Session LIII : La dernière Survivante des Dragonniers

General Summary

Le blizzard faisait rage mais le calme revint dans le groupes des explorateurs. Vidar avait sa peau grise toute pâle, plus que d’habitude, et Marduk s’approcha pour vérifier que tout allait bien. Il avait clairement pris un coup de froid, mais cela devrait passer en faisant attention. Drark et Baltazar prirent les dispositions pour le remplacer et le garder en sécurité dans la petite compagnie qu’ils formaient. L’alchimiste prit quelques minutes pour remettre d’aplomb le bouclier de Marduk qui était complètement tordu, puis les aventuriers reprirent la route du Pic des Azlants.

Le vent sifflait toujours dans leurs oreilles, car le cyclone qui s’était installé autour du pic se faisait de plus en plus près. La visibilité s’amenuisait avec la progression vers les hauteurs, et ils ne pouvaient voir maintenant qu’à quelques mètres devant eux. Azuk faisait tout son possible pour maintenir la protection autour d’eux, les préservant du froid extrême, mais il prenait garde également à ne pas dépenser toutes ses forces inutilement.

Ils longeaient maintenant la crête, en essayant de se maintenir à l’abri du vent et des projections de neige. Le chemin presque complètement invisible sous le manteau blanc, uniquement repérable grâce à des sortes de balises de pierres levées, se divisait en deux parties : à gauche, sur le flanc de la vallée à l’ouest, et à droite, vers la vallée d’Elehanda. Maï Xin et Drark, en observant la tempête, étaient d’accord sur le fait que l’oeil du cyclone devait être sur la droite. S’ils voulaient savoir d’où provenait cette magie, ils devaient donc rester sur le flanc à leur droite. Ils continuèrent leur lente progression jusqu’à arriver à une sorte de grande plaine dans laquelle de grands rochers dépassaient de la mer de neige. Malgré le manque de visibilité, ils pouvaient voir dans cette nuit blanche cinq runes d’un bleu de glace briller. De grands obélisques se trouvaient sur ces rochers, canalisant la magie du blizzard. Baltazar fit un pas en avant, et un éclair de glace émergea d’un des piliers pour venir s’écraser sur le groupe des aventuriers. L’explosion glaciale mordit les membres du groupe, traversant les armures pour venir directement s’attaquer à la chair et aux os. Maï Xin fut le plus rapide à réagir, et il s’avança, puis s’envola vers les hauteurs pour avoir une meilleure vue d’ensemble.

« Cinq obélisques !! » cria-t-il dans le vacarme tonitruant de la tempête. Puis il balaya du regard afin d’être certain qu’il n’avait rien manqué. Il leva les yeux et put constater qu’une sorte d’énorme rocher flottait au-dessus d’eux, peut-être à vingt ou trente mètres au-dessus de leurs têtes. Il ne savait pas de quoi il s’agissait, mais il se dit qu’il préférait le savoir le plus tard possible.

« Quelque chose vole au-dessus de nous ! Une sorte de rocher, peut-être de la glace ! »

Baltazar commença à courir vers le premier pilier non loin de lui. Durant sa course, il essaya de comprendre ce que signifiaient ces étranges symboles. Il avait l’impression qu’il s’agissait de runes magiques qui permettaient, en faisaient écho l’un pour l’autre, d’amplifier une magie primordiale qui maintenait cette tempête en vie. Il avait déjà vu une magie similaire dans son village à Itz-Loc. Les prêtres du Serpent à Deux Têtes utilisaient quelque chose de semblable pour enchanter le temple, pour bénir la chasse et les récoltes. Il pensait savoir comment les désamorcer, en traçant des symboles neutralisant la rune de manière temporaire, contrant la magie pour l’endormir, jusqu’à ce que l’incantateur vienne la réveiller. Il cria les instructions en courant, et quand il jeta un regard sur sa droite, il put voir que Drark avait déjà commencé sa progression vers un autre des piliers. La couche de glace et de neige qu’il avait sur ses vêtements indiquait qu’il venait d’encaisser un autre éclair de glace.

Le gobelin progressait rapidement vers le pilier, et bien qu’il avait tout à fait compris ce que l’iruxi avait crié dans le vent, il avait une autre idée en tête. Alors qu’il progressait rapidement, il pouvait sentir que, venant du sol, de la glace montait, se formait sous ses pieds, se créait pour essayer d’emprisonner ses pieds, ses jambes. Il se mit à faire des petits bonds pour éviter ces racines de glace qui semblaient vouloir l’empêcher d’approcher. En courant, il sortit de son sac quatre feux grégeois, qu’il secoua également pour la forme. Le liquide rouge orangé se mélangea, formant une belle mixture volcanique qui venait tinter de couleur chaude ce paysage invariablement blanc. Marduk, après avoir jeté un coup d’oeil derrière lui afin de vérifier que son ami nain n’allait pas prendre de risque inutile après le combat de la matinée, se lança vers le pilier sur sa droite. Il dût courir contre le vent qui semblait s’efforcer de ralentir sa progression. Les rafales tentaient de le repousser, de l’éloigner des obélisques qui brillaient dans la tempête. Il se prit également un pic de glace qu’il n’avait pas vu venir, et dû reprendre ses esprits après avoir encaissé le choc. Le groupe n’avait pas perdu de temps pour se lancer dans l’action, et heureusement. Il était clair que l’intensité incroyable du centre de la tempête allait les transformer en cadavres glacés s’ils ne se dépêchaient pas.

Alors que tous les aventuriers se dispersaient sur le petit plateau, un fin mur translucide, comme une grande feuille de glace, épaisse de quelques centimètres, divisa le terrain en deux, bloquant le passage vers les deux piliers les plus éloignés. Puis un second mur se forma, isolant le sarenrite du reste du groupe.

