Session XLIV : Les sentiers secrets
General Summary
Baltazar souhaita la bonne nuit à ses compagnons et décida d’aller rejoindre Vidar qui se remettait de ses blessures sous la tente, tandis que Marduk et Drark se jetèrent un regard.
« On va boire un coup ? J’ai pas encore sommeil. » fit le gobelin.
Le champion répondit d’un geste de la tête et ils s’en furent, errant dans le camp à la recherche de compagnons de boisson. Ils trouvèrent rapidement leur bonheur car nombreux étaient les soldats qui veillaient tard, soit assignés à un poste soit pour profiter encore un peu de leur mission en dehors des remparts de la ville, à dormir avec la voûte étoilée comme seul toit.
« Mille excuses, chevaliers, mais pourrions-nous nous joindre à vous et partager un verre ? Mon ami et moi-même sommes curieux des boissons de votre pays. »
« On a un baril de Pisse de Dragon d’ouvert, si cela vous tente. C’est une bière blonde légère avec un peu d’amertume qui revient dans la bouche après quelques secondes. Facile à boire, idéal pour des soirées fortement arrosée... » conclut le garde avec un petit sourire entendu envers les deux amis.
« Il nous fallait justement une bière de soif, c’est parfait ! » répliqua Drark.
Et ils s’assirent autour du feu, discutèrent en buvant des coups, papotant de la vie dans les montagnes, des dernières nouvelles de Glenwyrm. Ils en apprirent davantage sur les différentes branches des Chevaliers Infernaux. Il s’agit en fait d’une grande organisation destinée à protéger la civilisation du Chaos et de la destruction afin de permettre aux humanoïdes de prospérer et de faciliter leur progrès. Il existe en fait plus de sept Ordres qui s’attellent à des tâches bien spécifiques, tout en respectant deux éléments essentiels : la Mesure - l’impressionnante série de lois et de restrictions de l’ordre – et la Chaîne, une philosophie centrée trois principales vertus. Ordre, discipline, et implacabilité. Ils expliquèrent les différents branches principales des Chevaliers Infernaux.
L’Ordre de la Pointe se consacre à l’éradication des menaces qui rôdent dans les vastes étendues sauvages menaçant d’étouffer la société civilisée.
L’Ordre des Chaînes sont des chasseurs de prime et des geôliers.
L’Ordre du Bûcher se préoccupe de l’éradication des religions dangereuses, des perspectives séduisantes et des sciences révolutionnaires qui perturbent le statu quo de la société.
L’Ordre du Chevalet se veut l’ennemi de toute pensée décadente, des désirs égoïstes et de la frivolité inutile.
L’Ordre du Fléau se consacre à l’éradication des individus et des influences corrompues au sein des gouvernements et autres groupes de pouvoir.
L’Ordre du Portail est la seul ordre dans lequel les lanceurs de sorts, aussi appelés signifers, sont plus nombreux que les chevaliers classiques.
Et enfin, l’Ordre du Dieu Griffu est le seul ordre qui se dédie à combiner leur foi avec les préceptes des chevaliers infernaux.
Ils prirent également le temps de questionner les soldats sur l’Ordre des Dragonniers. Cet ordre fut constitué par un elfe, mais en réalité, les nains étaient également intimement impliqués dans la création de cet ordre, car le second dragonnier à existé était l’un d’eux. Cela surpris les deux compagnons car ils n’avaient jamais imaginé les nains à dos de dragon. Ils étaient la pointe de lance de Glenwyrm, et l’Ordre le plus puissant politiquement, tant à Glenwyrm que dans toute la Marche de Pierre. Leur influence s’étendait jusqu’aux cités voisines et ils étaient la fierté et le fleuron de la cité nommée d’après ses origines draconiques. Cependant, Elswyn, un elfe belliqueux et malveillant devint le maître des Dragonniers, et abusa de son pouvoir, maintenant corrompu. Il brûla plusieurs village et complota contre les dirigeants de la ville, et une guerre s’engagea entre les deux nations. Ils usèrent de la puissance de feu des nains pour abattre les créatures reptiliennes et réduisirent l’Ordre en cendres.
« Il s’agit d’un bien triste mythe. » conclut Marduk.
« Un mythe vous dites ? Cela ne fait qu’un peu plus de cent cinquante ans que cette histoire s’est déroulée. »
« Cela veut dire que les grands-parents de mes grands-parents n’étaient pas encore nés... » répliqua Drark.
