Session L : Elehanda, berceau de la pestilence

General Summary

Les aventuriers furent quelques secondes dans un état de surprise. Ils ne savaient pas ce que cette nouvelle allait provoquer dans l’immédiat. Peut-être que les gens allaient paniquer et se mettre à acheter ou vendre de manière démesurée. Sur du plus long terme, cela risquait fortement d’influencer la politique de la cité et les changements seraient surtout tributaires de l’approche que le Conseil du Dieu Griffu allait prendre. Une politique amicale ou hostile ? Allaient-ils se faire confiance avec cet apport de minerais bien utiles, ou justement allaient-ils considérer comme un cadeau empoisonné ?

Drark profita de la légère panique générale dans la taverne pour réengager la conversation avec ses acheteurs et pour leur demander s’ils n’avaient pas vu Celdan, car ils s’étaient mis d’accord avec le groupe pour se tourner vers lui pour en apprendre plus.

« Je pense que vous pourrez le trouver dehors, je l’ai vu il y a quelques minutes à peine. »

Ils se rendirent à l’extérieur et remarquèrent assez rapidement le Celdan en question : il était entouré d’une petite cour de gros bras et de sbires répondant aux moindres dires et gestes du contrebandier. De plus, il était habillé de manière raffinée, presque de manière noble, sans pour autant trahir son appartenance aux bas-fonds de la cité. Cela lui donnait une certaine prestance, teinté d’un soupçon de ridicule pour certains. 

« Je vous écoute, étrangers. Il paraîtrait que vous cherchez à faire affaire avec moi. Si c’est pour faire de l’argent, vous avez frappé à la bonne porte. » s’exclama l’elfe avec un petit sourire faussement mesquin.

« En réalité, ce n’est pas exactement pour de l’argent que nous venons ici, débuta Marduk, mais plutôt pour des informations. »

« Les informations sont les piliers de la richesse, très cher. » répondit le contrebandier, les yeux pétillants.

« Nous aimerions savoir si, par hasard, vous connaîtriez une certaine Ira, une grande cantatrice et ancienne dirigeante de Taek. Nous aimerions entrer en contact avec elle et nous nous disions que peut-être, avec vos talents de contrebandier et peut-être une affinité entre elfes, cela serait possible. »

Celdan se gratta les cheveux en réfléchissant puis répondit :

« C’est en effet possible. Je n’ai pas eu de contact avec elle depuis de nombreuses années, mais je l’ai déjà croisée et je pense qu’elle devrait se souvenir de moi. Par contre, je n’ai actuellement aucune information sur sa position ou son état. La localiser me coûtera des ressources et un peu de temps. J’accepte votre proposition mais j’aimerais avoir quelque chose en retour : les outils de travail des Mines de Calambion. Il s’agit d’une ancienne mine abandonnée, dont le but était de ramener de l’adamantium à Glenwyrm. Il semblerait que les outils, de rares instruments capables de piocher les métaux précieux, auraient été abandonnés là-bas lors de la fermeture des lieux. »

« Attendez, vous nous dites que de précieux outils ont été simplement… abandonnés ? » répliqua Vidar.

« Exact. Je ne sous-entends absolument pas qu’il n’y a pas une bonne raison qu’ils aient été laissés là, mais je m’en fiche, c’est pour cela que je n’y vais pas moi-même. Sachez simplement que je vous mettrai en contact avec Ira dès que j’aurai les outils en ma possession. »

« Nous aimerions être en contact avec cette elfe assez rapidement. Serait-il possible qu’à notre retour nous ayons déjà un premier contact ? » ajouta Baltazar.

« Cela veut dire que je dois déjà lancer mes hommes dans l’affaire. Je demande alors une avance de deux cent pièces d’or. »

Après une petite concertation, les aventuriers se dirent que le temps pressait, et que ce n’était pas deux cent pièces d’or qui les handicaperaient. Les aventuriers conclurent l’accord de mauvaise grâce, mais ils avaient tout de même le sentiment qu’avoir un contact fiable et amical serait primordial dans les semaines à venir. Fatigués, ils décidèrent d’enfin aller dormir car ils auraient une longue journée le lendemain.