Maï Xin, devant la violence des bourrasques qui s’intensifiaient, décida de se poser au sol. Voler ne lui serait pas la meilleure des solutions dans cet environnement extraordinaire. En jetant un coup d’oeil sur sa droite, il comprit ce que Drark comptait faire. Il s’approcha du pilier, puis agita ses mains dans les airs, coupant le vent avec la paume de ses mains, ouvrant par la même occasion sa connexion avec la porte du plan élémentaire de l’air. Un arc de cercle fait d’un vent enchanté vint s’écraser sur l’obélisque, l’endommageant de manière visible.

« Bien, ce n’est donc pas indestructible. » pensa-t-il, se préparant à charger une autre attaque.

Drark arriva au pied du rocher où le pilier que Maï Xin venait d’abîmer, grimpa d’un geste agile, puis plaça ses feux grégeois, attachés ensemble par une corde, le tout connecté à un détonateur.

« J’espère que cela suffira. » se dit l’alchimiste. Cela devait être suffisant ! Dans le cas contraire, ils allaient avoir du mal à se débarrasser des autres piliers. Puis il s’éloigna du pilier, courant jusqu’à la limite de la plateforme du gros roc sur lequel l’obélisque se trouvait, faisant signer à l’elfe de ne plus s’approcher.

De son côté, Baltazar se trouvait à nouveau attaqué par le froid. Une brume légère l’enveloppait et l’empêchait de progresser rapidement. Il sentait ses membres engourdis, comme en train de s’endormir ou de se pétrifier, mais il lutta et se mit à grimper au rocher juste devant lui, celui qui se trouvait au centre du champ de bataille. Une fois devant l’obélisque, il observa attentivement la rune qui brillait d’un bleu magique, emprisonnée dans l’épaisse couche de glace. Il réfléchit quelques instants, puis se rendit compte qu’il ne comprenait pas vraiment la magie présente dans ce symbole, mais il la sentait. Il se mit alors à tracer des symboles, usant de ses griffes pour gratter la glace du pilier. Et après quelques secondes d’essais, la rune s’éteignit.

Dans tout l’œil du cyclone, les aventuriers sentirent que la puissance des enchantements défensifs s’était amoindrie. Le froid était légèrement moins froid, les attaques glacées faisaient un peu moins mal, et cela leur redonna espoir.

Marduk, de son côté, arrivait tant bien que mal à son pilier, ballotté par le vent. Il avait vu Baltazar agir quelques secondes plus tôt, et prit exemple sur lui. Il fit une petite prière à sa déesse, implorant le soleil chaud de Sarenrae de lui montrer la voie, puis se mit à tracer avec doigt protégé par ses gants métalliques à même la glace. La magie de la rune s’envola, et un autre soupir de soulagement se fit sentir sur le champ de bataille, car la plupart des aventuriers commençaient à faiblir.

Drark activa alors son détonateur, et le pilier éclata, projetant des dizaines d’éclats de glaces et des centaines d’épines gelées. Le gobelin, après un regard en arrière pour vérifier que la rune était bien éteinte, sauta du haut du rocher pour rejoindre Baltazar et Maï Xin qui se trouvaient sur le rocher du centre.

Baltazar s’approcha du mur de glace, hésitant. Il était certain qu’il pouvait le briser sans peine, mais il souhaitait néanmoins rester prudent. Il brandit sa lance et toucha du bout de la pointe la surface glacée. La magie s’activa alors, et les éléments du mur se mirent à se mouvoir : des cristaux de glace se formèrent autour de la pointe métallique, comme s’ils essayaient de l’encercler, de l’envelopper, de prendre la lance des mains de l’iruxi. Celui-ci savait alors que son intuition était bonne : la paroi allait probablement réagir à son contact, en essayant de l’attraper ou de le blesser. Il prit son élan, puis, après un regard en arrière vers le cinétiste qui lui répondit par un hochement de tête, il fonça vers la barrière de glace. Son déplacement fut fulgurant, Maï Xin envoûtant ses pas pour le rendre plus rapide, plus puissant. Il traversa le mur de glace, l’éclatant sur son passage, les éclats s’enfonçant dans sa chair. Il grogna intérieurement en réaction à la douleur, mais il avait déjà connu bien pire, et surtout, il s’approchait du dernier pilier.

Maï Xin suivit les traces de son compagnon dans la neige, évitant les monticules qui s’étaient petit à petit formés et qui bloquaient maintenant le passage. Il sauta de la plateforme et partit à la poursuite de Baltazar pour l’épauler dans la désactivation du prochain obélisque.

Marduk regarda la scène de loin, de derrière les murs de glace qui le séparaient des autres aventuriers. Il approchait du dernier pilier quand il vit Drark monter sur le rocher au centre du champ de bataille. Un sifflement se fit alors entendre, malgré les bruits de la tempête de neige qui faiblissait peu à peu. Drark eut à peine le temps de faire un pas sur le côte pour éviter l’énorme masse qui s’abattait sur lui. Un colossal élémentaire était tombé dans l’oeil du cyclone, l’élémentaire que le cinétiste avait vu flotter au-dessus de leurs tête quelques dizaines de secondes plus tôt.

Le temps que le gobelin reprenne ses esprits, l’élémentaire se relevait de sa longue chute, et frappa d’un coup de poing l’alchimiste mal placé. Le gobelin prit la frappe sur le flanc, et il se mit directement à cracher du sang. Cette créature était massive et cognait fort, il allait avoir besoin de l’aide de ses compagnons.

Maintenant relevé, tout le monde pouvait contempler la masse grossièrement humanoïde de l’élémentaire. Il était principalement constitué de rochers assemblés, recouvert par une épaisse couche de glace. On pouvait distinguer un semblant de visage et de nombreux bras de différentes tailles et longueurs sortant de son corps. La quantité d’énergie magie émanant de lui était impressionnante, et on pouvait apercevoir des arcs électriques sortir d’entre les pierres qui le constituaient, traversant la glace pour tenter de trouver un conducteur, qui jusqu’ici avait été le gobelin.