« Mais dans cette cité, cela signifie que la majeure partie de la population a vécu personnellement cette histoire ! Les elfes peuvent vivre des millénaires et les nains de nombreux siècles ! Ils sont presque tous contemporains de ces évènements. » l’humain répondit, en pointant du doigt ses compagnons nains autour du feu qui acquiescèrent avec un air grave.
Les deux aventuriers prirent quelques secondes pour digérer cette information. Ils n’avaient jamais imaginé à quel point l’espérance de vie pouvaient complètement changer la perspective sur l’Histoire, et que des histoires pouvant dater de plusieurs siècles ou millénaires pouvaient être un épisode de la vie des personnes qu’ils croisaient sur leur route.
« Eh bien, je lève mon verre à ceux qui ont vécu cette déplorable aventure. À leur apogée, l’Ordre des Dragonniers semblait être un idéal à atteindre. » conclut le disciple de Sarenrae.
« Nous avons entendu parler de l’Auberge des Parias. Pouvez-vous nous en dire plus ? »
« Il s’agit d’une taverne dans la Voie des Nuages, un lieu où toutes les personnes n’étant pas la bienvenues dans la ville peuvent être accueillies comme il se doit, sans préjugés ou jugement. C’est également l’endroit où les personnes ne souhaitant pas s’intégrer dans la ville vont. Tout le monde n’adhère pas à notre façon de vivre, à nos lois strictes. Cette taverne fut le refuge de nombreux elfes suite à la Trahison d’Elswyn. On pouvait y voir des tentes sur le parvis du bâtiment car il n’y avait plus assez de place dans la taverne. Puis, finalement, les choses se sont tassées et ils furent petit à petit réintégrés à la société. »
Les deux compagnons conclurent que cela permettrait probablement à Tim de réaliser ses affaires sans être sous le regard inquisiteur des chevaliers infernaux. Pas un mauvais choix de taverne.
Ils burent encore quelques, puis prirent congé de leurs nouveaux copains. Il commençait à faire tard et décidèrent donc de rentrer pour dormir.
Lorsqu’ils arrivèrent aux tentes, il léger malaise les traversa. Ils inspectèrent les environs et comprirent ce qui n’allait pas : les montures avaient disparues. Après un coup d’oeil rapide leur indiquant que quelqu’un était simplement venu détacher leurs animaux pour les emmener vers le nord-est du camp, ils demandèrent à des gardes non loin s’ils avaient vu des personnes s’en aller avec leurs montures.
Un elfe et un humain se trouvaient autour d’un feu à une dizaine de mètre. L’elfe leur dit qu’il avait vu deux silhouettes, l’une de près de deux mètres avec une balafre sur la joue, et l’une plus petite, d’un mètre soixante maximum, passer et prendre leurs chevaux. Il s’excusa en expliquant qu’il ne se doutait pas qu’il ne s’agissait pas des propriétaires.
« Ah ! Cela me fait penser aux frères Godiot ! Vous connaissez la légende ? Il s’agirait de deux personnes truands qui sévissent dans la région, des malades qui surgissent dans la nuit pour tuer sans raison, dépouiller des innocents, semer la mort et le désespoir derrière eux. On ne sait pas exactement d’où ils viennent, mais il s’agit apparemment de malades. »
« Et vous avez l’impression que c’était eux ? » demanda Marduk, un peu consterné.
« Euh… non, je ne crois pas. Je vous raconte juste cela parce que la description me faisait penser à cette histoire. Je ne vois pas ce qu’ils auraient pu faire venir ici. Et puis, il s’agit d’une légende, bien qu’on leur attribue de nombreux méfaits dans la région, plus d’une centaine de morts sur ces dernières années en fait. »
« Bon, merci pour ces informations, bonne soirée messieurs. » conclut Drark. Et ils suivirent la piste qui les menait hors du camp.
