Session XIX : Requiem pour un chuchoteur

General Summary

Marduk, Baltazar et Drark se dirigèrent vers l’orphelinat. En effet, il était visible, même de l’extérieur, qu’un bon tiers de la bâtisse était occupée à s’enfoncer dans le sol. Toute la partie droite de l’orphelinat s’affaissait sous le poids de sa propre structure. Arrivés devant la grande porte, Baltazar utilisa le heurtoir en forme de ce qu’il supposa être une guêpe. Ils ne pouvaient distinguer l’intérieur, car toutes les issues avaient été barricadées de l’extérieur. N’ayant pas de réponse, ils ne s’attendaient de toute façon pas à ce qu’ils reçoivent un signe de vie, Marduk sortit son pied de biche et retira les clous des planches qui barraient la porte d’entrée principale. Ils pénétrèrent alors dans l’établissement et allumèrent une torche pour permettre à tout le monde de distinguer dans la pénombre. Ils explorèrent le rez-de-chaussée, et plus particulièrement une salle de classe, une salle d’étude, un réfectoire et une cuisine. Ils aperçurent dans la salle de classe un trou assez large, suffisamment large que pour laisser passer un être de la taille d’un humain, mais décidèrent de fouiller le reste de la maison avant de s’engager dans cette issue. Dans la salle d’étude, Marduk tomba sur un manuel d’apprentissage du necril. Alors qu’il se penchait pour le ramasser, Baltazar crût entendre des bruits de pas à l’étage.

« Vous avez entendu ?! »