Au réveil, alors que l’aube pointait et que les aventuriers sortaient de leurs lits pour commencer à se préparer, Vidar fut le premier à remarquer un changement imperceptible dans l’air. Il vit que Marduk, habituellement si preste de grand matin, était resté assis sur son lit, la mine pensive.

Il connaissait bien son compagnon : bien que son amitié avec les autres était très forte à n’en point douter, il ne partageait pas l’amour de Drark pour l’alchimie et les sciences, ni celui de Balthazar pour les arts du vol et de la furtivité. Par contre, Il partageait bien avec Marduk le fait d’avoir été un homme d’armes dans une autre vie : tous deux avaient connus la discipline, la hiérarchie et l’horrible goût des rations rances servies par des cuisiniers militaire au sens du goût altéré par de trop nombreuses campagnes. Ils se comprenaient, et ce lien particulier entre deux vétérans s’était par ailleurs cristallisé dans le serment du champion envers Vidar et le Clan Odesson.

Le nain s’approcha du Sarenrite et posa sa main sur son épaule. Instinctivement, la vision de l’oracle bascula par-delà le voile de la réalité, et il ressentit que l’aura de son ami avait changée. Depuis leur rencontre, il savait que l’âme de Marduk voguait sur des océans agités ; si elle était un navire, elle était tantôt un bateau de pêche paisible, tantôt un nef de guerre déchainée, luttant contre des tempêtes indicibles pour conserver un cap vers une direction que seul le champion connaissait, avec en vue un phare lointain dont émanait une lumière salvatrice.

À présent, Vidar perçu que tout était calme. En se concentrant un peu plus, il perçut que l'aura de Marduk était plus ... Chaude ?

Il prit la parole d’une voix qu’il emplit de bienveillance :

« Tout va bien, mon ami ? »

Marduk sortit alors de sa rêverie et tourna la tête vers le nain :

« J’ai… J’ai eu une vision cette nuit. De Sarenrae, elle-même. »

Drak et Balthzar s’arrêtèrent alors pour tendre l’oreille.

Le champion reprit :

« Je pense qu’elle m’a enfin accordé la Rédemption. J’entame ma troisième naissance, et cette fois, je sais dans quelle direction aller : Sarenrae elle-même guide ma voie. Il est bon de savoir que tout ça n’ait pas été vain. Une aube nouvelle se lève pour moi, Vidar. »

Balthazar leva les yeux au ciel.

Par bonne mesure, mais au fond de lui, il se réjouissait pour son ami.

Au petit matin, ils déjeunèrent avec Jueïa et lui dirent au revoir en se préparant pour partir avec l’expédition d’Éléanore d’Argatil. Avant de partir, Baltazar demanda à son amie si elle pouvait se renseigner sur Dal’ris. Il ne savait pas encore bien où il en était avec le grand prêtre, mais il était certain qu’il n’en avait pas fini avec lui.

La championne d’Iomédae, accompagnée de trois cent chevaliers infernaux, avait pour mission d’évaluer la situation dans les montagnes pour permettre d’agir pour garantir la sécurité de la cité de Glenwyrm. Si ils avaient l’occasion, elle et les trois légions qui l’accompagnaient pourraient réaliser des attaques punitives pour calmer les ardeurs des envahisseurs jotuns. Pour cela, ils prirent la direction du Col des Charognards. Cet étroit passage sur lequel avait été bâti un fort se trouvait à une longue journée et marche et était le passage obligé entre la vallée de Glenwyrm et la vallée d’Elehanda au nord. Elehanda était une ancienne cité elfique abandonnée, donc un risque potentiel de base des géants.