Marduk arriva au pilier et le désactiva rapidement. Il avait maintenant la technique et en quelques secondes il parvint à le vider de sa magie arcanique. Cela tombait bien, ses compagnons allaient avoir besoin de lui. Il prit son élan et sauta dans la neige, quelques mètres plus bas, en direction de Maï Xin et Drark.

Le cinétiste commença à s’attaquer à la créature hostile. Grâce à sa connexion à la porte élémentaire de l’air, il arracha ce qui aurait pu constituer pour le colosse une protection contre son élément, puis fit une frappe pour tenter d’amocher le mastodonte.

Drark, aux prises avec l’élémentaire, sentit que quelque chose s’agitait dans son sac. Il ouvrit et put voir qu’une des fioles était secouée de spasme, comme si un champ magnétique remuait la clochette qui était installée à l’intérieur, comme si les arcs électriques de la créature attirait de manière physique la clochette. Curieux de voir où cela pouvait mener, l’alchimiste prit la fiole dans ses mains, puis l’ouvrit en enlevant le bouchon hermétique qui empêchait la plante d’entrer en contact avec l’électricité présente dans la créature.

D’un coup, un pont électrique se fit entre les deux éléments, et le tout explosa dans une grande gerbe de flammes. L’explosion fut spectaculaire, et le gobelin enveloppé de flammes fit un bond extraordinaire dans les airs, retombant dans la neige plusieurs mètres plus loin, s’éteignant alors que son corps s’enfonçait dans la poudreuse, un grand nuage de vapeur émanant du trou qu’il avait créé dans le grand manteau immaculé recouvrant le sol.

« Je vais BIEN ! » cria Drark à ses compagnons qui avaient été traversés d’un éclair d’inquiétude. L’élémentaire, s’il pouvait sentir la douleur, aurait crié de toutes ses forces, car il brûlait de manière ostensible et la déflagration l’avait davantage touché. Le gobelin se releva, titubant, puis courut vers ses Marduk qui lui-même courait vers lui, bouclier levé, prêt à le protéger, tandis que Maï Xin gagnait du temps, distrayant la créature en la frappant de multiples coups et utilisant ses pouvoirs pour traverser son ennemi de part en part. La vitesse et la puissance élémentaire du cinétiste provoquait des charges électriques qui disloquaient, petit à petit, les rochers dont la créature était faite.

Pendant ce temps, Baltazar avait fini de désactiver le dernier obélisque enchanté. Il sauta dans la neige, s’approchant à grand pas du monstre élémentaire, ne sachant pas trop comment l’aborder. Arrivé à portée, il jeta sa lance de toutes ses forces sur le colosse, la puissance de son coup brisant la glace qui le recouvrait. Maï Xin, dans la foulée, se prit une frappe qui lui coupa le souffle. Baltazar, voyant que le monstre, toujours brûlant, commençait à faiblir, s’avança vers lui, tenta d’esquiver le coup qui venait vers lui, mais le sixième bras le frappa violemment, mais pas suffisamment que pour arrêter sa progression. L’iruxi fit alors une feinte pour tenter de déséquilibrer la créature et lui enfoncer sa lance au plus profond de son être, mais le métal glissa sur la surface rigide du colosse. Une bombe explosa alors, passant juste au-dessus de l’homme-lézard, s’écrasant sur ce qui servait de visage à l’élémentaire. L’elfe profita alors de la distraction du golem pour frapper avec vigueur dans le dos de la créature affaiblie, qui s’effondra sous le choc.

Le vent se calma alors, la neige finit de tomber, et le silence revint sur les lieux. La magie protectrice s’était dissipée, et le paysage apparut alors clair, sous leurs yeux. Ils étaient à seulement une centaine de mètres du haut du Pic des Azlants, et la vallée s’étendait sous leurs yeux. Ils usèrent de ce moment de répit durement gagné pour se remettre d’aplomb : Baltazar et Marduk soignèrent les aventuriers blessés, en particulier Drark qui saignait abondemment, tandis que les autres inspectaient les lieux.

Après quelques minutes, ils virent une silhouette franchir la crête, venant de l’autre versant. Une femme s’approchait d’eux, portant une tenue de voyage légère, renforcée néanmoins. Sa peau pâle contrastait avec les longs cheveux noirs de jais qui lui arrivaient jusqu’au milieu du dos.

Marduk la reconnut directement.

« Dame… dame Aloryck ? Est-ce bien vous ? » dit-il en baissant le bouclier qu’il avait levé au moment où elle avait franchi la crête.

Les autres aventuriers placés derrière lui, en position de combat, se détendirent.

« Que faites-vous ici ? demanda-t-elle avec un air étonné. Puis elle enchaîna. Je me réjouis de vous voir, mais je ne m’attendais pas à de la visite en ces lieux... »

Marduk se tourna vers ses compagnons, et Maï Xin prit la parole, car le champion semblait être troublé.

« À dire vrai, une équipe est d’abord venue ici pour tenter d’avoir une vision d’ensemble sur les vallées avoisinantes, car les orcs et les géants sont actuellement en mouvement, menaçant Glenwyrm et ses habitants. Cependant, cette équipe est tombée sur un blizzard un peu particulier, et nous suspections qu’une magie était à l’oeuvre. Nous sommes donc venus enquêter, avons traversé la tempête à l’aide de mon ami Azuk ici présent, et avons fini par désactiver les obélisques enchantés. »

« Je vois cela. Suivez-moi, et je pourrai vous accueillir dignement. » dit-elle en se repartant sur ses pas, accompagnant la parole d’un geste les enjoignant à suivre sa trace. L’échange n’avait duré que quelques secondes, et pourtant les aventuriers ressentaient bien la puissance émaner de l’elfe, comme une sorte d’aura de majesté, probablement empreinte d’une magie puissante. Elle était distinguée et possédait un charisme naturel. Les aventuriers s’échangèrent un regard inquiet, car ils se rappelaient des discussions autour du fait qu’il s’agissait peut-être d’une nécromancienne ou de quelque chose d’aussi puissant.

