Le Grand Prêtre, Père Rolan, n’a pas besoin d’élever la voix ni d’imposer sa présence : elle s’installe d’elle-même, douce et inébranlable. C'est lui qui a pris la décision de me reccueillir et pour cela je lui serai éternellement reconnaissante. Dans une cité aussi rude que Glaceterre, savoir qu’il existe quelqu’un d’aussi constant donne l’impression que tout ne peut pas s’effondrer.
Il est rare de le croiser hors de son office, sauf quand il vient rendre visite aux différents quartiers du temple. Il m'est cependant déjà arrivée de le voir discuter avec un homme que je ne connaissais pas. Cela m'a intriguée mais j'ai continué de vaquer à mes occupations.
Frère Tharen est l'Intendant du temple. Il m’intimidait beaucoup au début. Son œil unique et son air perpétuellement contrarié donnent l’impression qu’il vous jauge en permanence, prêt à relever la moindre erreur. Nous n'avons jamais eu l'occasion de parler longuement mais à force de le voir parcourir les couloirs, j’ai compris que sa rudesse n’était qu’une autre forme de dévotion. Chaque registre bien tenu, chaque mur réparé est pour lui une prière concrète. Il ne flatte jamais, ne rassure pas inutilement, mais quand il dit que quelque chose est bien fait, je sais que cela vaut plus que bien des éloges.
Frère Thalven s'occupe de l'organisation des rites et des cérémonies. Là où son frère compte et vérifie, lui embellit, transforme et élève. Je l’ai souvent vu sourire au milieu des préparatifs, échangeant avec les artisans sur la meilleure manière de rendre hommage aux Dieux. Il a ce don rare de faire sentir à chacun qu’il a sa place dans le temple, que la ferveur n’est pas réservée aux prêtres mais qu’elle naît surtout dans le cœur des gens. Les quelques fois où nous avons discuté, nous avons échangé sur la beauté de l'Art et de la Foi.
Frère Isywen est l'Archiviste du temple. Il parle peu et se déplace sans bruit. Il apprécie peu qu'on se montre bruyant devant lui, et encore moins dans la salle des archives. Sa présence se confond presque avec les étagères et les parchemins, comme s’il faisait partie de la mémoire même du temple. Amaël ne cesse de me dire qu'il veut devenir comme lui, mais il est trop bavard pour proclamer lui ressembler un jour.
Régulièrement je le vois en compagnie de Keliann, la maitresse des herbes avec laquelle ils partent faire de longue balades en forêt. Il y a plein de rumeurs qui circulent sur eux au sein du temple. Elles parlent d'un amour plus ou moins platoniques entre eux...
En tous les cas, je crois que Frère Isywen nous rappelle que tout n’a pas vocation à être dit à voix haute, et que certaines vérités se transmettent uniquement à ceux qui savent écouter le silence.
Aussi, je vois les gardiens comme les piliers de notre temple. Ils en sont les figures et les protecteurs. Chacun d'eux impose le respect à leur manière et sont un exemple de dévouement aux divinités.
J'éprouve une grande admiration envers Soeur Elira. Elle qui m'a tout appris, je voudrai un jour lui ressembler. Ne connaissant pas l'identité de mes parents biologiques, enfant, je l'imaginais être ma mère (sûrement de part sa couleur de peau mais surtout car j'aurai aimé que celle qui m'a mise au monde possède toute sa douceur et sa bienveillance). Je pense pouvoir affirmer sans crainte que c'est pour suivre ses pas que j'ai décidé de me dévouer au domaine de la Vie.
Le soir, quand je raccompagne les orphelins à leur dortoir, il m'arrive de l'apercevoir avec sa lanterne d'ambre. La "Veilleuse" se rend au chevet des malades. Plus d'une fois je l'ai accompagné dans ses rondes nocturnes et trop souvent je l'ai vu prié jusqu'à l'aube.
J'aime beaucoup Frère Iovin. Il ne laisse jamais la colère l'emporter. Il est l'exemple même de la tempérance. J'aime écouter ses leçons et ses conseils. Il est toujours ouvert à entendre les peines de ceux qui viennent quérir son aide. Plusieurs fois il m'est arrivé de venir le voir quand l'un de mes patients ne pouvait pas être sauvé. Il a toujours accueilli ma parole et m'a toujours aidé à y voir plus clair dans ces moments de doutes.
Concernant Frère Ulmar, j'avoue ne pas savoir comment me comporter face à lui. Je le respecte autant que tous les autres Gardiens. Mais il y a quelque chose dans ce qui se dégage de lui qui me terrifie et me fascine. Il est l'image que chacun se fait de la Mort. Impénétrable et implacable.
Etant enfant, il m'arrivait de trouver la tranquilité près des tolos. Le soir, quand je voyais la lumière bleuâtre de sa lanterne arriver, je savais que je devais rentrer. Certaines fois il me semblait sentir son regard sur moi mais je ne me retournais pas, par peur qu'en le croisant, il puisse voir ma fin proche et que je ne puisse me réveiller au petit matin suivant.
Aujourd'hui, cet effroie ne m'atteint plus autant qu'auparavant mais comme les autres adeptes, je me tais quand "Le Gardien passe" et je préfère observer la mort de loin.
Enfin, comment ne pas parler de Soeur Alénor ? Sa joie de vivre est contagieuse.Elle m'a aidé dans mon choix de Domaine et s'est toujours trouvé de bon conseil dans les moments de doute. Chacun de ses sermonts relance un peu plus l'élan de ma ferveur envers les dieux. Cependant, je sens par moment que son énergie est étouffante. Dans ces moments, j'aime prendre du recul et prier dans le calme des jardins.