Lorsqu’ils arrivèrent le soir, les aventuriers purent contempler ce qu’il restait du fort autrefois appelé Gel-Dalar. Cette place forte avait été érigée à cet endroit pour couvrir la totalité du col, la rendant un passage obligé et profitant d’une position très avantageuse. Sur la gauche, à l’ouest, la montagne montait de manière abrupte, ce qui rendait le passage très compliqué et carrément impossible avec des montures standards. Sur la droite, vers l’est, la pente était telle qu’un pas de travers vous aurait conduit vers l’abîme, quelques centaines de mètres plus bas. Le Fort de Gel-Dalar avait tenu la position durant des décennies, mais l’affrontement avec les dragonniers avait transformé ce lieu en un repaire de charognards, qu’ils soient de nature animale ou humanoïde. Les remparts étaient éventrés à plusieurs endroits et écroulés sur différentes portions de chemin de ronde. Accolé aux murs de l’enceinte, un bastion, c’est-à-dire un donjon fortifié, avait été érigé contre la parois de la montagne. Trois tours assuraient jadis l’observation des environs : une sur le rempart nord, une sur le rempart sud, et une qui se trouvaient dans les hauteurs derrière le bastion. Un petit chemin escarpé entre les pierres saillantes permettaient d’y accéder. La tour orientée vers la vallée d’Elehanda était celle qui avait le plus souffert des affrontement. Elle était pratiquement redescendue au niveau des remparts et semblait fébrile. Une arme de siège pourrait probablement la mettre à bas assez facilement. La tour dans les hauteur avait perdu son toit, mais semblait encore suffisamment solide et permettait d’avoir une bonne vision d’ensemble sur le fort et vers la chaîne de montagne qui repartait vers le nord-ouest. La tour au sud était pratiquement intacte. On pouvait constater des traces d’affrontement, les marques de grandes griffes appartenant à des créatures gigantesques, mais la structure n’avait pas été endommagée.

Les chevaliers infernaux se dépêchèrent de monter le camp et des feux furent allumés pour casser le froid de la soirée qui commençait réellement à mordre, à cette altitude. Tandis que les légions s’installaient dans la cour, les aventuriers furent conviées à une réunion d’état-major dans le bastion. Ils entendirent des voix en arrivant dans une salle ou une carte réalisée sur une peau de mouton avait été étalée sur une ancienne table qui avait survécu aux affres du temps.

« … mais nous n’avons aucune idée de ce qui nous attend de ce côté ! Ce serait complètement insensé d’aller à l’aveugle avec tous les soldats dans cette direction. Si nous perdons Gel-Dalar, nous ne parviendrons jamais à revenir à Glenwyrm sains et saufs ! »

Lorsqu’ils entrèrent, la conversation s’interrompit. La personne qui venait de parler était le capitaine Rega, bras droit d’Éléanore et chevalier d’Iomédae. Éléanore, qui semblait pensive jusque-là, prit la parole.

« Ah, vous arrivez juste à temps. Nous venions de commencer. » dit-elle d’un ton enthousiaste, bien que visiblement fatiguée par la route.

« Nous étions occupés à nous dire qu’il serait prudent de maintenir le gros de nos forces ici, et d’envoyer plusieurs équipes d’éclaireurs dans la région afin d’évaluer la situation pour pouvoir agir de manière avisée. » continua-t-elle en se tournant vers les autres personnages présents dans la salle, qui acquiescèrent pour montrer leur approbation. Il y avait le même état-major qu’à Gravençon, c’est-à-dire le capitaine Rega, le commandant Clavis, un forgerune de Torag, un prêtre d’Abadar et un moine d’Irori, mais également Marcus. Lui et sa petite troupe de Chevaliers du Pardon s’étaient portés volontaires pour rejoindre la campagne et les aider dans leur projet.

« Vous savez bien que vous pouvez compter sur nous, Éléanore. Si vous avez besoin, nous pouvons nous occuper d’une mission de reconnaissance. » commença Vidar. Un petit sourire de soulagement éclaira le visage de la paladine.