Tous le regardèrent avec incrédulité. Non, il était le seul à avoir entendu cela. Il aurait juré avoir entendu des petits pas courir, comme ceux d’un enfant. Le lieu était habité, il en était sûr. Ils passèrent par un grand réfectoire complètement vide, et purent apercevoir la cuisine sur la droite en arrivant dans la cage d’escaliers. À l’étage, ils traversèrent un couloir et hésitèrent quelques secondes : des portes sur la gauches, des autres sur la droite, l’allée menant à un palier donnant sur la rue. Ils entendirent alors des pleurnichements d’enfants dans la pièce à leur gauche. Ils ouvrirent la porte et purent voir une petite forme recroquevillée dans le coin. Dans la pièce, de nombreux lits poussiéreux et des petits coffres pour placer les affaires personnelles. La moitié de la pièce possédait un sol inégal, poussant les aventuriers à faire particulièrement attention à leurs déplacements. Alors qu’ils approchaient de la petite créature, ils purent constater que bien qu’ayant la taille d’un enfant, il ne s’agissait en réalité que d’un squelette, surmonté d’une petite tête squelettique de chien. Ses pleurnichements s’arrêtèrent, suivi d’un regard vide et pourtant emprunt d’une sorte de rage meurtrière, comme animée par une faim inextinguible tandis qu’une ombre surgit d’un coin de la pièce pour les assaillir. C’était une sorte de buste décharné flottant dans les airs, comme un cadavre recouvert d’une robe sombre et éthérée. Cela devait être le compagnon de jeu de la petite créature. Drark avait déjà entendu des histoires sur ces êtres, appelés chuchoteurs, ou chuchoteurs du grenier. Suite à une morte tragique ou violente d’un enfant, il était possible que son esprit ne rejoigne pas le monde des morts, et se retrouve ancré dans l’endroit de son décès. Il avait la particularité de rester jouette, mais était néanmoins animé par la faim, ainsi que par la volonté de voler ce que les vivants possédaient et lui non : une voix et un souffle. Il avait la capacité, par ses frappes et morsures, de prendre la voix des personnes qu’il agressait, ou d’aspirer leur souffle. Ici, il semblait avoir trouvé un compagnon de jeu : un owb. Il s’agissait d’une créature des ombres, capable d’invoquer les pouvoirs de son plan d’origine. Avec une furie et aversion pour ces créatures capables de marcher sous la lumière du soleil, il s’élança dans la mêlée et frappa le premier à entrer : Marduk. Alors que l’attaque traversa son armure, le champion sentit l’étreinte froide tenter de s’emparer de son énergie. Heureusement, son corps tint le coup et il ressentit simplement un frisson parcourant toute son échine dorsale. Il pouvait le sentir, cet owb voulait l’emmener avec lui dans le plan le plan de l’ombre. Reconnaissant la nature mort-vivante de l’être qui venait de l’attaquer, Marduk répondit avec une imposition des mains. C’était toujours un peu risquer d’agir de la sorte car c’était utiliser ses ressources pouvant garantir leur survie, mais il savait qu’il avait la relique de Sarenrae avec lui si jamais la situation était critique. Il ne savait pas encore de quoi étaient capables ces créatures. Baltazar vint l’aider, ignorant le chuchoteur dans le coin de la pièce pour fonctionner en duo avec son compagnon de mêlée, comme cela fonctionnait si bien habituellement. Sa lance écharpa l’être fait de ténèbres et il enchaîna avec un coup de poing clouté. Drark, encore de l’autre côté de la porte, se rapprocha pour pouvoir lancer une bombe fantomatique sur l’être qui s’attaquait à ses compagnons. Le chuchoteur s’avança et vint prendre en tenaille Marduk. Il le frappa et tenta de lui voler son souffle. L’owb, aux prises entouré de tous ses adversaires, lança alors une incantation qui libéra une explosion de magie négative, absorbant lumière et vie autour de lui. Il tenta ensuite de maudire Baltazar qui résista également aux ombres qui tentaient de s’emparer de lui. Les aventuriers, presque tombés à genou à cause de la déflagration, comprirent qu’ils devraient passer à la vitesse supérieure pour le mettre hors d’état de nuire ou ils ne tiendraient plus très longtemps. Marduk invoqua les pouvoirs de sa déesse et concentra sa force dans ses mains pour infliger de lourds dégâts à la créature. Baltazar se repositionna et frappa dans le dos le torse flottant, lui faisant pousser un cri de douleur. Drark, comme convenu d’un regard entendu entre ses compagnons, ignora complètement le chuchoteur pour lancer plusieurs feux grégeois sur le monstre. En effet, le chuchoteur semblait être beaucoup moins menaçant que son compagnon. L’owb sortit de la mêlée et infligea de lourds dégâts à Marduk, soufflant un air froid, dépourvu de vie sur le champion, traversant son armure comme si elle était immatérielle. Heureusement, la créature était fortement affaiblie, et les coups qui suivirent désintégrèrent, la renvoyant dans son plan d’origine. Le combat continua et les aventuriers prirent rapidement le dessus sur l’enfant squelettique.

Après avoir reçu quelques violentes frappes, il s’enfuit, courant vers le trou qui se trouvait dans le sol, menant au rez-de-chaussée. Drark, plus agile que les autres, décida de tenter de le suivre sur le sol inégal, s’effondrant à moitié. Il arriva dans la cuisine, tandis que ses compagnons courraient jusqu’à la cage d’escalier. Le chuchoteur s’engouffra dans la pièce adjacente à la cuisine, une sorte de garde-manger. Baltazar arriva, et tomba sur une scène atypique : le petit être d’os était occupé de pleurer devant une sorte de petit autel. Sur une table, une sorte de poupée grandeur nature, faisant penser à une statue ou un mannequin, était installée. Les autres aventuriers arrivèrent et purent constater que la créature n’avait plus l’intention de se battre. Elle pleurait, du moins c’était le bruit qui sortait de sa mâchoire vide, et les pleurnichements étaient semblables à ceux d’un petit garçon de cinq ans. Déboussolé, le chuchoteur prononçait des paroles confuses.

