Session LIX : Impair à l'auberge de Xalistar

General Summary

Alors qu’Ira s’apprêtait à exposer son plan, elle s’interrompit brusquement. Son regard venait de se fixer sur un elfe qui s’approchait calmement de leur groupe. Elle plissa les yeux, méfiante, et attendit qu’il s’arrête à leur hauteur.

« Vous… vous connaissez cet individu ? » demanda-t-elle prudemment.

Marduk se retourna, puis son visage s’éclaira d’un sourire rassurant.

« Ah, oui ! C’est vrai, vous ne l’avez pas encore rencontré. Je vous présente Maï Xin Okeri, un ami de confiance. »

Il fit un pas de côté pour laisser voir l’elfe.

« Et Maï Xin, voici Ira. Nous l’avons rencontrée à Horizon. Une alliée précieuse, qui chante aussi bien qu’elle résiste aux rêves de domination de l’Empire Zithaï. Nous étions justement en train de discuter de nos prochaines actions dans une guerre qui, il faut bien le dire, a déjà bien malheureusement bien commencée. »

Il marqua une pause, son ton devenant plus grave.

« Ira, pardonnez-moi. Je pense qu’il vaut mieux mettre notre ami au courant avant que vous ne poursuiviez. Donnez-moi juste quelques minutes. »

Sans attendre de réponse, Marduk entreprit de résumer la situation pour Maï Xin : l’incident dans la bibliothèque, la vision de Sarenrae, les nouvelles du front elfique. Lorsqu’il eut terminé, Ira reprit enfin la parole.

« Il existe un ancien réseau de portails elfiques que nous utilisions autrefois, avant l’exil de notre peuple. De grandes sphères, faites d’or et de métaux rares, d’environ quatre mètres de diamètre. »

« Mais oui ! » s’exclama Drark en tapant dans ses mains. « On connaît ça ! On sait où en trouver deux… je crois. »

« En effet, ajouta Marduk en hochant la tête, mais si je me souviens bien, elles sont terriblement éloignées : l’une du côté d’Orville, l’autre vers Iliano. »

« Il pourrait y en avoir une ici, à Glenwyrm, précisa Ira, mais j’ignore où exactement. »

Marduk tourna son regard vers Drark et Vidar, un éclat complice dans les yeux.

« Si nous mettons la main sur ces … Sphères de transfert, cela pourrait nous offrir un accès rapide au Palais du Pilier. Nous pourrions libérer l’otage… et plus, si l’occasion s’y prête. »

Le sourire en coin de Vidar indiquait qu’il comprenait parfaitement ce que Marduk sous-entendait.

Ira, elle aussi, semblait saisir l’enjeu. Mais elle ajouta, plus sombre :

« Le seul problème… c’est que nous ne savons pas où se trouve l’Empereur, pas avec certitude. »

« Ce qui n’empêche pas un peu de sabotage, lança Balthazar. Après, tout, c’est une de nos spécialités. »

« Dans tous les cas, la guerre est à nos portes, et la Redana est bien trop fragmentée pour opposer une vraie résistance, déclara Marduk d’une voix ferme. Pas besoin d’être stratège pour comprendre qu’une prise en tenaille sur plusieurs fronts isolés, c’est une catastrophe assurée. Je propose qu’on tente de rassembler tous les alliés et amis que nous avons pu nous faire. C’est notre seule chance de donner à la Redana une chance de survivre. »

Dans ses mots transparaissait un ton martial, instinctif. Un écho de son passé militaire, pourtant effacé de sa mémoire. Sous une couche de foi se cachait toujours un capitaine.

« Pas idiot, approuva Balthazar en hochant la tête. À force de filer un coup de main à droite à gauche, on a semé quelques graines. C’est presque comme si... Il sourit … le vrai trésor, c’étaient les amis qu’on s’est faits en chemin. »

Un silence amusé accueillit la formule. Quelques sourires en coin, une oeillade échangée. Sauf Marduk, qui haussa simplement les épaules, impassible.

Balthazar, toujours avec son entrain habituel, se lança dans un inventaire improvisé :

« Il y a les forces du Dieu Griffu, évidemment. »

« Mais elles sont éparpillées... » fit remarquer Maï Xin. Des diables aussi, potentiellement… si les portes sont rouvertes. »

« Les Pénitents, » ajouta Marduk, laconique. Orville, bien sûr. Ils travaillaient sur des engins volants, non ? »

Tous se tournèrent vers Drark, qui répondit par un haussement d’épaules incertain.

« Les Chevaucheurs du Vent, » proposa-t-il néanmoins. Et les cités orques nomades. »

« Le cercle des druides, mes anciens compagnons », intervint Mai-Xin.

« Les nains de Marchefer. » lança Vidar, presque par réflexe.

« Les cercles des sorcières… et les amies de Narliza. » ajouta Balthzar avec un brin de mystère.

« Et, bien sûr… Dame Aloryk. » conclut Marduk.