« Je vous en remercie. Nous avons déjà scindé la région en différentes parties. » dit-elle en pointant la carte éclairée par les bougies.

« Tout d’abord, nous avons le Pic des Azlants. C’est un lieu assez reculé où il ne devrait pas y avoir grand danger, mais la route est périlleuse avec la neige et les glaces éternelles. Nous savons que bien qu’il ne risque pas d’y avoir grand monde de ce côté, il permettrait d’avoir une vue d’ensemble sur les lieux aux alentours. Ensuite, nous avons les ruines d’Elehanda. Si les ennemis ont déjà débuté un rassemblement, c’est sûrement de ce côté. La cité elfique est abandonnée, mais les structures sont pratiquement toutes encore habitables et cela devrait être l’endroit idéal pour placer un campement ou un avant-poste. Finalement, je pense qu’il serait bien d’aller jeter un coup d’œil sur la route qui mène à Marchefer, plus à l’est. » conclut-elle avec un air pensif.

« Si cela ne vous pose pas de problème, nous sommes volontaires pour aller explorer les ruines d’Elehanda. Je pense que nous sommes peut-être les plus à même à gérer un danger important. Nous ne voudrions pas risquer la vie de vos éclaireurs dans un guet-apens. » s’avança Marduk.

« Je vous remercie pour votre proposition mes amis. ». Elle jeta un regard au reste de l’état-major qui semblait approuver la décision. Marcus prit alors la parole :

« Nous allons alors prendre la route du Pic des Azlants, mes compagnons et moi. Nous voyageons léger et nous sommes à l’aise en montagne. »

« Très bien, nous enverrons nos éclaireurs sur la route de Marchefer alors. Nous de notre côté, nous allons fortifier le camp en cas d’attaque, et nous allons établir des plans d’action pour des potentielles expéditions vers le nord. Allez vous reposer maintenant. La journée demain sera longue. » clôtura l’élue du conseil.

Le lendemain matin, les aventuriers prirent de bonne heure la route d’Elehanda. Sur le chemin, ils firent particulièrement attention et tentèrent d’observer des traces de passage ou de vie autre qu’animale. Ils purent distinguer à plusieurs endroits des traces de passage de grandes créatures, probablement des géants, mais ils ne purent l’affirmer avec grande conviction. Les ruines de l’ancienne cité elfique se trouvaient au fond de la vallée, au point le plus bas, et était entourée d’une gigantesque forêt de grands pins. Dès qu’ils furent dans le creux entre les chaînes de montagne, ils eurent de grandes difficultés à apercevoir la ville entre les hautes cimes des arbres. Cependant, Drark avait pu remarquer que son architecture était fort semblable à celle de Medan, et que la couleur des pierres étaient également similaire : les énormes blocs étaient d’une teinte ocre, presque comme de l’argile rouge, qui contrastait avec le vert des grands pins et le gris des montagnes.

Vers la fin de l’après-midi, ils arrivèrent au pied des remparts. Ceux-ci possédaient des brèches, mais les blocs cyclopéens étaient beaucoup plus résistants et plus compliqués à endommager. Ils décidèrent alors de tenter une approche furtive par la grande porte. Elle semblait à première vue abandonnée, et Drark se proposa pour aller jeter en repérage afin de voir si la voie était libre. Avec sa petite taille et ses grandes capacités de discrétion (quand il en avait envie du moins), il pouvait se faufiler à peu près partout sans se faire repérer. Il se glissa entre les battants de l’immense porte qui faisait plus de quatre mètres de haut, et monta sur le portail afin d’avoir une vue d’ensemble sur les environs. Il put remarquer qu’il n’était pas le seul à observer les lieux : plusieurs patrouilles de gardes orcs déambulaient à plusieurs centaines de mètre, et il put voir les flammes de plusieurs feux qui brûlaient dans la cité. Des orcs devaient être dispersés un peu partout dans la ville, peut-être affairés à recycler ce qui pouvait encore l’être ? La porte n’était cependant pas gardée de manière permanente, et le gobelin en profita pour faire entrer ses compagnons. Une fois en sécurité sur les remparts, Drark fit un petit topo de la situation.

