Session XXXVII : Le dernier voeu d'un condamné

General Summary

Le fantôme d’un homme d’une soixantaine d’année se tenait devant les mercenaires. Il avait l’air vidé, abattu, et pourtant, un sentiment de libération se lisait sur son visage. Après quelques secondes d’hébétement, il se rendit compte de la présence des trois silhouettes dans l’obscurité quasi totale, qui attendaient silencieusement.

« Je… vous ? Merci, aventuriers. Un grand merci. » dit-il avec une petite révérence, la main sur la poitrine.

« Qui êtes-vous ? » demanda Netharius.

« Mon nom est Sa-zu Rabadashur. Je viens de la satrapie du Qadira. Peut-être en avez-vous déjà entendu parler ? »

Virgile et Ikit firent non de la tête, mais Netharius eut une petite moue, indiquant qu’il avait déjà entendu ce nom quelque part.

« Cela me dit quelque chose. Mais si je ne me trompe pas, vos pas vous ont mené loin de votre terre, non ? »

« Oui, un grand drame a frappé mon pays et ma famille, et j’ai dû fuir la terre de mes ancêtres. »

« Que faites-vous ici ? Dans ce lieu et dans cet état » enchaîna Ikit. Il savait que les fantômes n’arrivaient pas sans raison. Un évènement traumatisant devait avoir eu lieu, ou quelque chose le retenait dans ce monde pour qu’il ne puisse pas trouver la pays.

« Suite à une série d’évènements, j’ai appris qu’un liche vivait en ces lieux et j’ai pris la décision de venir débarrasser l’ermitage de cette présence maléfique. Malheureusement, il y a certaines choses que je n’avais pas prévues. J’ai réussi à le vaincre, mais pour une raison que j’ignore, son esprit ne peut être détruit. J’ai brisé son corps, mais il est revenu et à force de magie et de stratagème, il est venu à bout de mes forces. Il m’a tué et maintenant il a séparé mon esprit de mon corps. Si jamais vous continuez à descendre, pourriez-vous, s’il vous plaît, me ramener mon cadavre ? Je ne sais pas si je trouverai la paix, mais me permettre de réintégrer mon corps, même mutilé, est pour moi un besoin si je veux quitter cette existence d’errance éternelle... »

Les mercenaires se regardèrent d’un air perplexe. Ils lui répondirent qu’ils feraient leur possible. Cependant, ils restaient un peu suspicieux. Ils venaient de frôler des grands dangers, et ils ne voulaient pas tomber dans un autre piège. Ils questionnèrent le spectre sur ce qui les attendait. Avec regrets, Sa-zu répondit que son âme déchirée était encore confuse, et qu’il n’avait pas accès à tous les souvenirs qu’il devrait avoir. Le processus d’extraction de son âme avait endommagé son être et que sans son corps, il ne pourrait probablement pas les aider. Les trois compagnons observaient avec attention le fantôme, mais tous étaient d’accord : il avait l’air de dire la vérité. Son air hagard et son ton semblaient difficiles à imiter avec autant de sincérité.

Avant de continuer à s’enfoncer dans les profondeurs, les mercenaires décidèrent de remonter à la surface afin de reprendre leurs forces. Dans les ténèbres du sanctuaire, ils n’avaient plus aucune notion du temps et quelque soit l’heure, ils se sentaient de toute façon épuisés. En remontant, ils purent constater que le soleil était déjà presque couché et que ce n’était pas uniquement les prouesses physiques qui se faisaient ressentir dans leurs muscles. Ils dormirent profondément, puis se rassemblèrent au petit matin pour continuer l’exploration. Cette fois-ci, à la réunion du matin, Dromi leur annonça qu’il ne les suivrait pas car l’épisode de la veille avait clairement démontré qu’il s’agissait d’un lieu bien plus dangereux qu’anticipé. La bonne nouvelle était qu’Elaron avait recouvert ses forces. Il semblait d’attaque pour une belle journée d’aventure. Netharius en revanche, semblait déboussolé. Le squelette était visiblement occupé à lutter contre une certaine léthargie. Quand Ikit s’approcha pour prendre de ses nouvelles discrètement, sans lui forcer à révéler sa nature morte-vivante à son employeur, le thaumaturge lui répondit d’une voix vide :