Un court silence s’installa. Cette simple énumération révélait un réseau inattendu, tissé au fil des périples. Une toile de possibles encore sous-estimée quelques minutes auparavant.

Le visage soucieux, Balthazar reprit la parole :

« Mais… comment les contacter tous en si peu de temps ? C’est impossible ! »

Mai-Xin s’avança, calme et posé :

« Il existe une solution. Ma tradition magique me permet d’envoyer des messages à ceux que j’ai déjà rencontrés. »

Marduk acquiesça, impressionné.

« Ce qui couvre déjà pas mal de monde, en fin de compte. Bien joué, Mai-Xin. »

L’elfe inclina la tête, avec son habituelle élégance.

« Et puis, on a toujours nos anneaux de téléportation. On pourrait s’en servir pour aller directement à Orville, histoire de discuter en face à face avec leurs dirigeants. Certains ont Drark à la bonne. »

« Il y a aussi cet étrange mouchoir des Chevaliers du Vent… glissa Baltazar avec un air songeur. Même si j’ignore comment ça fonctionne. Je suppose qu’ils pourront contacter les orcs de la marche du Vent par la même occasion. »

« Et Narliza… ajouta Marduk, pensif. Ma vieille amie a peut-être encore son bracelet de communication. Si c’est le cas, je peux lui envoyer quelque chose, pour voir si elle l’a toujours à portée de main. »

Un instant de silence passa entre eux, où l’impossible commençait doucement à prendre forme.

« Ira a parlé de Dragons. Je sais exactement qui contacter pour ça aussi. Je me dis… commença Mai-Xin, … S’ils ont été asservis, trompés même, peut-être qu’on pourrait en allier certains à notre cause également. »

Les aventuriers firent le point, rassemblant ce qu’ils savaient et ce qu’ils espéraient encore apprendre. Mai-Xin, méthodique, prit le temps d’envoyer ses messages magiques aux destinataires choisis : Éléanore, Kal le Fou, un mystérieux maître-dragon, le Cercle des Druides, et enfin Dame Aloryk.

Mais l’un des points clés restait non résolu.

« Tout cela ne nous dit toujours pas où se trouve la sphère de transfert de Glenwyrm… fit remarquer Marduk. Peut-être pourrions-nous demander à Aru et Udeo ? »

Drark et Balthazar échangèrent une grimace sceptique.

Ils prirent congé d’Ira, non sans émotion. Tous promirent de rester en contact. En gage de cette promesse, Ira leur remit une baguette de communication onirique, capable de transmettre des messages à travers les rêves.

Le groupe se dirigea ensuite vers l’auberge de Xalistar.

À leur arrivée, ils ne trouvèrent qu’Udeo derrière le comptoir.

Marduk s’avança, un peu surpris :

« Tiens… Ton époux n’est pas là ? »

Udeo releva la tête, les sourcils levés.

« Oh, je crois qu’il y a un petit malentendu, cher ami de Qadira. Aru et moi sommes partenaires de travail. Et amis, bien sûr. Mais rien de plus. »

Un léger éclat de rire fusa derrière Marduk : Balthazar, évidemment. Maï Xin, lui, resta aussi impassible qu’une statue.

Marduk s’inclina légèrement, un sourire d’excuse sur les lèvres.

« Toutes mes excuses, Udeo. J’ai mal interprété. »

« Ce n’est rien. Que puis-je faire pour vous ? »

Ils expliquèrent leur recherche de la sphère de transfert. Hélas, Udeo secoua la tête.

« Je suis désolé, je n’en ai jamais entendu parler. Mais vous pourriez peut-être consulter les anciens plans de la ville, si vous avez accès aux archives, mais je ne miserais pas trop dessus : beaucoup de choses ont été détruites dans le conflit avec les Dragonniers. »

Avant qu’ils n’aient le temps d’y réfléchir davantage, Balthazar eut un éclair d’idée :

« Attendez ! On pourrait se téléporter à Orville avant minuit. Comme ça, on pourra revenir avant que les anneaux ne soient rechargés. »

Udeo leur adressa un clin d’oeil amusé.

« Il va bientôt être l’heure, alors. »

« Merci pour tout ! » lança Marduk.

Il n’avait pas encore fini sa phrase que le groupe s’était déjà évaporé dans un éclair de lumière.

Lorsqu’ils réapparurent dans la grange paisible du Domaine du Tilleul, la nuit était déjà bien avancée. Les lanternes étaient éteintes, les portes closes, et un silence doux flottait sur les vignes endormies. Seuls les grincements légers des poutres dans la bâtisse ancienne accompagnaient leurs pas discrets.

Les Daston dormaient. Personne ne vint les accueillir, et c’était parfait ainsi.

Marduk guida silencieusement Mai-Xin jusqu’à l’étage. Il ouvrit une porte de bois clair, révélant une chambre simple mais néanmoins confortable.

« Ce sera la tienne, si tu veux. Elle donne sur le verger. Tu es ici chez toi, n’en doute jamais. »

L’elfe inclina la tête en signe de gratitude, et s’éclipsa sans un mot de plus.

