop chaud car trop prêts du feu de la cheminée, le gobelin s’était dépouillé de ses vêtements. Maintenant vêtu seulement d’un pagne léger, comptant sur son charme naturel pour faire le reste, il alla s’asseoir à côté de la chevalière du Pardon. Il s’agissait d’une jeune fille humaine, début de la vingtaine, du nom de Melarane. Il entama la conversation en s’assurant que Marcus, occupé à dialoguer avec Marduk, ne prête pas trop attention à ce qui allait être dit.

« Les Chevaliers du Pardon… Cela a l’air intéressant comme ordre. Cela fait longtemps que vous avez rejoint la cause ? »

D’abord un peu rebutée par la nonchalance, et peut-être un peu l’odeur du gobelin, la jeune fille rousse répondit davantage par politesse que par réel intérêt.

« Hum. Non. À vrai dire cela ne fait que quelques mois, nous allons seulement vraiment entamer le début de ma pénitence. »

« Et comment vous vous sentez par rapport à cela ? Cela doit être une sacré aventure. Je pense que j’aimerais bien avoir l’occasion de faire cela si un jour j’en ressens le besoin. »

« À vrai dire, un peu excitée à l’idée de commencer mon chemin vers un nouveau futur. »

Ce gobelin avait définitivement plus de charme qu’elle ne le pensait, ou peut-être était-ce simplement parce que cela la distrayait ? La conversation dura encore un peu, jusqu’à ce que Drark décide d’attaquer le fond du sujet.

« Et si cela n’est pas trop indiscret, qu’est-ce que vous avez fait pour en arriver là ? »

« Euh… J’ai fait des choses qui ont causé du tort à ma famille… Par directement ! Mais je ne réalisais pas les conséquences de mes actes et sans le vouloir j’ai vraiment fait beaucoup de mal à mes parents, à mon frère. »

Sentant que les larmes montaient aux joues de la jeune femme, Drark décida de changer d’angle. « Et concernant vos compagnons ? »

« Je n’en sais malheureusement rien. Comme vous le savez peut-être, nous recevons des nouveaux noms et normalement personne ne révèle quoi que ce soit de leur ancienne vie. Malheureusement, ou peut-être heureusement. »

« Pourquoi heureusement ? Vous ne désirez pas en savoir plus sur vos compagnons ? »

« Vraiment ? Peut-être que vous, avec votre équipe d’aventuriers courageux et vertueux c’est ce que vous désirez, mais rappeler vous qu’on n’entre pas dans l’Ordre sans raison, et peut-être que je partage ma route avec des meurtriers, des gens qui ont commis des actes horribles, impardonnables ou inhumains. C’est le lot de l’Ordre des Pénitents. »

Drark se pinça les lèvres. C’est vrai que la sympathie du groupe ne reflétait pas l’aura de criminels sans pitié, et pourtant cela pouvait être le cas. Mais au final, quand est-ce que l’on pouvait juger définitivement quelqu’un pour ses crimes ? Ou s’arrêtait la limite ?

« Mais au moins, ils sont sur le chemin de la pénitence, non ? Cela doit valoir quelque chose, vous ne pensez pas ? »

« Pour moi, tant que celle-ci n’est pas faite, elle ne vaut rien. » dit-elle d’un ton amer.

Drark sentit qu’il n’en tirerait sûrement pas beaucoup plus et se reconcentra sur le reste de la table.

« Êtes-vous intéressés par notre organisation ? » relança Marcus. Il tendit sa main, paume ouverte vers le ciel, vers les aventuriers. Des petites pièces se trouvaient au creux de sa main.

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« De quoi s’agit-il ? » avança Vidar, sa curiosité piquée au vif.

« D’invitations. Ces petites pièces vous permettront de rejoindre l’Ordre des Pénitents. Si jamais un jour, que ce soit demain ou dans un an, vous désirez rejoindre l’Ordre, cette pièce vous facilitera les entrées. »

Sur les pièces, un séraphin d’or, ces anges du paradis, tandis que de l’autre côté, un démon répugnant à sept yeux grands ouverts. Un à un, Jueïa comprise, tous prirent une pièce… Avaient-ils l’intuition que, sur leur chemin, ils allaient devoir commettre des actes pour lesquels ils devraient demander pardon ? Était-ce par curiosité, pour l’appât du gain d’une babiole supplémentaire, ou pour le potentiel salut de leur âme qu’ils acceptèrent ce présent ?

Date du Rapport
08 Jul 2024

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