Une fois la crête passée, les aventuriers purent voir la vallée de l’ouest, appelée Vallée de Gundonam. Ils se dirigèrent vers un des côtés de la montagne qui s’arrêtait sur un à-pic, et ils distinguèrent alors les toits ce que qui semblait être une demeure fortifiée. Des tours d’un gris clair étaient recouvertes de tuiles bleues, surplombant des murs qui révélait une résidence accolée au flanc de la montagne. Quand qu’ils furent plus près, ils purent observer cette merveille architecturale. Telle un nid de guêpe, avec une partie creusée dans la roche, l’autre sortant en relief, la forteresse dominait toute la vallée, de par sa taille et sa haute altitude.

Dame Aloryck les fit entrer dans un énorme hall, dont les fins piliers étaient recouverts de gravures représentant des corps ondulants de grands reptiles et de dragons. Les chapiteaux, en haut des piliers, étaient décorés de têtes de dragons et autres créatures similaires. Le bâtiment était fait de pierres claires, mais également de marbres de différentes couleurs telles que le bleu, le blanc, le noir ou le vert. Le château avait un style plutôt baroque, mais tout en restant relativement sobre. Une impression de magie ressortait de ces lieux. Ils avaient l’impression qu’une légère couche de glace recouvrait l’entièreté du sol et des murs, et pourtant, rien de glissait ou n’était plus froid que d’ordinaire.

« Bienvenue dans le Palais de Glace. Je vais vous conduire dans un salon où vous pourrez vous restaurer. » dit-elle en se retournant brièvement.

Ils arrivèrent dans une salle avec une grande table à magner, un âtre avec des bûches qui reposaient, prêtes à êtres allumées, et quelques fauteuils qui seraient de toute façon confortables en comparaison avec ce qu’ils avaient vécu ces derniers jours.

Ils s’installèrent et commencèrent à sentir leurs membres reprendre un peu de mobilité grâce à la chaleur du foyer. Alors que tout le monde était occupé à ses petites affaires, Dame Aloryck prit Marduk à part et lui dit à voix basse :

« Que faites-vous avec Gindad, ici ? » dit-elle avec un ton froid, presque menaçant.

« Gindad ? » répondit l’humain, incrédule. Perplexe, il observa un à un le reste du groupe, dans la direction du regard de l’elfe, et il crût comprendre. Vous voulez parler de Marcus ? Le chef du groupe des Guerriers du Pardon ? »

Elle répondit par un petit hochement de tête, puis répliqua :

« Il se fait maintenant appeler Marcus maintenant ? … Connaissez-vous ses intentions en venant en ces lieux ? ». Elle avait l’attitude d’un prédateur, d’un rapace survolant sa proie, prêt à plonger et frapper de manière chirurgicale. Marduk, sentant cela, sentit que cela risquait de tourner au vinaigre rapidement.

« Je ne sais pas tout de lui, mais ce dont je suis certain, c’est qu’il est sur la bonne voie. Il fait partie de l’Ordre des Pénitents, je suis donc au courant qu’il a dû commettre des actes qu’il regrette, et je sais qu’il est sincère dans sa démarche. Alors s’il vous plaît, laissez-lui une chance. De ce que je sais, il essaye simplement d’aider Éléanore dans sa tâche de défendre Glenwyrm contre les orcs et les géants. Nous sommes en mission de reconnaissance et ils nous aident dans cette tâche. »

« Nous allons en effet voir s’il est sincère ... », dit-elle tout bas. Les Pénitents furent conduits dans un petit salon adjacent. Ils comprirent qu’elle voulait leur parler en privé. Une fois que la porte fut fermée, Baltazar se tourna vers elle pour lui adresser la parole.

« Dame Aloryck, vous avez déjà rencontré mes compagnons Marduk et Drark, mais au final je pense que nous nous posons beaucoup de questions, car nous ne savons pas exactement qui vous êtes, ni ce que vous faites ici. Pour être honnête, nous ne nous attendions pas à votre présence en haut de ce Pic. »

Un léger silence se fit dans la pièce, amenant une ambiance un peu solennelle.

« Je pense que je vous dois des explications en effet. À dire vrai, cet endroit à été ma demeure depuis des décennies, des siècles mêmes. Le blizzard que vous avez affronté est la protection que j’avais mise en place pour éviter tout intrus malvenus, qu’ils soient géants, orcs, ou les gens de Glenwyrm. Je me cache ici car en réalité, je suis probablement… la dernière dragonne vivante de l’Ordre des Dragonniers. »

Le silence déjà solennel prit une place encore plus importante. Comme s’il se matérialisait pour pousser les murs vers l’extérieur, comme s’il prenait la place de l’air et empêchait les aventuriers de respirer.

« Mais ... » parvint à articuler Drark.

« Vous ne le saviez peut-être pas, mais nombreux sont les dragons qui sont capables de prendre forme humanoïde. » dit-elle avec un air espiègle.

Les visages des aventuriers durent exprimer ce qu’ils avaient en tête, comme des « Mais non ! » ou « Ce n’est pas possible, si ? », car en réaction, elle proposa :

« Je peux vous montrer si vous le désirez. » dit-elle avec un petit sourire. Elle se déplaça dans le hall d’à côté, et une brume blanchâtre, froide, se mit à entourer son corps élancé d’elfe. La brume prit de l’ampleur, et rapidement, s’étendit comme un grand nuage magique volumineux. Quelques secondes plus tard seulement, ils avaient devant eux un gigantesque dragon d’argent, haut d’une dizaine de mètres. Ils comprirent alors pourquoi la plupart des pièces de ce château avaient des plafonds aussi hauts. Ils étaient sans voix. Ils avaient bien entendu parler de nombreuses légendes sur les dragons et leur puissance, mais voir en de leurs propres yeux une créatures aussi rare, aussi impressionnante qu’un dragon de cette taille, ils avaient l’impression d’entrer dans la légende, de toucher aux mythes. Aloryck reprit alors l’apparence humanoïde qu’elle avait prise quelques minutes auparavant.