Assez rapidement, ils arrivèrent sur un sentier de terre qui menait vers les montagnes, ce qui rendit la marche plus aisée, mais le pistage plus complexe. Après quelques centaines de mètres, ils arrivèrent à un croisement, et Marduk, certain de son flair, indiqua la direction de gauche. Ils remontèrent vers une zone un peu plus boisée, et pénétrèrent dans des buissons et arbres de petites tailles, car la piste passait au travers pour mener à une étang situé sur un petit plateau. Les étoiles brillaient dans la nuit, mais l’humain ne sachant pas distinguer suffisamment loin, alluma une torche pour y voir plus clair. La lueur de sa torche se refléta sur la surface de l’eau noire, pratiquement opaque dans cette nuit sans lune. Une sorte de chemin, constitué de grosses pierres permettait le passage au centre de l’étang, mais les deux aventuriers sentaient qu’il ne s’agissait pas d’une voie plus sécurisée, ni pratique et contournèrent le point d’eau prudemment. Drark conduisit son compagnon dans le noir, car il avait vu, de l’autre côté du plan d’eau, une sorte de petite butte pouvant potentiellement abriter une hutte. Une pensée maussade lui traversa l’esprit en repensant aux petits êtres de l’eau qui avaient tenté de l’enlever sur le fleuve Sav. Il surmonta son appréhension et s’approcha du monticule pour découvrir en effet une petite porte qui ressemblait à l’entrée d’une mine. Ils échangèrent un regard entendu : ils étaient curieux, et voulaient savoir ce que cachait ce genre de bâtisse. La porte étant fermée, Marduk décida de l’enfoncer d’un coup d’épaule. Le bois se brisa assez rapidement, et ils purent entrevoir le début d’un tunnel bas de plafond. Un humain pourrait passer, mais il devrait impérativement se baisser, voire s’accroupir pour passer.
Pendant qu’ils étaient occupés à discuter sur la possibilité de s’engager dans ce tunnel, ils sentirent un vent froid dans leur cou, et la second d’après une griffe s’abattit sur le champion. Avec un réflexe surhumain, le champion bloqua l’attaque venant de son dos.
Devant eux une figure grave, silencieuse et inquiétante se dressait. À l’apparence d’un vieil homme maussade et furieux, un spectre aux lueurs bleues dans sa longue robe traînante sortait progressivement du petit lac pour venir assouvir sa vengeance. Drark avait déjà entendu parler de ces esprits, les llormas. Ils apparaissaient suite à des tragédies concernant des noyades. Le vieil homme avait peut-être, de son vivant, été noyé dans ce point d’eau, ou peut-être avait-il noyé quelqu’un et le regret avait rongé son âme après sa mort ? Il ne pouvait pas deviner ce qui s’était passé en ces lieux, mais ce qui était sûr, c’est que la colère et le désespoir le rongeait au point d’attaquer aveuglément toute personne dérangeant la quiétude de cet endroit.
D’un geste réflexe, il sortit un de ses réactifs et le concocta une bombe fantomatique et l’envoya s’écraser sur le llorma qui cria de douleur. Le champion, sachant que les esprits étaient vulnérables à l’énergie vitale, fit une imposition des mains sur le spectre rugissant tout en parant deux autres attaques. L’esprit comprit vite qu’il ne parviendrait pas à bout de l’humain en armure lourde et se jeta alors sur le gobelin. Ses longues griffes tranchèrent à deux reprise la peau de Drark, qui n’eut pas le temps de battre en retraite, mais Marduk s’interposa et fit appel à la lumière de Sarenrae forçant le fantôme ébloui à frapper à l’aveuglette. Drark, sortit deux autres bombes de son sac et les fit exploser dans la face de son assaillant et décida de battre en retraite. Il avertit son compagnon et s’engagea dans les profondeurs du petit tunnel. Marduk, repoussa le spectre d’un coup de bouclier, puis s’enfonça à la suite du gobelin, laissant sa torche derrière lui, car il l’avait lâchée pour réaliser son imposition des mains sur le llorma.
Quelques secondes plus tard, ils se retrouvèrent dans les ténèbres de la cavité, enveloppé par le silence, seulement perturbé par leurs respirations bruyante. Ils purent remarquer qu’ils avaient eu plus de peur que de mal, et que le spectre ne les avait pas suivit. Ils commençaient à en savoir quelque peu sur ces âmes perdues, et savaient qu’elles étaient souvent liées à un lieu qu’elles ne pouvaient quitter sans bonne raison.