« C’est Charon, je sens qu’il me met à l’épreuve. Je dois lui montrer que je suis le plus puissant. Je ne veux pas qu’il vienne me chercher maintenant. »

« Je peux faire quelque chose ? »

« Non… je vous rejoindrai quand j’aurai bien repris possession de mes moyens. »

L’ysoki tapota l’épaule de son compagnon, puis fit signe aux autres de se diriger vers les portes du sanctuaire. Il n’osait pas imaginer vers quels lieux sordides l’esprit de Netharius était occupé à flotter, en pleine lutte contre les forces ectoplasmiques de la non-vie, voguant non loin de la barque du Cavalier de la Mort récoltant les âmes désespérées sur la Rivière menant à la Dame en Noir. Un frisson parcourut son échine, puis il se rassura en se convaincant que c’était encore loin d’être son heure.

Après quelques dizaines de minutes de descente, ils se retrouvèrent à nouveau devant le spectre du kéleshite. Elaron fut mit au parfum et ils purent constater que Sa-zu n’avait pas pu se souvenir de davantage d’éléments concernant le liche occupant les lieux. L’ancien guerrier souligna seulement qu’il était presque certain que la clé de sa réincarnation, et donc de sa destruction, se trouvait dans les pages arrachées de l’ouvrage « Des Essences ». Il les avait consultées mais n’avait pas réussi à comprendre toutes les significations ou décrypter ce qui se cachait derrière. Ayant déjà placé l’orbe dans son réceptacle avant de la reprendre pour descendre dans les profondeurs, la porte de sortie de la pièce était maintenant déverrouillée. Il arrivèrent dans un couloir de massives pierres froides. Une porte, incroyablement grande et massive, avec un petit judas, était en face d’eux. Les couloirs partaient également sur la droite et la gauche, de manière symétriques, et contournaient la pièce fermée qu’ils avaient devant eux. Ikit renifla l’air, et put sentir une odeur particulière ambiante.

« Je sens… un parfum… d’insecte ? Un peu comme si on venait d’écraser un moustique, ou une puce. Quelque chose comme cela. J’ai du mal à dire d’où cela provient, mais je pense que c’est sur notre gauche... »

« Alors allons voir ce que ce moustique a à nous dire ! » lança Elaron, enthousiaste. Avant d’ouvrir la marche, il regarda cependant à travers le judas pour voir de quoi il s’agissait dans la pièce centrale. Il put contempler ce qui semblait être une grande prison. C’était un lieu qui semblait froid, humide, et dans lequel il pouvait voir des squelettes accrochés à différents murs. Il n’y avait aucun mouvement.

Virgile lui fit signe d’être silencieux et ils commencèrent leur progression. Elaron n’avait pas l’habitude de se taire, mais il écoutait son partenaire dans le cas d’indication de combat. Ils avaient appris à fonctionner main dans la main et savait quand il valait mieux suivre ses instructions. Le sniper passait en premier car il était le plus discret, mais il était rapidement suivit de son duo, tandis que le barde fermait la marche. Le couloir tournait sur la droite, longeant la pièce centrale. Après quelques dizaines de mètres, une arcade annonça l’entrée d’une pièce sur la gauche. Ikit sentit ses moustaches frémir alors que l’odeur particulière se faisait plus définie. Il s’approchèrent prudemment, et purent constater que l’odeur provenait d’une salle d’incantation. Des marques au sol, sur les murs et le plafond indiquaient que de la magie occulte avait été pratiquée et le barde put certifier que des créatures avaient été invoquées d’un autre plan. Il put donner un détail supplémentaire : il s’agissait d’aberrations. Les aberrations étaient des créatures venant d’autres plans d’existences, souvent des plans astraux, et qui, de par la nature des mondes complètement différents de Golarion d’où ils venaient, fonctionnaient de manière totalement différente. Leur anatomie, leurs comportements, et leurs instincts avaient souvent quelque chose de monstrueux car tellement loin des réalités que les habitants du plan matériel pouvaient rencontrer. En prenant bien le temps d’examiner la pièce, Ikit put assurer deux choses : la première était que la pièce était belle et bien vide, et la seconde était que cette, ou ces créatures s’étaient déplacées et avaient laissé leur odeur sur la voûte.