« Cela ne change en rien nos capacités. J’ai toujours la force de démembrer un homme d’un simple revers de ma main, ainsi que de lancer des sortilèges comme je le ferais sous ma forme draconique. Cependant, cela me permet d’aller où bon me semble sans attirer trop l’attention. En tout cas dans les lieux où les personnes ne sont pas averties... ». Les aventuriers étaient sous le choc. Ils commençaient à imaginer qu’ils avaient peut-être rencontré d’autres dragons sans le savoir, puis ils se rappelèrent que Dame Aloryck était normalement la dernière dragonne ou presque en vie dans le pays. Elle reprit tandis que les aventuriers se trituraient les méninges.

« Il s’agissait ici d’une des demeures appartenant aux dragonniers, et qui accueillait en moyenne six ou sept dragonniers, dont souvent Celyra et Klangaréa d’ailleurs. »

« Qu’est-elle devenue ? Notre ami Vidar, qui se repose dans la pièce d’à côté, est à la recherche d’une de ses écailles. Apparemment, son père, un nain renommé du nom de Brokk, a réalisé une mosaïque avec l’aide de la dragonne d’or. Elle lui avait permis de prendre une de ses écailles pour compléter sa mosaïque, mais quelqu’un l’a volée. » dit l’alchimiste.

« Malheureusement, Klangaréa est morte, tuée durant la Trahison d’Elswyn, d’après ce que disent les récits. »

Quelque chose chiffonnait cependant Marduk, il devait dissiper ses doutes sur une informations.

« Cet endroit pouvait abriter jusqu’à sept dragons vous dites. Combien étiez-vous à l’époque de la Trahison ? » dit-il avec curiosité.

« Un peu plus d’une trentaine. » répondit-elle, laconique.

« J’ai du mal à croire que les habitants de Glenwyrm, même mené par les chevaliers infernaux du Dieu Griffu, parviennent à vaincre trente dragons et leurs glorieux dragonniers. Comment se sont-ils pris ? » répliqua-t-il, la perplexité visible sur son visage.

Dame Aloryck se dirigea vers une des fenêtres et son regard se perdit vers les pics enneigés qui s’étendaient vers le nord.

« C’est vrai qu’ils n’auraient jamais pu nous vaincre ou nous exterminer dans des circonstances normale… mais malheureusement, ce n’était pas des circonstances normales. Il existait deux camps dans l’Ordre des dragonniers. Le premier, celui mené par Klangaréa, Celyra et Hagrod, désiraient une collaboration basée sur la confiance et l’égalité entre les dragons et humanoïdes. Mais un autre camps a petit à petit émergé avec le temps, mené par Krakraolis. ». On sentait qu’elle maîtrisait sa colère, car cette dernière commençait à monter en elle à la mention de ces évènements. Cela s’était déroulé plus d’un siècle auparavant, et pourtant, la blessure était toujours ouverte.

« Il voulait, pour sa part, manipuler ou asservir les humanoïdes pour arriver à ses fins de domination et de contrôle. Lorsque le Culte du Dieu Griffu a commencé à prêcher contre les dragons, cela a justifié encore davantage cette approche aux yeux de certains des draconiques, et lorsque la guerre a éclaté, nous aurions pas dû avoir de mal à se défendre, à repousser les gens de Glenwyrm. ». Son regard s’assombrit alors qu’elle se remémorait la descente aux enfers des siens. La tristesse enveloppait ses mots comme un manteau qu’elle ne parviendrait plus jamais à enlever.

« Mais c’était sans compter les suivants de Krakraolis qui ont vu une belle opportunité de se débarrasser des personnalités gênantes pour leurs plans. Au final, tout s’est terminé dans un bain de sang. D’un côté, nous nous battions contre nos frères, et de l’autre, nos anciens alliés nous pourchassaient pour achever les blessés, qu’ils soient des suivants du dragon d’or ou du dragon noir, aucune distinction n’était faite. Klangaréa, blessée et incapable voler à nouveau, tenta une dernière négociation avec les humanoïdes, mais il semblait que rien ne pouvait les faire changer d’avis. Celyra resta avec elle et subit le même sort. ». Une colère froide était petit apparu dans sa voix. On pouvait sentir qu’un peu plus de rage, ou de chagrin, pourrait la faire trembler. Son regard bleu profond, se tourna alors vers la vallée, en contrebas. Et son ton s’adoucit légèrement, plus par lassitude que par résolution.

« Cette guerre décima les nôtres, et je suis maintenant la dernière gardienne d’un héritage détruit par l’avidité des uns comme des autres. ». Sa voix était maintenant empreinte d’une mélancolie sans énergie.

« Vous n’avez jamais pensé à recréer l’Ordre des Dragonniers ? » demanda Drark avec une certaine naïveté.

« Malheureusement, pour cela il me faudrait trouver un compagnon, ou des œufs, et beaucoup de temps. Les dragons vieillissent lentement. Cela prendrait des décennies... » répondit-elle.

« Nous sommes désolés pour votre perte. Vous étiez également partenaire avec un dragonnier si je ne me trompe pas ? » ajouta Marduk.

« Oui. Il s’appelait Aloryck. J’ai décidé d’utiliser son nom pour honorer sa mémoire, c’était un bon ami, fidèle et courageux. Mon nom de dragonne est en réalité Kryssa. ».