« Bon, il nous faut un plan. Il est clair que la cité est occupée, mais d’ici il est difficile de savoir combien ils sont en garnison, ou même de savoir s’ils préparent quelque chose ou s’il s’agit plus d’un simple avant-poste. Je vous propose qu’on s’approche du centre de la ville, en nous dirigeant vers ce grand temple qui me semble être le centre névralgique de la cité. Nous en saurons sûrement davantage une fois plus proche. »

Tandis que le gobelin parlait, des mouches tournoyaient autour des aventuriers, et le vrombissement incessant les gêna quelques peu. Un étrange pressentiment les envahi peu à peu. Une odeur nauséabonde planait en ces lieux. En s’approchant du centre-ville, ils tombèrent sur un groupe d’orcs en train de se réchauffer autour d’un foyer, sur une petite place de quartier. Ils semblaient préparer leur repas du soir, mais un détail les perturba : un tas de cadavres non loin d’eux semblait pourrir à l’air libre, délaissé. Bien que les orcs aient de manière générale une constitution forte, laisser comme cela des cadavres en putréfaction apportait toujours son lot de risques, des maladies pouvaient se développer et se transmettre via des parasites divers ou les mouches. L’odeur qui plus est, était particulièrement désagréable.

Les aventuriers approchèrent discrètement, puis, lorsqu’ils furent suffisamment près que pour pouvoir leur tomber dessus sans risque d’une retraite prématurée de la part de leurs opposants, ils s’échangèrent un regard puis chargèrent la petite troupe d’orcs.

Vidar avait les yeux injectés de sang, une colère froide s’emparant de lui peu à peu à mesure que ses souvenirs lointains remontaient à la surface. C’était la première fois depuis longtemps, qu’il avait l’occasion de fracasser de l’orc et mettre la main sur des personnes ayant participé, de près ou de loin, à la mort de son roi. Il fut le premier à entrer en scène en poussant un cri de guerre terrifiant. Quelques orcs furent stupéfiés et tétanisées durant quelques secondes avant de voir leurs compagnons se faire broyer par la magie divine et dévastatrice de l’oracle. Une fois l’effet de surprise passé, les orcs se regroupèrent en formation de combat et contre-chargèrent les aventuriers. Le combat fut rapidement réglé. Marduk suivit de près Vidar et s’assura qu’il ne risquait rien. Mais dès qu’il vit que les orcs étaient trop décontenancés que pour pouvoir réellement menacer son ami tête brûlée qui venait de faire un saut pour se téléporter dans la mêlée et faucher deux autres orcs, il dégaina son cimeterre et se mit à découper ses opposants avec force. Dans la cohue du combat, Drark devait prendre garde à ne pas toucher ses camardes, mais il ne se retint pas, misant sur sa précision et sa maîtrise des explosions plutôt que sur la prudence. Les feux grégeois éclatèrent dans foule et des volèrent en éclats, accompagnés de cris de douleur.