Drark prêta sa torche à son compagnon et ils s’enfoncèrent dans ce tunnel qui pénétrait les profondeurs de la montagne. Après quelques minutes, ils arrivèrent à un croisement où le chemin se séparait en deux. Ils prirent celui de droite, sans raison vraiment spécifique, et cela les mena à une petite cavité, une caverne qui semblait servir de cache de passage, car du matériel de voyage rudimentaire était entreposé là, ainsi que de la nourriture séchée. Le gobelin se servit d’une poignée de fruits secs et d’un morceau de porc salé. Marduk, doutant qu’il s’agissait juste d’une cache au fond d’un tunnel, décida d’inspecter les lieux avec davantage d’attention. En tâtant les murs, il trouva un endroit où la terre était plus meuble, et il put passer son bras au travers sans encombre. Il dégagea le passage et passa sa tête dans l’ouverture. Ils étaient de l’autre côté de la montagne, et ils n’étaient pas seul.
Un halfelin sursauta quand la tête sortit du trou.
« Qui êtes-vous, et que faites-vous là ? » s’écria l’étranger en sortant une épée courte, se tenant sur ses gardes, les sourcils froncés.
« Je pourrais vous retourner la question, mais je vais répondre d’abord. Nous sommes à le cherche de nos montures qui viennent d’être volées, vous ne les auriez pas vues par hasard ? » répondit Marduk avec le ton le plus diplomate possible car il sentait que l’halfelin était à cran.
« Vous cherchez vos montures… dans les tunnels ? »
« Hum… en effet, nous nous sommes un peu égarés en cours de route, mais c’est à cause de cela que nous sommes dans la nature en ce moment. Nous avons traversé ce tunnel pour échapper à un spectre. Mais il est évident qu’elles n’auraient pas pu passer par là. »
« Et moi je suis venu chercher un remède pour mes compagnons, plusieurs d’entre eux sont tombés malades et ils ont besoin d’aide rapidement ! Je ne sais pas quel mal les ronge mais ils se tordent de douleur comme s’ils allaient y passer ! »
Drark et Marduk jugèrent que l’halfelin ne mentait pas, ses expressions du visage étant suffisamment convaincantes et difficiles à imiter. Mais ils sentaient qu’il ne disait pas toute la vérité non plus. Pourquoi étaient-ils ici en pleine nuit ? Il n’avait pas révélé l’identité de son groupe et la raison pour laquelle ils se trouvaient dans la montagne, supposée dangereuse, de manière tout à fait inopinée.
« Et savez-vous ce qu’il y a dans le tunnel qu’on peut croiser à l’embranchement plus loin ? Nous sommes passés devant et nous sommes curieux de savoir d’où cela vient. »
« Oh, il ne faut pas aller par là, il y a un énorme trou. C’est plutôt dangereux. »
Silence de la part des aventuriers. Peut-être y avait-il une piste à explorer ? Cela n’était pas certain mais la même idée traversa l’esprit du gobelin et de l’humain.
« Je pense que nous pouvons vous aider, monsieur … ? »
« Eran. Eran Feuillegrise. Je dois me rendre au lac qui se trouve de l’autre côté du tunnel. Des plantes particulières y poussent, des plantes qui pourraient sauver mes amis apparemment. On les appelle les clochettes car au centre de leur grandes pétales blanches, des petites clochettes en sortent et pendent. »
Ils firent le trajet dans le sens inverse, et les deux compagnons eurent une idée. EN parlant de tout et de rien, Drark suggéra au champion d’aller jeter un coup d’oeil dans l’autre travée, celle qui allait se présenter sur leur droite, maintenant qu’ils faisaient le chemin dans l’autre sens. Il parvint à lui glisser le message dans la conversation en utilisant des mots à double sens afin qu’Eran ne puisse pas comprendre. Ils se déplacèrent en file, Eran en tête, puis Drark, et finalement Marduk, afin qu’il puisse s’éclipser au moment opportun en maximisant les chances de passer inaperçu. Et c’est ce qu’il fit.