« Trente dragons anéantis. Je n’aurais jamais imaginé qu’il pouvait en avoir autant. Et moi qui pensait que les dragons n’étaient pas fort très fertiles... » commenta Maï Xin.

« Nous étions aidé, d’une certaine manière. Klangaréa était en possession d’un artefact appelé l’Orbe de Gel-Dalar. Cet objet, issu du Premier Monde, avait la capacité d’enchanter son environnement environnant, de favoriser le développement de la vie, de la nature et de la fertilité. Sans cela, nous aurions mis des millénaires pour former une aussi grande famille de dragons. Mais elle a disparu pendant la guerre. Soit Klangaréa l’aurait caché à dans un repaire secret, à l’abri, soit le Croc Noir l’aurait volé pendant le conflit. »

Un petit silence se fit.

« Le Croc Noir vous dites ? » demanda Drark.

« Oui, c’est un des surnoms donné à Krakraolis. C’est un dragon de magma, il est donc totalement noir, mais son intérieur est brûlant comme un volcan. »

Les aventuriers se regardèrent, incrédules.

« Mais, nous sommes actuellement en conflit avec le Clan des Crocs d’Obsidienne, menés par Ulgan, l’ennemi juré de Vidar ! » ajouta Baltazar.

« Et dans leurs plans de destructions, ils disent vouloir faire revenir le Croc Noir pour les aider dans leurs desseins ! » dit Marduk.

« Il s’en serait donc tiré vivant ! » conclut Maï Xin.

« Si cela est vrai, c’est une très mauvaise nouvelle. Krakraolis est un dragon odieux, manipulateur et sans scrupule. S’il fait alliance ou asservit ce clan dont vous parlez, ce serait une très mauvaise nouvelle. Il est extrêmement dangereux et ne recule devant rien pour arriver à ses fins. »

Les aventuriers étaient fort consternés par la révélation sur cet être que leur pire ennemi vénérait. Les interrogatoires avaient révélé que le clan des Crocs d’Obsidienne désiraient « réveiller » le Croc Noir. Mais qu’est-ce qu’ils entendaient par « réveiller » ? Vidar somnolait près du feu, complètement anéanti par la tempête de neige, mais ils savaient que le nain ne serait pas heureux des nouvelles qu’il apprendrait à son réveil.

« Mais… pourquoi est-ce que vous nous révélez tout cela ? Nous ne nous connaissons presque pas et cela me semble être des informations assez… personnelles. » dit Baltazar, suspicieux.

« J’ai souvent une bonne intuition pour juger les gens. Lorsque j’ai rencontré Drark et Marduk il y a plus d’une semaine, j’ai su qu’il s’agissait de personnes bienveillantes, des personnes en qui je pouvais faire confiance. J’ai par la suite appris que vous aviez été fleurir la tombe d’Elswyn. Et puis j’ai aussi entendu parler de votre prestation devant les membres du Conseil du Dieu Griffu. Ce n’est pas des actes que vous auriez faits si vous n’aviez pas tenté de comprendre le point de vue des dragonniers, si vous n’aviez pas une certaine sympathie pour leur cause. »

Elle fit une petite pause, comme si elle faisait le point sur sa situation. Puis elle reprit :

« Et puis… si je ne vous fais pas confiance après ce que vous avez fait, à qui puis-je encore faire confiance ? »

Les aventuriers ne surent que répondre. Sa situation et son isolement n’étaient en effet pas enviable. Elle se dirigea alors vers la porte qui menait au salon d’à côté. Elle s’arrêta juste avant de l’ouvrir, une main sur la poignée dorée.

« J’aimerais discuter maintenant avec Gi… Marcus. Seule. » dit-elle d’un ton déterminé.

« Dame Aloryck ! Je vous prie de me laisser assister à la conversation. Je sais qu’il a commis de graves fautes envers vous, et vous avez le droit d’être en colère, mais je vous en conjure, laissez-lui une chance. Je suis fidèle de Sarenrae, et comme vous savez, elle est la déesse de la rédemption. Cela va peut-être vous étonner, mais dans toute ma vie je n’ai pas rencontré de personne qui dégageait autant l’envie de se faire pardonner. Comme la Fleur de l’Aube me l’a elle-même dit : « seule une victime a le droit, a la légitimité de pardonner son agresseur ». Alors je vous prie de lui laisser vous demander pardon, de lui laisser une chance de trouver la rédemption. ». Marduk avait parlé avec foi, avec conviction, et il put voir dans les yeux d’un bleu glacé et profond, que quelque chose avait résonné dans le cœur de Kryssa. Elle soupira, puis répondit :

« Soit. Venez avec moi, mais sachez que je ne vous permettrai pas de décider de son sort à ma place. »

Puis elle poussa la porte. Dès que les battants furent refermés, Drark, Baltazar et Maï Xin se ruèrent pour écouter à la porte afin de savoir ce qui allait se dire. Ils se bousculèrent légèrement, et ils étaient presque certains d’avoir été entendus, mais en tout cas elle ne le montrait et avait l’air de s’intéresser à leur personne. Son attention était toute centrée sur Marcus, tandis que les autres Chevaliers du Pardon avaient été conduits dans une autre pièce afin de ne pas les inclure dans cette conversation houleuse.

« … après toutes ces années et ce que vous avez fait, comment pouvez-vous avoir le culot de venir ici ? »

Aloryck avait un ton froid, presque méprisant vis-à-vis du Pénitent.

« Je viens ici avec des intentions pacifiques. À dire vrai, je ne savais pas que la montagne était encore habitée. » répondit Marcus, d’un ton incertain.

« Donnez-moi une bonne raison pour que j’épargne votre vie. » répliqua-t-elle avec une voix acérée.

Marduk réprima son envie d’intervenir. Il sentait que c’était trop tôt.