Avec encore davantage de prudence, les aventuriers continuèrent leur traversée du couloir. Plus loin, celui-ci tournait sur la droite. Ils passèrent devant une énorme porte au-dessus de laquelle il était écrit en lettre gravées dans la pierre : « Seuls ceux qui partagent leur expérience avec la mort seront admis ». L’odeur d’insecte ne menait pas là, ils décidèrent donc de laisser cette entrée pour plus tard. De plus, les battants étaient recouverts d’ossements, ce qui ne les encouragea pas à investiguer davantage sans avoir sécurisé le périmètre. Le couloir contournait complètement la prison centrale pour les mener à une pièce à l’opposé de la salle d’invocation, dans une sombre bibliothèque.

La porte de la pièce était entrouverte, et Virgile fit signe aux autres de l’attendre le temps qu’il aille jeter un œil. La bibliothèque était plongée dans l’obscurité, mais ses yeux nidalais lui permettaient de voir comme en plein jour… ou presque. La nuance des couleurs n’y était pas, mais il pouvait distinguer sans problème les profondeurs, les zones de ténèbre et les contours de chaque objet avec précision. En déambulant dans les rayons, il put constater qu’à l’instar des autres zones où ils avaient pu trouver des livres, il n’y avait aucun second usage pour cette pièce. Entre ouvrages sur les créatures occultes, la magie extra-planaire ou d’autres traités sur des formes ésotériques et alternatives d’approcher le monde, que ce soit par des sorcelleries étranges, cryptées ou par la non-vie. La pièce était divisée en trois partie : il était occupé à parcourir la plus grande qui comportait de grandes étagères de deux mètres et demi. Aux deux tiers de la salle, une estrade permettait d’arriver à une sorte de bibliothèque plus restreinte, probablement avec des ouvrages plus rares et de qualité supérieure. Et enfin, des échelles dans cette zone permettaient d’atteindre une mezzanine que Virgile ne parvenait pas à observer. Il décida de ne pas passer par l’allée principale, et prit une rangée sur la gauche. Il observait en scannant tout ce qui passait dans son champ de vision et en scrutant ce qu’il pouvait distinguer entre trous laissés par les livres manquants dans les étagères. Arrivé au bout de son rayon, il regarda à droite, puis à gau…

Une énorme paire de mandibules se trouvait à seulement quelques mètres de lui. Par chance, il n’avait pointé que le bout de son nez, et les dizaines d’yeux qui recouvraient tout son corps n’eurent pas le temps de le voir. Une goutte de sueur perla sur son front. Avec son plus grand sang-froid, il retourna sur ses pas et sortit de la bibliothèque. Les autres montrèrent quelques signes d’impatientes quand il sortit, mais comprirent rapidement à la tête du pistolier qu’il ne fallait pas faire de bruits. Il leur chuchota :

« Je crois que j’ai trouvé la créature qui sent l’insecte. Je n’ai pas vraiment eu le temps de bien l’observer, mais c’est gros, ça a beaucoup d’yeux, des mandibules et des grandes pattes arachnoïdes. J’ai l’impression qu’on va devoir l’abattre. »

D’un geste fluide, Elaron dégaina son pistolet, le fit tournoyer dans les airs, puis le rattrapa d’un geste habile pour le replacer dans sa gaine. C’était sa manière à lui de dire qu’il était prêt à en découdre.