En quelques secondes à peine, le combat fut terminé. Les orcs n’étaient clairement pas préparés pour l’esprit vengeur des aventuriers. La place étaient maintenant vide, et avec un sentiment de satisfaction, mêlé à un peu de honte d’avoir ressenti autant de contentement lors de ce qu’on pourrait qualifier de carnage, ils reprirent leur route vers le ziggourat au centre de la cité. Plus ils s’approchaient de ces lieux, plus l’odeur montait. Ils optèrent maintenant pour une approche plus discrète, observant les environs. Ils remarquèrent que le gros du campement se trouvait de l’autre côté de la cité. Ils évaluèrent le nombre de soldat dans la cité, et ils déterminèrent en faisant une approximation, qu’il devait y avoir au moins deux cent orcs, et que ce nombre pouvait aisément aller jusqu’à trois cent. Mais ce qui les intéressait, c’était plutôt le grand temple d’où émanait ces senteurs nécrotiques. En se postant sur le toit d’une maison plate assez haute, ils purent enfin avoir un bon visu sur cette énorme pyramide, disproportionnée par rapport à la taille de la ville. Ils purent constater que de nombreux larbins amenaient, de manière répétée, des cadavres de toutes sortes, animaux, humanoïdes, ou même d’autres créatures, dans ce temple. L’idée traversa l’esprit des aventuriers qu’un rituel ou quelque chose de similaire devait se dérouler à l’intérieur. Il leur semblait que seule la nécromancie pouvait avoir besoin d’autant de corps en décomposition. Ils devaient aller voir ce qu’il se passait à l’intérieur.

Cette fois-ci, ils ne se soucièrent pas autant de la discrétion, principalement parce qu’ils se rendirent compte qu’ils n’auraient aucun moyen d’entrer dans la pyramide sans être vu, car il y avait bien trop de passage et de chargement de cadavres vers l’intérieur du mausolée. Dès qu’ils furent aperçus, les orcs qui étaient sur le chemin laissèrent les corps au sol et s’enfuirent dans les ruelles de la cité en courant. Les aventuriers ignorèrent cela pour le moment, ils avaient un plus gros poisson à pêcher.

Le spectacle qu’ils y virent s’imprima dans leur mémoire malgré la pénombre qui régnait. Des escaliers descendaient pour mener au sol de la grande salle cérémonielle qui constituait l’intérieur de la pyramide, mais ils n’eurent l’occasion de ne descendre que d’une seule marche, car la quantité de cadavres et de carcasses en décomposition avaient rempli les profondeurs comme un verre qui allait bientôt déborder. Certains macchabées étaient encore distinguables, mais pour la majeure partie des corps, il n’était plus possible de discerner ou se trouvait la tête, s’il s’agissait d’un animal ou une autre créature, car toutes les chairs en train de se décomposer formaient une sorte de boue d’os, de sang et de jus putréfié.

Dès que ses yeux furent habitués à l’obscurité, Marduk distinguer trois formes énormes dans ce lieu sacrilège. Au milieu de la salle, une pile de plusieurs mètres de haut composée de cadavre constituait un monticule sur lequel une forme verte et putride se déplaçait lentement. De chaque côté de ce mont, deux géants à la peau grêlée, comme des malades pestiférés attendant l’heure de leur mort étaient occupés à émettre de long grognements sourds, semblables à des incantations funestes. Leurs chants entraient en résonance avec les lourdes pierres du temple, et cela donnait l’impression d’un écho infini dont il était impossible de déterminer l’origine. Les nuages de mouche tournoyaient dans les hauteurs du temple comme des million d’étoiles obscurcissant un ciel sans lune.

« Ce qui se passe ici… c’est inhumain. » commença le champion.

« Je ne le sens pas. On devrait partir d’ici je pense. » ajouta Drark en se couvrant le nez. Ce geste étonna ses compagnons qui n’avaient pas l’habitude de voir leur ami gobelin être affecté par des questions d’odeur ou d’hygiène.

« On dirait qu’ils font… un rituel ? J’ai du mal à comprendre exactement pourquoi, mais cela ne me dit rien qui vaille. » dit Vidar en fronçant les sourcils.

« C’est mon impression aussi. Et c’est quelque chose de mauvais, d’impie et malsain. J’en ai les poils qui s’hérissent. » renchérit Marduk.

« Les gars, je ne le sens vraiment pas. Je crois que c’est très risqué de rester ici. On ne sait pas exactement ce que c’est et quels sont les risques. On n’est peut-être pas capable de les vaincre. Et puis, qu’est-ce qui arrivera après ? » continua Drark, un peu plus pressant.