« Je viens m’excuser pour ce que j’ai fait, Kryssa. J’aimerais vraiment que vous sachiez que je regrette ce que j’ai fait par le passé. Je n’ai malheureusement pas le pouvoir de modifier le passé, mais laissez-moi ce qui est en mon pouvoir pour essayer d’arranger le présent. »

« Et pourquoi devrais-je faire cela ? Qu’ai-je à y gagner, et surtout, que pourriez-vous faire qui soit à la hauteur de votre trahison ? ». Elle avait détourné son regard, observant aux murs l’étalages de tapisseries qui représentaient les dragonniers à leur apogée, combattant les monstres, protégeant la cité de Glenwyrm et défiant l’adversité.

« Parce que je suis prêt à essayer de trouver ce qui vous appartenait autrefois. Je suis prêt à poursuivre la trace de Krakraolis et essayer de retrouver l’Orbe de Gel-Dalar. Si vous me laissez partir d’ici, sachez que je ne reviendrai avec le Joyau de Gel-Dalar, ou que je ne reviendrai jamais. Je vous en fais le serment. » en prononçant ces paroles, il s’agenouilla devant la dame elfique, tête baissée, attendant soit sa bénédiction, ou son coup de grâce. Voyant que la femme était hésitante, Marduk intervint.

« Dame Aloryck, je vous en conjure, réfléchissez à ce que je vous ai dit. Certes il est coupable d’erreurs qu’on pourrait qualifier d’impardonnables. Mais vous avez le pouvoir de lui donner l’ultime absolution. Vous avez le pouvoir d’écrire l’histoire d’un futur meilleur, où l’on avance vers des jours meilleurs. Je ne vous demande pas d’oublier, je ne vous demande pas de vivre comme si tout cela ne c’était jamais passé. Je vous demande simplement d’accepter les erreurs des autres, et de construire une destinée telle que Klangaréa l’aurait voulu, une destinée où vous êtes la meilleure version de vous-même, pour le bien de tous, mais surtout pour votre propre bien. »

Tout le monde semblait retenir sa respiration. Kryssa, après avoir déambulé devant les imageries du glorieux passé des dragonniers, s’était rapproché de Gindad le Traître. Puis elle avait levé au-dessus de la tête de Marcus, comme pour le frapper, mais sa main, capable de trancher le cou du demi-elfe agenouillé, tremblait. Les paroles de Marduk avaient peut-être réussi à toucher le cœur de glace de la dragonne. Peut-être n’avait-elle plus la force de répandre plus de sang dans cette tragédie, surtout lorsque son ennemi d’autrefois lui offrait sa vie sans résistance. On pouvait voir la mâchoire de Dame Aloryck se serrer intensément. Puis elle finit par baisser son bras, évitant toutefois de toucher la tête de Marcus, plaçant ses mains derrière son dos. Elle détourna le regard vers les montagnes, peut-être pour cacher les larmes qui lui montaient petit-à-petit aux yeux.

« Allez, allez par monts et vallées. Allez chercher ce que nous avons perdu par votre faute. Allez tenter de réparer le miroir que vous avez brisé. J’espère que votre reflet ne vous fera plus aussi honte. Allez ! » finit-elle par dire, après plusieurs secondes de silence.

Marcus ne répondit que par un petit hochement de tête humble, reconnaissant d’avoir une chance de réparer ses erreurs.

Marduk rejoint alors ses compagnons, laissant Kryssa seule quelques instants. Baltazar décida alors de prendre la parole. Il se tourna d’abord vers le cinétiste.

« Ce que je suis sur le point de dire est hautement personnel. Je ne te connais pas encore suffisamment que pour te faire vraiment confiance… »

« Je te promets de ne rien révéler sur toi. » répondit rapidement Maï Xin.

« Une promesse d’un inconnu ne vaut rien pour moi. Sache juste que si j’apprends que tu me trahis, je t’enverrai directement six pieds sous terre. » dit-il avec un air noir. Puis, après quelques secondes à rassembler ses pensées, il soupira et reprit :

« Mes amis, j’ai… j’ai eu une vision alors que j’étais inconscient durant l’avalanche de tout à l’heure. Je pense qu’il est temps que je vous en parle, maintenant que j’ai eu le temps d’y réfléchir. J’étais dans une cellule, dans les sous-sols de la cathédrale de Norgorber, à Orville, je pense. C’était là où j’ai conclu mon contrat, je pense. J’ai discuté avec l’être qui a scellé mon destin, qui a rédigé mon contrat et avec qui j’ai fait ce pacte. Je n’ai pas pu le voir, ni le distinguer, mais il m’a parlé... »

Le silence était total, tout le monde sentait qu’il n’allait pas annoncer une bonne nouvelle. Dame Aloryck les avait rejoint dans la pièce.

« Apparemment, les délais pour réaliser mon contrat étaient de nonante jours. Pourquoi nonante, je ne sais pas. Mais par contre, il ne me resterait que… cinq jours. Après quoi... »

« Oui ? » demanda Drark.

« Je ne sais pas. Je vais peut-être mourir ? » dit-il, avec incertitude. Les aventuriers furent estomaqués par la nouvelle.

« Enfin, je ne sais pas. Je ne sais toujours pas ce qu’il est inscrit dans mon contrat. Mais de ce que nous savons, la non réalisation d’un contrat n’est en tout cas jamais une bonne nouvelle. Peut-être que je subirai quelque chose d’encore pire, qui sait ? »

« Il faut qu’on demande à quelqu’un qui s’y connaisse vraiment. Dame Aloryck, vous vous y connaissez en contrat infernal ? » demanda le champion de Sarenrae à l’elfe en armure étincelante. Il reprit.

« Nous n’avons pas le choix, il faut demander à Dal’ris, c’est le seul qui puisse nous aider en la matière il me semble. »

« Il a dit qu’il me restait encore deux personnes à abattre : Dal’ris et toujours ce mystérieux Rando. »

« Pas Xel-Tlac ? » demanda Drark avec perplexité.