« Qu’avez-vous fait de mon ami ? Et mes parents ? Où est maman ? Je veux maman !! Où ils sont partis ? Pourquoi je suis tout seul ?! »

Marduk reconnu alors la poupée-mannequin : il s’agissait d’une représentation, très naïve et grotesque, d’Urgathoa, la déesse des morts-vivants. Ses souvenirs la concernant étaient un peu flous, car il n’avait pas eu beaucoup de temps pour parfaire son enseignement au Temple du Soleil en Quadira. Il se rappelait uniquement qu’elle était une déesse qui avait décidé de ne pas suivre la voie de Pharasma pour suivre sa propre voie. Alors que la Dame Noire, pour garder l’ordre du monde, veillait à ce que les âmes des défunts aillent dans un plan qui leur était approprié, Urgathoa empêchait, par la non-vie, que ces âmes quittent le plan matériel ou le plan éthéré pour leur offrir une « seconde vie ». Le champion savait qu’il s’agissait d’une déesse considérée comme mauvaise, ennemie de Sarenrae, mais ses souvenirs étaient vagues sur la raison. Le heurtoir de l’entrée devait être une mouche et non une guêpe, cela devait être lié.

Il informa alors ses compagnons de la situation et déclara qu’il comptait renvoyer la créature dans le Cimetière. En d’autres termes, il comptait mettre fin à la vie du mort-vivant et permettre à son âme de passer dans l’au-delà. À cela, Baltazar objecta un refus. Si cette créature, isolée et perdue, ne faisait du mal à personne, pourquoi fallait-il en finir avec elle ? Elle n’avait rien demandé à personne, et il était clair qu’il s’agissait d’un enfant. Sa voix était celle d’un petit garçon de peut-être cinq ou six ans. Il suffisait de le laisser ici, dans cet endroit où personne ne passerait si on disait aux Cledan qu’il n’y avait aucune possibilité de rénovation sans dépenser des sommes exorbitantes. Drark fit la remarque qu’il ne s’agissait peut-être même pas de sa propre voix. Les chuchoteurs volaient les voix des êtres qu’ils frappaient, cela pouvait donc la voix d’un enfant qu’il avait tué. « Mais ça, on n’en sait rien ! On n’a aucune preuve ! » répondit l’iruxi. Durant toute la conversation, ils pouvaient entendre les pleurs, les sanglots interrompus par des sursauts pour remplir ses poumons inexistants. Marduk, poussé par sa conviction qu’Urgathoa ne pouvait amener quelque chose de positif dans le plan matériel, insista et campa sur sa position, tentant d’aborder la problématique sous un autre angle.

Mais ici, est-elle vraiment heureuse, cette petite créature ? Elle vivait ici, seule dans l’obscurité, et elle finirait par causer des troubles à d’autres personnes : la preuve, elle les avait attaqués sans avertissement ou discussion au préalable. Baltazar répondit que c’était son compagnon qui semblait le plus agressif, et qu’ils s’en étaient débarrassé. Et puis qu’est-ce qui permettait au champion de juger de l’importance d’une vie contre une autre ? Tuer le chuchoteur ou laisser le chuchoteur, potentiellement, tuer l’un ou l’autre habitant d’Orville, c’était pour lui un choix qui le rebutait de manière équivalente. Le débat commençait à devenir animé et le ton montait petit à petit alors qu’ils piétinaient dans leur conversation. Pourquoi sauver un assassin et ne pas laisser vivre ce petit être ? Est-ce que ton compas moral ne serait pas cassé Marduk ? Où alors ta foi n’est juste qu’une excuse pour justifier des actions aux motivations purement personnelles, qui ne sont de toute façon pas cohérentes et inscrites dans tes textes de sacrés ?! Mais non Baltazar, je t’assure que, bien que cela te paraisse confus de ton point de vue, je suis certain de mes actions pour cette situation-ci. Tu dois me croire ! Je fais cela pour sauver des vies, y compris la sienne ! Drark, qui assistait à cet échange animé depuis plus de vingt minutes, trancha finalement la question : « C’est un sac d’os maudit, Baltazar, il n’y a plus rien à sauver ! Et ce truc me fout la trouille, il faut en finir ! »

Baltazar se tut, choqué de voir son compagnon entrer de manière aussi brutale dans le débat pour donner raison à Marduk.