Ils décidèrent d’opter pour une stratégie de chasse : ils se dispersèrent, ayant chacun des armes à distance, pour ensuite mieux frapper la créature de toutes parts. Virgile se positionna en retrait, s’assurant une position avec un angle de vue large, et Ikit partit sur la droite afin de rester loin de l’endroit où son compagnon avait vu la créature. Elaron, lui, avait accepté la position d’appât, car il était celui qui serait le plus à l’aise avec le fait de se battre au corps à corps. Il comptait sur sa capacité à esquiver et danser en combat pour enchaîner des combinaisons de frappes et de voltiges.

Il s’avançait prudemment dans l’allée principale, jusqu’à entendre un léger sifflement. Dans la seconde qui suivit, il vit la créature surgir de sa gauche, l’attrapa d’une de ses grande patte, et d’un geste fluide lui entailla le flanc tout en l’emportant dans sa course. Virgile ne perdit pas une seconde et profita de l’ouverture pour tirer non loin de ce qu’il considérait comme la tête. Mais la bête n’avait pas vraiment de tête. En fait, il put enfin voir l’aberration dans toute son horreur. Là où devait se trouver la tête de l’insecte, de nombreuses tête à forme humanoïde sans yeux et sans visage sortaient du corps et mordaient dans le vide en attente d’avoir une proie à se mettre sous la dent, comme des enfants désespérément en attente d’être nourris. La balle perça une de ces tête, mais malgré le sang rouge et verdâtre qui se mit à couler du trou de l’impact, elle continua à claquer des dents de manière frénétique. La bête fonça avec le pistolier dans les pattes jusque dans la zone proche du sniper. Ce dernier courut pour se mettre à l’abri derrière une étagère et rechargea son arme. Ikit se mit en action et lança un sortilège visant à casser les pattes de la bête, puis lança une incantation bardique afin de guider les tirs de ses alliés. Des membres se tordirent et on entendit un craquement caractéristique, mais le monstre possédait trop de membre que pour être mis hors d’état de nuire de la sorte. Elaron se dégagea et tira avec son pistolet à bout portant. Dans un geste fluide, il frappa le monstre encore aveuglé par la déflagration de l’arme à feu. Dans la manœuvre, il en avait profité pour se déplacer légèrement, se mettant dans le chemin de la créature si celle-ci désirait s’attaquer à son partenaire de combat. La créature, voyant que la proie qu’il désirait atteindre possédait un obstacle supplémentaire, décida de rester sur sa cible première. Il mordit le pistolier, l’attrapa et s’enfuit dans un coin de la pièce, escaladant et descendant les étages de ses longues pattes comme si le terrain était complètement plane. L’agilité de la bête était déconcertante. Ikit jeta un regard autour afin de vérifier qu’il n’y en avait qu’une, car si une deuxième venait à les assaillir, elles pourraient les isoler et les dévorer sans que le troisième mercenaire ne puisse intervenir tant elles étaient rapides.

Il lança un sortilège de soin sur son compagnon qui commençait à saigner de manière abondante. Les plaies se refermèrent, et une vigueur nouvelle l’anima. Elaron ne prit même plus la peine de se dégager : il tira sur le monstre, pistolet plaqué contre la peau de celui-ci, puis enfonça son épée jusqu’à la garde en perforant une poignée d’yeux au passage. La prise de l’aberration faiblit et il put se dégager. Virgile ne pouvait plus voir sa cible mais seulement distinguer les étagères bouger, car Elaron et la créature s’étaient enfermés dans un rayon et continuaient le combat à cet endroit. Il courut donc vers une étagère plus proche, grimpa jusqu’au sommet pour se mettre dans sa position stratégique favorite. Il se sentait comme sur les toits de sa cité, en hauteur, près à frapper tel un faucon meurtrier. Il arma son jezail et tira sur le dos de la créature qu’il pouvait voir. La balle vint se loger dans un organe vital du monstre. Le gogiteth hurla de douleur, et Elaron fonça pour donner le coup de grâce. Il trancha une tête essayant de le mordre, puis il plaça le canon de son fusil entre les dents d’une autre. La détonation fut un peu étouffée, mais la balle perçant le corps insectoïde de la créature relâcha une grosse flaque de sang qui s’écoula par terre et le silence revint.