Il s’engagea discrètement dans le boyau de droite tandis que le gobelin distrayait l’halfelin en discutant de tout et de rien. Il s’avança dans le tunnel qui descendait en pente douce dans les ténèbres. Après quelques minutes, il arriva à ce qu’Eran avait prédit plus tôt : un énorme trou, large d’un peu plus de trois mètres de diamètre. Il se mit alors à chercher pour une autre issue, ne se sentant pas de sauter ici, seul, en armure lourde. Ne voyant pas dans le noir, il ne pouvait distinguer le fond du trou, ni même évaluer la profondeur de celui-ci. Il risquait de se briser les os après une chute de plusieurs dizaines de mètres. En analysant et grattant un peu les murs à la recherche d’indices supplémentaires, il se rendit compte que sur sa droite, le mur n’était pas « plein ». Il était plus meuble et pouvait sentir que quelque chose se trouvait de l’autre côté. Avec l’aide de ses gants de métal, il creusa et constata que quelques centimètres derrière, se trouvait un deuxième tunnel, tu même diamètre que le trou, et qui descendait avec une pente relativement forte, mais praticable pour des humanoïdes sans risque de tomber et glisser sans fin. Il observa avec attention, et entendit des grands grondements dans les profondeurs. Il se put dire s’il s’agissait d’une créature, du tonnerre qui provenait peut-être du ciel, ou simplement ce que les nains appelaient « les plaintes de la montagne ». Quoi qu’il en fut, Marduk décida qu’il était trop imprudent de s’aventurer seul là, et qu’il ferait mieux de retourner avec Drark.
En attendant, l’halfelin et le gobelin étaient arrivés au petit lac, et Eran s’approchait maintenant de la surface de l’eau en indiquant du doigt les petites fleurs blanches surmontées des clochettes qui donnaient leur nom au végétal. Il sortit son couteau et coupa soigneusement les tiges tandis que Drark faisait le guet, jusqu’à ce que le pied de l’halfelin glisse et fasse trempette l’espace d’un instant dans l’eau noire de l’étang. Le gardien du lac ne se fit pas attendre et des griffes surgirent de l’eau trouble, sans créer de vagues supplémentaires. Les longues griffes agrippèrent la jambe de l’halfelin qui se mit à crier de douleur. Drark n’hésita pas une seconde et lança une bombe fantomatique sur le spectre, mais à essayer de trop éviter d’éclabousser son compagnon temporaire, il ne parvint pas à viser un endroit crucial chez le tourmenté qui ne parvint pas à s’extirper de son adversaire. Il arma une seconde bombe qu’il lança sans ménagement pour Eran, et qui vint exploser au visage du llorma. Une grande gerbe de lumière illumina les environs et Drark en profita pour prendre le bras d’Eran et tirer de toutes ses forces. Le spectre, malgré la douleur et l’explosion, avait encore une bonne prise sur la jambe de l’halfelin, qui poussa un cri de douleur tandis que Drark parvenait à l’extirper des griffes de celui-ci. Le spectre replongea dans l’eau, battant en retraite et retournant dans les profondeurs apaisantes de son lac maudit.
Eran criait de douleur, les griffes ayant tracé un sillon sanglant dans sa jambe et son pied, à tel point que l’on pouvait voir l’os de sa jambe sous le flot de liquide pourpre qui jaillissait abondamment de sa blessure. C’est à ce moment que Marduk arriva en courant.
« Vite, il faut le soigner ou il se videra de son sang ! » cria Drark.
Le champion de Sarenrae s’approcha en vitesse en priant intérieurement sa déesse pour recevoir sa bénédiction. Il était à bout de souffle et sentait qu’il avait besoin de l’appui de sa protectrice pour pouvoir sauver le malheureux qui serrait les dents pour ne pas hurler dans la nuit. Marduk sentit alors la magie divine se manifester dans ses mains et il put soigner la jambe meurtrie d’Eran. Une fois qu’ils furent en sécurité, ils raccompagnèrent l’halfelin jusqu’à son groupe car il était trop faible pour marcher seul, et qu’ils étaient de toute façon trop curieux de voir de quel type de groupe il s’agissait.
Après plusieurs dizaines de minutes et un repassage par la planque dans la caverne, ils sortirent de l’autre côté de la montagne, sur le flanc opposé à celui du lac, puis marchèrent encore quelques temps pour rejoindre une forêt de conifères. Là, ils s’approchèrent d’un feu de camp autour duquel sept autres compagnons se trouvaient, constitués de nains et d’halfelins. Ils dégainèrent leurs armes mais Eran les rassura directement. Trois d’entre eux étaient blancs comme la neige et il était visible qu’ils n’auraient pas été capable de se battre. Un des membres de la compagnie réalisa un traitement à partir des clochettes, et Drark en profita pour également leur donner des anti-maladies afin de les aider dans leur rétablissement. En effet, ils prétendaient que ce mal était dû à la contamination de nourriture, probablement de la viande qu’ils avaient mangée. L’alchimiste ne put reconnaître si cela était vraiment le cas, mais dans le doute il prit les mesures nécessaires pour aider les malades.