« Je suppose qu’il n’a pas fait long feu après notre départ. » répondit l’iruxi de manière mystérieuse. Puis il enchaîna rapidement.

« Mais ce Rando, je sens que je le connais, que je suis supposé le connaître ! Mais j’ai beau me creuser la mémoire, fouiller mes souvenirs, je ne parviens pas à me rappeler de qui il s’agit ! Qui est donc ce Rando ? ». Baltazar était en rage. Il s’écrasait contre un mur d’oubli et d’incompréhension.

« Réfléchissons, toutes les personnes qui se trouvent sur ta liste sont des personnes qui ont tué tes compagnons, ou qui t’ont tué toi. Il y a eu d’abord Grimstrolk, tué par Dal’ris. Puis Kearn, tué par Morgan. Ensuite Jueïa, presque tué par Xel-Tlac. Essaru, tué par Aëlnis. Et finalement toi. Qui au final est responsable de ta mort ? Si on en croit cette logique, ce n’est pas le chef des Ombres d’Orville, comment il s’appelait déjà ? » finit par dire Marduk.

« Galvas Dredane je pense... » ajouta Drark, en se frottant le menton.

Maï Xin, en entendant toutes ces révélations, se rendit compte que ses compagnons étaient pris dans des histoires sombres, dont la fin serait peut-être tragique, et qu’ils avaient raison de se serrer les coudes. Il demanda, pour peut-être aider à se mettre une piste sous la dent.

« Vous n’auriez pas par hasard sur vous quelque chose qui pourrait vous permettre de retracer ce … Rando ? »

L’iruxi se retourna vers Maï Xin, étonné de le voir participer à la conversation.

« Non… je n’ai que mon tatouage, mais nous l’avons déjà regardé et il n’y a pas d’autres informations. »

« Tu n’as rien d’autre ? C’était la seule chose que tu avais sur toi quand on s’est rencontré ? » ajouta le gobelin, qui se rappelait lui avoir fait les poches quand il l’avait trouvé inconscient devant le sanctuaire de la déesse maudite.

« J’ai également … ceci ? » dit Baltazar en sortant son pendentif accroché autour du cou. Il reposait sur sa poitrine et ressemblait à une sorte de perle rouge, comme un gros rubis opaque.

Les aventuriers regardèrent cela avec avec attention. Ils n’avaient jamais vu de près cet objet. La plupart avaient d’ailleurs oublié l’existence de cette pierre. Après une petite analyse, une idée commença à émerger.

« Euh… Baltazar ? Est-ce que ce ne serait pas … ? » demanda Marduk, légèrement inquiet.

« Quoi ? » répondit l’homme-lézard, sur un ton un peu abrupte.

« Une des Larmes d’Asmodéus ? » compléta Drark, à demi-mot.

« Quoi ? Mais c’est impossible ! Vous n’êtes pas sérieux là ? Si ? » répondit Baltazar, indigné.

Les aventuriers n’avaient pas de véritable réponse, seulement des doutes. L’iruxi reprit :

« Je n’aurais pas transporté, sans le savoir, un artefact diabolique pendant tout ce temps sans m’en rendre compte… si ? »

« Est-ce que par hasard vous pourriez nous aider, Dame Aloryck ? Peut-être que votre magie... » demanda le cinétiste.

« Je ne peux déterminer s’il s’agit d’une des Larmes d’Asmodéus. Je n’ai jamais vu ces artefacts, et je n’ai pas de sortilège permettant de déterminer s’il s’agit bien de cela. Par contre… J’en ai un qui permet de déterminer où se trouve le propriétaire de cette perle que vous possédez. » dit-elle.

Les aventuriers acquiescèrent à la proposition. Elle débuta son incantation, et une lumière bleutée émana de la petite pierre rouge sang. Sa voix se fit alors profonde et ses yeux se mirent à briller tels des saphirs étincelants.

« Le propriétaire de cette pierre se trouve actuellement à Glenwyrm, dans la Banque-Cathédrale d’Abadar, au troisième étage, derrière la double porte en sortant des escaliers. »

La magie s’apaisa ensuite, et les yeux de Dame Aloryck revinrent à la normale, la lumière se dissipant petit à petit.

« Je crois qu’il va falloir qu’on aille jeter un coup d’œil par là… » conclut Baltazar.

Marduk réfléchit quelques instants. Bien que Baltazar méritait davantage la vie que son oncle, cela allait contre ses principes et ceux de sa déesse de tuer Dal’ris pour sauver son ami. Il espérait de tout cœur qu’en confiant les secrets du pacte à l’archiprêtre d’Asmodéus, ils trouveraient ensemble une solution. Bien que gardant sa rigidité habituelle, Dal’ris semblait avoir reprit sa vie en main et pouvait accéder, avec de nombreux efforts, à la rédemption. Il fallait qu’il trouve un moyen d’arranger les choses. Il sortit alors ses petits sachets et décida de relancer un rituel de convocation. Il leur fallait plus de réponses concernant l'état de Baltazar et Marduk s'en voulait un peu de n'avoir consacré qu'une question la dernière fois qu'il avait pu discuter avec un être extraplanaire, un ange de Sarenrae. En préparant le rituel, le champion décida que cette fois-ci, il allait tenter de convoquer un être plus directement impliqué dans ces rouages des contrats infernaux, un être plus versé dans la science sournoise des lois des strates d'Asmodéus, un diable. Il démarra alors le rituel, et il sentait que la magie prenait. Il sentait que son âme s'alignait avec les tracés invisibles que la puissance divine de son cercle de rituel attirait. Puis au moment où tout cela commençait à prendre forme sous ses yeux... plus rien. La magie n'avait pas totalement pris, il avait dû se tromper dans une formule, il avait peut-être mal lu les signes, il n'en savait rien…

Date du Rapport
01 Feb 2025

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