« Allez vous faire voir, je ne veux pas assister à ça ! » Et il sortit de l’orphelinat pour attendre dehors.

Marduk prit alors le chuchoteur dans ses bras, et le berça comme un enfant. Il utilisa des mots rassurant, calmant petit à petit la créature qui arrêta de pleurer, reniflant de manière sporadique. Il termina par quelques prières parlant de sa déesse. Ses mains se mirent à briller petit à petit, éclairant le crâne, le remplissant d’une lumière qui fit quitter peu à peu la non-vie présente dans son corps.

Ils se rejoignirent dehors. En attendant, Drark avait été faire le tour des lieux et vérifier l’état des effondrements. Il avait pu remarquer qu’il s’agissait d’un accident « naturel », provoqué par la présence trop proche de boyaux des souterrains de la cité.

Ils décidèrent d’aller chez les ysokis, voir s’ils étaient intéressés par le fait de s’occuper des réparations. Mais avant cela, ils devaient aller prendre un petit remontant au Poracha pour se remettre de leurs émotions. Ils burent un verre, tout en remarquant que Fijit n’était pas présent. Alyara leur révéla qu’il était encore occupé à cuver son vin de l’autre soir.

Baltazar profita de ce moment pour discuter avec le chat aux huit pattes. Il lui raconta ce qu’il s’était passé, et demanda son avis sur la question. Le poracha écouta en silence et en clignant des yeux lentement, puis expliqua que les être vivants qui étaient touchés par l’énergie négative, et qui passaient du côté de la non-vie, restaient rarement aussi bons et purs que de leur vivant. Le contact avec cette puissance corrompait même les plus bienveillants. Rares ceux qui parvenaient à rester fidèles à leur personnalité d’antan. Pour les enfants, cela était encore plus difficile, car le contrôle sur leurs émotions et leurs besoins était moins puissants. On ne saura jamais ce que ce chuchoteur aurait pu devenir, mais les chances qu’il soit resté un enfant innocent étaient faibles. Bien que pas totalement satisfait par ces paroles, Baltazar comprit ce que la créature voulait dire, et lui dit au revoir, le cœur un peu plus léger.

Ils se rendirent alors au Terrier et demandèrent à voir Rinzi. Ils leur expliquèrent le problème de l’orphelinat et lui proposèrent de s’occuper de cette affaire. Le petit rat accepta la proposition, affirmant qu’il allait s’en charger. Ils leur déclara également qu’en continuant leurs recherches, ils avaient trouvé une énorme sphère vide, composées d’anneaux assemblés entre eux, dans la grotte de l’hydre. Ils ne savaient pas exactement de quoi il s’agissait, et voulait avoir leur avis sur la question. Les aventuriers n’en savaient pas beaucoup plus que Rinzi, mais les hypothèses commençaient déjà à fuser dans leurs esprits. Avant de partir, le groupe demanda à l’ysoki s’il avait entendu parler des elfes : la rumeur courait qu’ils avaient été vu près du Terrier, voire même dans le Terrier. Rinzi se renseignerait, car il n’avait pas connaissance de l’entrée des elfes dans sa demeure. Ils se dirent bon vent et les aventuriers prirent la direction du manoir des Cledan.

Là, ils eurent un entretien court, où ils apprirent que la proposition de laisser Madame de la Volupté prendre en charge l’ancien Temple de Norgorber allait sûrement être acceptée. Ils parlèrent ensuite de l’entretien avec Rinzi et purent conclure cette affaire. Vina, leur fit un sous-entendu concernant Jidéon Lancaster. Elle leur dit que si un jour ils désiraient leur donner des informations sur ce nouveau membre du Conseil, elle était prête à écouter et payer pour celles-ci. Marduk comprit également que s’ils désiraient se reconvertir en assassin, elle mettrait le prix. Avec ces paroles en tête, l’entretien prit fin.

Date du Rapport
19 May 2023
Lieu principal
Related Characters

Commentaires

Please Login in order to comment!