Sire Gregor Von Luftheim
Sire Gregor.
Tu étais autrefois un général des armées, dans l’Ordre des Chevaliers de Fer, un ordre religieux se consacrant à Gorum. Sous leurs ordres, tu as combattu de nombreuses guerres et remporté de nombreuses batailles. Cependant, un jour tu fus convoqué par ta Grande Prêtresse, la dirigeante de l’Ordre, pour aider une communauté au nord de la Marche du Vent. Sur l’île de Sombrepic, un liche avait entamé l’invasion des lieux et plusieurs appels à l’aide avaient été faits : les chevaliers infernaux répondaient à l’appel, mais ils semblaient s’engager dans un combat en sous-nombre. Rien de plus valeureux, pour un fidèle de Gorum, que de venir en aide au camp de perdant afin de rééquilibrer la balance. Tu as donc participé à cette guerre, et vous avez perdu. Tu es tombé au champ de bataille, selon une mort que tu avais désiré.
Mais quelle fut ta surprise lorsque tu te réveillas. Il te semblait avoir dormi des siècles, car ta mémoire te faisait défaut. Tu te rappelais de qui tu étais, de tes derniers instants, de ta vie en général, mais de manière floue, comme si un voile avait jeté sur ton passé. Tes souvenirs, ta foi en Gorum, tes sentiments et ton attachement à ce que tu étais, tout cela semblait comme enfermé dans un petit coffre au fond de ton âme. Ils étaient là, en sécurité, tu y avais accès, mais tu ne voyais pas l’intérêt d’y toucher. Comme des illustrations de ton enfance, que tu ne ressortirais qu’une fois avoir trop vieilli, pour te rappeler de l’une ou l’autre anecdote pour, non plus rire comme si c’était hier, mais sourire d’un air nostalgique car c’était presque dans une autre vie.
Tu avais maintenant autre chose en tête. Les yeux bleus brillants d’Alarkéas s’étaient posés sur toi et un seul de ses gestes te fit comprendre que tu lui devais la vie, cette nouvelle vie. Par réflexe plus que par choix conscient, tu le suivis, ramassas l’épée qu’il t’indiquait du doigt, et tu entras dans la salle du trône qui se trouvait non loin. Des chevaliers en armures se battaient contre des hordes de zombies. Ils formaient un dernier carré, protégeant une femme aux cheveux courts, qui dictait des ordres d’un ton impérieux tout en découpant les corps de morts-vivants se jetant sur elle avec une violence renforcée par la détermination, tranchants une première fois un bras, puis une seconde fois la main qui s’agitait encore au sol, avec l’énergie du désespoir et de la foi qui l’animait.
Le bras d’Alarkéas se leva lentement, se déroulant comme un serpent prêt à mordre, en direction de la capitaine. Lorsque le mouvement arriva à sa main, et que son index désigna la tête de la jeune femme, une vigueur nouvelle s’empara de toi. Tu courus avec une force qu’il te semblait avoir oublié, une puissance dont tu ne pensais plus être capable. Tu bousculais sans difficulté tous les cadavres ambulants qui étaient sur ta route, comme s’il s’agissait de feuilles mortes, et arrivas de plus en plus proche des chevaliers, à une vitesse qu’il te semblait impossible à atteindre de ton vivant.
Il n’avait pas eu besoin de mots, tu savais ce que tu avais à faire . Tu savais ce qu’il voulait. Tu allais fendre le mur de boucliers qui vous séparaient. Certains des défenseurs allaient périr. Rien n’allait arrêter ton avancée, tu étais comme mû par une force surnaturel, et tu ne savais pas à quel point le fait de savoir que ce n’était pas que de ton ressorts, te dégoûtait ou t’exaltait. En cet instant, cela n’avait plus aucune importance. Les lances entre tes côtes n’allaient pas t’arrêter. Tu marcherais sur leurs boucliers comme une rouleau implacable du destin, telle la faucheuse qu’on ne peut arrêter. Qui ne s’arrêtera que lorsque tu aurais ce qui était le plus précieux pour toi en ce moment.
Sa tête.
Sa. Tête.
Sa.
*son brutal d’une lame qui fendait la chair de manière grossière, reflétant plus une force effrénée écrasante que la précision du duelliste en action*
Tête.
Tes globes oculaires ne s’ouvrirent pas, mais ton esprit sortit de son repos et la lueur violette s’installa dans les orbites vides qui te servait de réceptacle de vision. Ton garde personnel était debout près de la porte, présentant ton épée de ses deux mains, légèrement prosterné pour montrer sa soumission à son maître. Tu n’eus pas besoin d’enfiler ton armure, tu n’avais plus besoin de l’enlever, délivré des contraintes que les vivants subissaient lors de leur sommeil.
Sans un regard pour lui, tu attrapas ton arme couverte de rouille, tout en sachant très bien que sous cette épaisse couche de poussière, elle était toujours aussi dangereuse et que seul un fou sous-estimerait cette lame, car les enchantements ancestraux de l’épée gardaient l’arme toujours éffilée, malgré les apparences trompeuses.
Sans hésitation malgré les décades de sommeil magiques, tu te dirigeas dans les couloirs, vérifiant au passage que tout se passait comme prévu. La procédure était toujours la même, et tous les serviteurs du Liche semblaient répondre à l’appel comme prévu. D’un geste puissant, tu ouvris les battants des portes principales de ton manoir, et tu arrivas sur la terrasse qui menait à la cour principale.
Là, le spectacle t’emplit de fierté. Le fait que tu y avais déjà assisté des dizaines de fois ne changeait rien à cela.
Les bannières flottaient au vent, claquaient alors que les bourrasques violentes gonflaient les tissus déchirés. Les lances étaient dressées vers le ciel, telle une forêt de métal, et les bouclier reflétaient la lueur de la lune. Tous tes chevaliers étaient rassemblés, immobiles tels des statues, prêts à obéir au moindre de tes ordres.
Une telle discipline, une telle dévotion n’aurait jamais été possible avec des vivants, songeas-tu avant de descendre les marches et monter sur ton destrier harnaché. Il ne fallait pas traîner.
« Le seigneur Liche attend »
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