Il y avait eu plus de peur que de mal. Ce combat avait été bref mais intense. Ils étaient soufflèrent et commencèrent à fouiller les lieux. Les centaines de livres renfermaient des connaissances innombrables, et ils se mirent à les consulter, plus par curiosité que par nécessité. En montant par l’échelle, Ikit vit de nombreux présentoirs sur lesquels de gros livres étaient disposés. L’un d’eux attira son attention de par son étrangeté et son aspect macabre. La couverture était faite de la peau séchée d’un humain. Le centre arborait la bouche ouverte dans une sorte de cri de douleur éternelle. Il s’approcha et se pencha sur l’ouvrage.

« Le Murmure des Roseaux... »

Il ouvrit le manuscrit et constat qu’il n’agissait d’un livre d’un auteur anonyme qui souhaitait compiler la totalité des paraboles, mythes, histoires et rencontres concernant la déesse Extérieure Nhimbaloth, appelée également la Mort Vaine. Il saisit directement la nature magique de l’épais livre, et décida de le prendre avec lui. Il sentait une connexion entre ses expériences de transformation féerique et la nature aberrante de la déesse extérieure. Il souhaitait comprendre davantage ce qui pouvait lier ces deux aspects occultes. Une fois que tout le monde fut remis de ses émotions, ils décidèrent d’aller jeter un coup d’oeil à la prison au centre du couloir. La porte menant à ce qu’ils avaient interprété comme une catacombe leur semblait plus dangereuse et ils la garderaient pour plus tard. Ikit et Virgile s’attelèrent au crochetage de la lourde porte. Le mécanisme était complexe, mais en prenant leur temps, ils étaient pratiquement certains de pouvoir l’ouvrir. Cela se révéla en effet être vrai. Un *clic* caractéristique se fit entendre une dizaine de minutes plus tard, et c’est avec un sourire de satisfaction que l’ysoki et l’humain échangèrent un regard avant de pousser la porte avec prudence.

Ils entrèrent dans la grande cellule dans laquelle il n’y avait pratiquement rien, mis à part des cadavres, pratiquement tous sous la forme de squelette, bien que le froid avait conservé quelques morts de manière plus prolongée. La cellule semblait vide et ils se mirent à chercher le corps de Sa-zu. Elaron se déplaça sur la gauche et inspecta quelques cadavres, espérant trouver le corps à la peau bronzée et la barbe grise du spectre qu’ils avaient croisé un plus tôt dans le sanctuaire. Accroupi auprès d’un corps décharné, il entendit alors un petit craquement et releva la tête vers un des piliers du fond de la salle. Une ombre fonça dans sa direction et un corps famélique, complètement déformé par la souffrance et les épreuves se rua sur lui. Le temps qu’il dégaine son épée et son pistolet, le zombie était sur lui. Avec une force incroyable pour sa taille et son poids, le tourmenté frappa Elaron. Le sang gicla sur le sol et le pistolier sentit par la force physique de cet être, que la douleur que la créature ressentait se matérialisait littéralement autour d’elle. Il fut envahi par une vague désespoir et les larmes lui monta aux yeux. Il se sentit malade et affaibli, tellement le tourment de la créature était palpable. Sa-zu avait dû mourir dans des circonstances incroyablement douloureuses pour s’être transformé en un monstre pareil.