« On a toujours nos anneaux, non ? Moi je ne peux pas partir d’ici sans rien faire en tout cas. Ils profanent des corps et cette chose verte-là… Je pense que c’est un démon de la fange. J’en ai déjà entendu parler. »

Pause de concertation silencieuse entre les aventuriers.

« Vous me suivez ? » finit par dire le sarenrite en dégainant son cimeterre.

Approbation par un léger grognement incertain.

« Sarenrae, protège-nous des fiélons ! » et Lueur se mit à briller tel un phare dans la nuit tandis que le démon, un omox, glissa jusqu’au bas de la bute pour s’approcher des aventuriers avec une envie dévorante. Les deux géants se réveillèrent de leur transe et se relevèrent en reprenant leurs esprits.

Drark profita du chaos général pour se faufiler derrière un pilier, mais il eut la désagréable impression qu’il n’avait pas été assez rapide. Le géant non loin de lui l’avait peut-être remarqué. Il prépara une bombe et s’apprêta à faire feu.

Marduk leva son bouclier et s’assura de couvrir son compagnon nain en attendant la charge de ses adversaires. Vidar quant à lui, déchaîna ses pouvoirs en forçant un géant à *****.

L’omox s’approcha lentement de Marduk, abhorrant visiblement la lumière divine qui en émanait. Petit à petit, il prenait la forme d’une créature humain à l’aspect gélatineux et acide. Le géant près du gobelin l’avait visiblement repéré. Il contourna le pilier et son grand fléau d’arme vint frapper la colonne derrière laquelle Drark était caché. Il avait esquivé de justesse le coup et il prit la décision d’aller se réfugier près de ses compagnons. Alors qu’il fuyait, le géant ramassa un cadavre qu’il jeta sur l’alchimiste qui prenait ses jambes à son cou. Le corps éclata dans une grande explosion de sang et d’os, et des gouttes fusèrent dans tous les sens. Drark se sentit rapidement faible et fatigué.

« Merde, je crois que j’ai avalé un peu de sang de cette chose qu’il m’a balancée ! » pensa Drark en serrant les dents.

Tandis que Vidar lançait encore des incantations l’autre géant qui fonçait sur eux, entraînant un nuage toxique dans leur sillage, Marduk encaissa un premier coup de fléau d’arme. Le combat au corps à corps assez rude. Les géants prirent le petit groupe en tenaille, un de chaque côté, et l’omox attaqua le centre de la formation centrée autour du champion. L’oracle et le sarenrite toussèrent avec la proximité des géants de la pestilence, mais leur système immunitaire tinrent bon. Ils firent attention à respirer à des moments opportuns, évitant la contagion qui avait pris le corps et l’âme de ces colosses.

Drark, malgré son état, libéra le feu sur les adversaires. Les feux grégeois explosèrent à de nombreuses reprises, et voyant que les géants ne semblaient pas si sensible à cela, il se décida de se déchaîner sur le démon. Celui-ci brûlait à petit feu, que ce soit par les explosions de Drark, par la lame enchantée de Marduk qui traçait des sillons divins dans la substance maudite du fiélon, ou par le marteau vengeur de Torag. Après quelques efforts, ils parvinrent à occire le démon de la fange, qui se répandit comme une coulée de boue entre les corps sous leurs pieds, mais les géants tenaient leur position. Pire encore, les aventuriers commençaient à flancher, leurs ressources s’épuisant peu à peu tandis que les colosses ne semblaient pas fatiguer. Les compagnons s’échangèrent un regard, regrettant que Baltazar ne les ait pas suivi pour pouvoir monter la garde et assurer leurs arrières. Ils auraient bien eu besoin de ses talents d’assassin… et s’il ne se dépêchait pas de rappliquer, ce serait eux qui finiraient dans un cercueil ou sur le monticule de cadavre...

Date du Rapport
13 Dec 2024
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