Marduk resta seul un instant dans le couloir, avant de pousser la porte de sa propre chambre.

Ce n’était pas grand-chose. Quelques meubles robustes, un lit étroit, une table de bois, un tapis usé. Mais en posant son sac au sol, il réalisa quelque chose : c’était chez lui. Le premier endroit qu’il pouvait appeler maison depuis son départ de Quadira, il y a des mois.

Il se mit à défaire ses affaires, méthodiquement. Il accrocha Lueur au mur, juste au-dessus du lit. Il sortit quelques effets personnels : une vieille carte marquée de plis, quelques livres qui lui tenait compagnie pendant les tours de garde, des souvenirs de routes traversées. Puis il rangea son bouclier dans un coin de la pièce, lentement, comme s’il lui confiait la garde du lieu.

Dehors, les cigales de nuit entonnaient leur chant discret.

Pendant ce temps, Balthazar s’était éloigné du bâtiment. Il avait traversé les vignes en silence, les mains dans le dos, son pas plus lent qu’à l’accoutumée. Il s’installa au sommet d’une petite butte, là où les ceps laissaient place à la vue sur les collines lointaines au nord, et Orville au Sud. Il pensa à tout ce qu’il avait appris dernièrement : les choix impossibles qui s’étaient présentés à lui, son amour pour Jueïa, que fort heureusement elle partageait. Il savait qu’il était à la fin d’un cycle, et que qu’importe ce qu’il arrive, plus rien ne sera jamais plus pareil.

Le matin venu, le soleil baignait le Domaine du Tilleul d’une lumière dorée. L’air sentait la terre humide, le raisin mûr, et la chaleur d’un foyer qu’on quitte à regret après une nuit paisible.

Marduk glissa une petite bourse sur le comptoir, face à la tenancière des lieux, qui terminait de préparer les petits-déjeuners.

« Pour vous… et vos fils. Cent vingt pièces d’or, pour continuer à faire tourner les affaires. N’hésitez pas à faire ce qui vous semble bon… et à en profiter un peu aussi. »

La Mère Daston parut d’abord surprise, puis inclina la tête profondément.

« Vous êtes trop bons. Puissent les Dieux vous garder. »

Après un copieux repas, ils prirent la route vers Orville, le coeur plus léger, la bourse un peu plus vide, et les affaires en ordre.

Une fois dans la cité animée, les aventuriers décidèrent de déposer Drark à l’université.

« Il est temps que tu voies Skim à nouveau : dans cette temporalité, je veux dire, » dit Marduk en lui posant une main sur l’épaule.

Drark haussa les sourcils avec un air solennel exagéré, puis éclata de rire.

« Je vais tenter de vraiment tout faire sauter cette fois. »

La blague ne fit pas rire Maï Xin, qui ajouta simplement :

« Je vais rester avec lui. Comme la dernière fois. »

Pendant que Drark et Maï Xin se perdaient dans les couloirs labyrinthiques de l’université, Balthazar, accompagné de Marduk, profita de l’occasion pour interroger les chercheurs de l’aile botanique au sujet des ingrédients manquants pour concocter le très puissant poison du Lotus Noir.

Après plusieurs échanges, et autant de grimoires poussiéreux feuilletés, ils furent dirigés vers un Nagaji, connu pour sa maîtrise des substances rares, établi dans les sous-sols humides de l’université.

Ils le trouvèrent dans un laboratoire sombre, aux murs tapissés de fioles chatoyantes et de plantes suspendues comme des chandelles végétales. Le Nagaji, au corps reptilien et aux gestes lents, leur proposa une solution :

« Deux doses… d’un accélérant d’essence. Très instable… mais puissant. À manier avec prudence, ou vos os pleureront. »

Ils discutèrent un moment du prix, puis réglèrent la somme convenue, non sans méfiance. Les fioles furent rangées dans un étui rigide renforcé.

Alors qu’ils remontaient vers le rez-de-chaussée, Marduk dit à Balthazar, sur le ton de la confidence :

« Tu sais, je n’y crois pas trop à ce plan. Ça me paraît un peu ambi… »

L’homme-lézard le coupa net, avec un demi-sourire :

« Tu manques de foi, pour un champion, mon bon Marduk. »

J’espère que tu sais ce que tu fais, pensa le Sarenite, amusé malgré lui par la remarque du ruffian.

Leur destination suivante était claire : l’Antre des Protéens.

« J’aimerais bien prendre la température de la ville auprès de Mirzini, avait indiqué Marduk. J’ai aussi une conversation à avoir avec elle. »

Balthazar leva alors les deux mains en mimant la tempérance :

« Attendez. J’ai besoin de faire un détour. Juste un moment. »

Les autres ne protestèrent pas. Ils savaient déjà exactement de quoi il s’agissait.

Balthazar fut le premier à pousser la porte du Poracha, et déjà, ses yeux cherchaient son confident.

Date du Rapport
23 May 2025

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