Virgile ne perdit pas une seconde et activa sa rune tout en ajustant sa visée. Le premier tir vint directement percer l’œil de la créature et il vit la balle ricocher sur le mur derrière le zombie. Le monstre ne flancha pas, alors qu’il était certain que ce type de tir aurait tué net n’importe quel humain normalement constitué… mais on n’était évidemment pas dans ce cas de figure. Ikit observa la vivacité de la créature et comprit qu’il serait compliqué de la combattre sans l’entraver. Il fit appel à une incantation sordide, et réveilla des vers qui se mirent à dévorer les entrailles de la créature. Le corps de celle-ci, déjà fortement rongé par les affres des tortures, se mit à s’écrouler sous l’action nécrophage des insectes, ralentissant ses mouvements et sa rapidité. La pièce commença alors à résonner sous la mélopée envoûtante que le barde se mit à jouer. Des formes spectrales se mirent à flotter dans les airs, comme une fumée lancinante, dansante au son de la flûte de l’ysoki. Ils prirent vie sous la virtuosité de l’ysoki et se mirent à guider les bras et gestes des mercenaires. Ikit fit une performance si brillante que ce fut comme une mélodie imprimée en lettre de feu dans l’esprit des vivants se battant pour leur vie.

Elaron, essuyant une nouvelle balafre suite à la violence du coup, garda son sang-froid et décida de montrer de quel bois il se chauffait, ou du moins quel mort-vivant il comptait replonger dans le sommeil éternel. Il tira sur son adversaire, perforant ce qui devait être un poumon, fit un pas pour esquiver un coup de mâchoire, frappa le zombie au mollet, entaillant la chair pourrie, puis se décala sur le côté pour laisser l’angle de tir libre pour son partenaire.

Il eut cependant un moment d’inattention, et les griffes de Sa-zu vinrent l’éventrer avec une violence inouïe. Le souffle coupé par le premier coup, il ne parvint pas à esquiver l’autre griffe qui vint lui fracasser la mâchoire et griffer la gorge. Il tomba raide au sol. Un doute gagna le groupe, mais l’affrontement venait de commencer et il était impensable qu’Elaron soit mort. Virgile rechargea à la vitesse de l’éclair et tira dans un mouvement fluide. La cartouche sauta dans un petit nuage de poudre, flottant lentement vers le plafond, alors que le sniper armait déjà son prochain tir. La balle traversa le bras du tourmenté et vint se ficher dans le torse ensuite. Sentant que la situation allait être extrêmement compliquée et que chacun de ses tirs comptait, il était entré dans un état second, que seul les maîtres du tir de précision étaient capables d’atteindre. Il fit une roulade en se rapprochant de la zone afin de pouvoir intervenir en cas de besoin.

Prêt à en découdre avec le reste de l’équipe, Sa-zu s’avança, et se retrouva entre les deux mercenaires restants. Son nuage d’émotions dévorantes qui l’entouraient prenait une forme de vapeur mortelle, visible uniquement par les créatures douées d’émotions, car rien de tout cela n’était physique. Le nuage se rétrécit un instant, comme pour reprendre sa respiration, puis éclata dans toute la pièce. Un cri de souffrance éclata dans les cerveaux des deux personnes encore debout, tandis que l’inconscience d’Elaron le sauva d’une mort certaine.

La panique entra dans les cœurs des deux mercenaires, et il devenait maintenant clair qu’ils allaient probablement y rester. Ikit sentit son cœur s’arrêter, et il faillit tomber inconscient, mais son instinct de survie le sauva alors que le zombie s’approcha de lui, toujours ralenti par les vers dévorants. Il reprit ses esprits juste à temps, après avoir vu sa vie défiler devant ses yeux. Il lança un sortilège de sanctuaire et la frappe de Sa-zu vint s’abattre sur la protection magique sans le blesser. Un autre tir vint éclater l’épaule du zombie. Les balles, suffisamment larges que pour écraser les membres en plus de percer la peau, causaient d’incroyables dégâts. Virgile visait tout en touchant les artères, les tendons retenant les muscles qui frappaient, qui maintenaient le corps en place. Jamais il n’avait été aussi meurtrier et pourtant, la créature tenait toujours debout. Il se planqua derrière une colonne pour recharger. Un second cri de désespoir pourrait avoir raison de lui et il décida qu’il ne serait pas plus utile à Ikit s’il se faisait mettre hors de combat. S’il restait vivant, il pourrait peut-être les sauver… mais pour cela il fallait qu’il soit encore meilleur que ce qu’il n’avait jamais été, il fallait qu’il soit parfait. L’ysoki profita du coup que Sa-zu venait de prendre pour s’éloigner de quelques pas et lança un sortilège de soin au corps inerte de son compagnon. Ce faisant, il pria qu’il soit encore en vie et que cette action ne soit pas inutile. La lumière verte et jaune qui entra dans les membres de son collègue anima lentement un bras, puis un autre, et la seconde d’après, Elaron était debout. L’espoir revint dans les yeux du barde et du sniper. Le pistolier vagabond ramassa ses armes et vit l’imminence de la mort. Ikit était tellement déformé par la souffrance, il avait l’impression qu’il avait été torturé, laissé sans nourriture pendant une semaine, et ses yeux exorbités exprimaient une frayeur sans nom. C’est alors qu’il fut tiré hors de sa torpeur par un bruit de fusil qui claqua à ses oreilles. Cela le ramena à la réalité et il fit ce qui lui semblait nécessaire.