Suite à cela, le nain du nom de Brulok qui semblait guider le groupe se confia à eux. Ils faisaient partie de la Confrérie des Sentiers Secrets, un groupe s’occupant de tracer et entretenir des chemins cachés dans les montagnes pour voyager en sécurité, et à l’abri des yeux des personnes non désirables. Le tunnel qu’ils venaient d’emprunter faisait partie d’une des routes qu’ils étaient occupé à remettre en état pour un déplacement entre Marchefer et Glenwyrm. Cependant, le nain demanda aux deux aventuriers de garder le secret, car ils ne voulaient pas que ces informations passent dans de mauvaises mains.
« Nous sommes en route pour Glenwyrm actuellement, mais se pourrait-il que, si les choses tournent mal dans cette ville, vous rejoindre à Marchefer ? Avoir un lieu avec des amis comme vous serait un précieux cadeau. » s’avança le champion.
« Vous avez sauvé Eran et probablement nos autres compagnons, vous serez les bienvenus chez nous si vous avez besoin d’un point d’attache. Je vais vous donner les indications pour le chemin le plus court entre Marchefer et Glenwyrm. » répliqua Brulok.
Il s’agissait d’un chemin qui alternait entre sentiers de montagne, tunnels souterrains et chemins dans des zones couvertes, permettant un voyage sûr et à l’abri des regards.
N’ayant pas encore retrouvé leurs chevaux, Drark et Marduk firent leurs adieux au petit groupe et retournèrent sur leurs pas. L’alchimiste en profita pour également cueillir lui-même des clochettes, puis ils retournèrent au premier croisement, là où ils avaient sûrement dû se tromper de direction. Ils sortirent leurs armes, prêts à se battre contre les deux personnes qui leur avaient volé leurs montures, que ce soit les frères Goriot ou n’importe qui d’autre. Le chemin serpenta vers les hauteurs et rapidement ils entrèrent dans une sapinière. À peine entrés, ils entendirent un craquement de branche sur leur droite. Ils tendirent l’oreille et tentèrent de déterminer quelle en était la source. Une elfe sortit alors des sous-bois, avec des cheveux noirs mi-longs, habillée d’une tenue grise claire, élégante et finement cousue, avec des filaments argentés et dorés pour coutures. Elle dégageait une aura de majesté, et son regard perçant, avec des grands yeux gris clair, à tel point que l’on avait l’impression qu’ils étaient fait d’argent, était profond et lumineux tels des étoiles scintillantes. Elle s’approcha d’eux avec délicatesse et prudence.
« Bonsoir étrangers. Je m’appelle Aloryck. Quel dessein vous amène en pleine nuit en ces lieux ? »
Les deux compagnons mirent quelques secondes à répondre, car elle leur laissait une impression presque surnaturelle, puis Marduk répondit :
« Nous cherchons nos montures qui nous furent volées. Vous ne seriez-pas par hasard tombé sur des voleurs de chevaux ? »
« Ah, ils étaient donc à vous. Si, deux personnages étranges ont tenté de me chercher des misères, mais je m’en suis occupé. Vos montures sont un peu plus loin dans les sous-bois, je les ai gardés en sécurité. » répondit-elle.
« Vous vous en êtes occupé ? C’est-à-dire qu’ils sont … ? » continua le gobelin.
« Morts. » ajouta-t-elle avec un ton étrangement calme.
« Excusez-moi, Dame Aloryck, mais vous m’intriguez. Si cela n’est pas indiscret, j’aimerais en savoir un peu plus sur vous. » reprit Marduk après quelques secondes pour bien choisir ses mots. Cette elfe avait quelque chose de captivant, mais il ne savait pas exactement pourquoi. Il essayait de trouver la source de cette étrange aura qui l’enveloppait.
« Ma demeure se trouve dans les hautes montagnes, et je réalise ce que vous pourriez appeler une sorte de pèlerinage. Tous les ans, je me rends à Glenwyrm pour y voir des anciennes connaissances, voir comment la ville se porte. » dit-elle avec un certain détachement.
« Vous avez des amis qui y habitent ? Des elfes ? Les habitants ne seraient-ils pas moins accueillants depuis la chute de l’Ordre des Dragonniers ? » continua le champion.
« En effet. Bien que les tensions commencent à diminuer, elles restent toujours en trame de fond dans l’esprit de certains. C’est pour cela que je ne me rendrai pas à la Citadelle de la Gardienne, lieu que j’appréciais pourtant avant la chute de l’Ordre. » reprit-elle avec un air de regret.
« Je suppose que les elfes doivent avoir leur propre version des faits, non ? » ajouta l’alchimiste.
« Il est certain que cette trahison, claire et machiavélique aux yeux des nains, est davantage vue comme un malentendu ou un complot aux yeux des elfes. Bien qu’il soit dépeint comme un traître dans les livres d’histoire, Elswyn n’était pas une mauvaise personne. Peut-être un peu irréfléchie et impulsive, mais pas mauvaise. C’était un de mes amis. Si vous passez par la Citadelle, je vous recommande d’aller fleurir sa tombe, c’est un des privilèges qui n’est réservé qu’au camp des gagnant de nos jours. » dit-elle avec une pointe de tristesse dans sa voix.
« Si nos chemins nous y mènent, nous y penserons. »
Après un petit moment de silence, Marduk reprit :
« Nous allons devoir reprendre notre route. Je vous remercie pour votre aide, vous avez sauvé nos compagnons. Dimitri et Karma ne supportent pas la mauvaise compagnie et sont habitués à nos marques d’attention avant leur sommeil. Peut-être que nos chemins se recroiseront dans le futur ? »
« Je l’espère, vous me semblez être des personnes honorables, vous qui traitez la vie de vos montures avec autant d’attention. Bonne route, Marduk et Drark. »
Ils allèrent chercher leur monture, et un détail retint leur attention : bien qu’ils virent au sol et sur les troncs des arbres des marques de combats, ils ne purent trouver les corps des deux voleurs de chevaux…
Les aventuriers furent réveillés le lendemain matin, après cette nuit agitée, par les voix des chevaliers infernaux rendant le jugement pris par l’état-major. Quelques portes paroles déclamaient, de manière solennelle et avec force, la sentence choisie pour les prisonniers. Les cinq compagnons s’habillèrent en vitesse et se rendirent aussi vite que possible vers le rassemblement de soldats. Un attroupement important de chevaliers bloquait le champ de vision et ils durent user des épaules pour se frayer un chemin jusqu’au devant de la scène. Avant même qu’ils parviennent aux premiers rangs, ils entendirent un appel du capitaine, puis un deuxième ordre claquant comme un coup de pistolet dans l’air. La seconde d’après, un bruit sourd suivi, finalement, du bruit des têtes tombants au sol. Au loin, des corbeaux croassèrent bruyamment, brisant le silence de mort qui s’était installé pendant ces quelques instants de recueillement. Ce geste, condamné la veille par Marduk, indiquait que la guerre entre les humanoïdes et géants allait être sans pitié.
Une fois arrivés au premier rang, ils purent distinguer le visage résigné de l’état-major. Éléanore avait une flamme dans ses yeux, brûlant d’une colère froide. Ils purent distinguer un regard vers la la capitaine aux cheveux blonds sur sa gauche, marquée par les combats de la veille où elle avait failli y passer. Les aventuriers purent lire sur son visage que la championne du Dieu Griffu avait l’intention de protéger Glenwyrm, mais surtout, sa sœur, la seule personne encore vivante de sa famille. Un géant avait cependant été épargné, mais pas encore relâché. Ils se demandaient ce qu’ils allaient en faire.
La foule se dispersa petit à petit et les chevaliers s’attelèrent à finir les derniers préparatifs au voyage vers la cité. Marduk, quant à lui, avait réfléchi à ce qu’il désirait faire de cette journée.