« Ce soir je rentre définitivement dans la légende, d’une manière ou d’une autre. »

Le zombie s’approcha de lui et d’une pirouette, il évita la première attaque, utilisant l’inertie du zombie pour frapper avec violence Sa-zu. N’ayant plus de munition dans son pistolet, il sortit rapidement un autre de sa ceinture et vida le chargeur dans la tête du mort-vivant. Le visage était à moitié détruit, et pourtant une magie le maintenait encore en vie. Il frappa une dernière fois, s’acharnant, mais il avait sous-estimé sa force, croyant qu’un coup de plus serait suffisant pour terminer le monstre et lui couper la tête. Le tourmenté profita de l’obstination du pistolier pour le faucher d’un coup de griffe, puis se jeta sur le corps au sol. Virgile manquait de seconde. Un tir de plus, placé pour exploser l’omoplate du mort-vivant, aurait pu tuer le monstre, mais cela ne l’arrêta cependant pas et un bruit horrible de mâchoire, de chair broyée et d’explosion de sang se fit entendre.

Ikit prit ses jambes à son cou, car il savait qu’il ne pouvait plus rien pour Elaron. Sa musique s’était éteinte, et il sut que son heure arriverait dans les secondes à venir, car plus rien n’était capable d’arrêter cette abomination. Une magie trop puissante l’animait, un mal trop grand s’était emparé d’elle, et ils allaient en payer le prix… à moins que… rechargeant en marchant, Virgile sortit de son couvert pour ajuster son tir. L’Artisan n’avait jamais abandonné un travail non fini, et il avait encore des munitions à sa ceinture. Tant que son arme ne s’enraillerait pas, il était déterminé à tenter sa chance. Une balle vola et vint éclater un muscle de la cuisse. Le zombie se releva. *Clac*. *Clic*. Le mort-vivant se rua sur l’homme-rat, déterminer à le dévorer comme tous les autres avant eux. L’ysoki ferma les yeux, prêt à accepter son destin. La détonation résonna dans la pièce, le forçant à ouvrir les yeux de surprise, et put voir la balle traverser le cou du tourmenté, sectionnant ce qui restait de peau et de chair. Le reste du corps termina sa course quelques mètres plus loin, trébuchant sur ses propres jambes. Le calme revint alors dans la salle. Un calme que l’Artisan ne connaissait que trop bien. Par acquis de conscience, car c’était un homme de méthode, il alla près du corps immobile et plaça ses doigts sur la gorge pour tâter son pouls. Jamais il n’avait été aussi fort, aussi rapide et puissant, et pourtant… cela n’avait pas suffit. S’il savait comment faire, il aurait sûrement versé une larme, mais personne ne lui avait jamais appris…

Il venait de perdre son compagnon de travail, de guindaille, mais surtout, il s’en souviendrait comme celui qui avait chevauché une tornade, dompté un serpent des mers, affronté un démon grand comme une montagne, mais surtout… un ami du chemin de campanule.

Le silence de recueillement fut interrompu par le bruit de pas dans le couloir...

Date du Rapport
07 Apr 2024
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