« J’aimerais vous faire une proposition. Étant seulement à cinq, nous voyagerons beaucoup plus rapidement que l’armée ici présente. Je vous propose que nous passions cette journée à réaliser un rituel important. J’aimerais tenter d’appeler l’aide de Ma Déesse afin qu’elle puisse nous guider dans nos actions pour trouver une porte de sortie pour notre ami Baltazar. Son tatouage commence à prendre de l’ampleur dans son dos et je crains pour lui. Je pense qu’il serait bon d’obtenir des réponses de quelqu’un qui a des connaissances plus poussées sur ce type de maléfices. Je ne suis évidemment pas certain que cela fonctionnera, et il est peu probable que Sarenrae en personne me vienne en aide, mais si un de ses anges est disposé à nous aider, je suis sûr que cela nous évitera des ennuis pour l’avenir. »
Après une légère discussion, il semblait clair qu’ils devraient être en mesure de rejoindre l’armée le lendemain et malgré tout entrer dans la ville en même temps que le reste des soldats. Ils décidèrent donc de s’atteler à la tâche que rédempteur leur confia. Marduk avait acheté de l’encens et des herbes pour l’occasion : certaines plantes, et souvent lorsqu’elles étaient brûlées, avaient la capacité d’amplifier l’état de plénitude mentale, de faciliter l’état de transe permettant la connection avec les êtres des autres plans, ou même de favoriser l’appel des divinités ou créatures planaires. Pendant la première partie de la journée, ils disposèrent les matériaux et ingrédients aux endroits adéquats, sur une petite colline au creux de la vallée, autour de laquelle la rivière tournait, et le champion prit le temps de consacrer les différents éléments qu’il allait utiliser dans le rituel. Il démarra avec des prières silencieuses, sous les yeux curieux de ses compagnons. Après environ une heure de sollicitations silencieuses, faisant appel à ses traditions anciennes du Qadira, Marduk enchaîna avec des doux chants aux sonorités orientales, qui semblaient étrangement appropriés dans ce contexte de montagnes enneigées, et résonnaient à travers la vallée, comme si d’autres prêtres ou anges avaient entendu la complainte et avaient décidé de se joindre à lui.
Puis, il entama la seconde partie du rituel, où il fit ce qu’il put pour créer un lien entre le plan matériel, le monde de Golarion, et le plan astral de l’Élysée, la maison de Sarenrae. Il ajouta de nombreuses herbes et de l’encens aux différents petits bûchers qu’il avait installés autour du cercle béni sur la petite colline. La fumée semblait monter dans les airs au ralenti, comme si la pesanteur l’empêchait de s’envoler, et cela créait une sorte de zone de brume aux senteurs mystiques. La voix du champion s’élevait maintenant davantage dans la vallée, plus grave et solennelle, empreinte d’une foi qui brillait en lui comme un phare au milieu de cette tempête de fumerolle. Une lueur dorée commençait à apparaître dans ce paysage d’exaltation. Les gestes fluides et concentriques de Marduk faisaient bouger l’air qui traçait des dessins avec les languettes de fumées dans les airs. Ses compagnons commençaient à voir des symboles divins dans les airs, et ils crurent sentir une sorte de crépitement dans l’air, comme de l’électricité statique, comme si le gazeux de l’air devenait progressivement solide, comme si en serrant leur main autour de ces traînées de fumées, ils allaient pouvoir en tirer une corde faite de cendre.
Mais soudainement il y eut une sorte de crissement. Pas réellement un son audible, mais comme si la toile que Marduk était occupé à tisser venait de se briser quelque part, comme si un des fils avait lâché, et que cette tapisserie s’effilochait petit à petit. Sans se déconcentrer, le rédempteur tenta de réparer la brisure, mais ses efforts furent vains. Pendant de nombreuses minutes, les aventuriers spectateurs regardèrent le champion se démener pour réparer ce qui venait d’être brisé, mais rien n’y fit. Il perdit petit à petit le lien qui l’unissait avec le plan supérieur, et au bout de plus d’une heure d’efforts, le front en sueur, il dût se rendre à l’évidence que cela ne servait plus à rien. La physique des lieux revint à la normale et la fumée s’envola, balayée par le vent froid provenant des glaciers plus haut dans les montagnes. Après une minute de silence, Marduk prit la parole :
« Peut-être n’’ont-ils pas encore la réponse ? Peut-être n’était-ce pas encore le moment ? »
Ses compagnons acquiescèrent en silence.
« Tout n’est pas encore perdu, si cela est nécessaire, je recommencerai. Mais là, j’ai besoin de repos. »
Et ils finirent la journée autour d’un feu, mangeant et buvant, en mettant de côté cette opportunité manquée, car c’était peut-être le destin. Ils n’en sauraient jamais rien.
Date du Rapport
15 Sep 2024
Related Characters
Commentaires