Session LXVIII : Le Portail Abyssal
General Summary
Des gouttes tombaient de manière sporadique sur les armures des chevaliers infernaux sur la route du portail. Cette pluie ne faisait pas partie de celles qui glacent, ni de celles qui rafraîchissent, mais il s’agissait d’une pluie acide, qui tombaient sur la peau sans vraiment donner cette impression de mouiller, mais de rester comme des gouttes qu’il vaudrait mieux cacher d’un geste de la main, sous peine d’avoir des marques, comme un parasites qu’on s’empresse de chasser mais qui revient continuellement.
Cela faisait déjà plus de six heures que la légion marchait vers le nord-est. Suite à la réunion d’état-major effectuée avec Éléanore, Erdalon, les autres officiers ainsi qu’avec les aventuriers, les soldats avaient pris la route du portail afin de tenter d’aller le refermer. Ils ne savaient pas exactement à quoi s’attendre, mais il leur semblait clair que cela n’allait pas être une tâche aisée. La zone risquait d’être infestée de démons, et des protections étaient sûrement mises en place pour empêcher les intrus d’y arriver.
Plus ils s’enfonçaient dans le nord, plus la forêt semblait corrompue, putride. À mesure qu’ils progressaient vers le portail, ;es arbres perdaient de plus en plus leurs feuilles, les sapins leurs épines, le sol semblait de plus en plus aride. Les troncs des arbres se faisaient de moins en moins haut, avec les têtes de plus en plus frappées par un mal étrange, comme si une vague de chaleur avait doucement brûlé la végétation. Les arbres, d’abord haut d’une dizaine de mètres, n’étaient maintenant pas plus hauts que deux à trois mètres, et cela risquait encore de diminuer.
« Je pense qu’on se rapproche du but. Je vais partir en éclaireur. » annonça Baltazar.
« Je peux t’accompagner, j’ai de quoi nous aider à fuir en cas de pépin. » répondit le cinétiste.
Les aventuriers s’accordèrent pour le reste de l’équipe : Marduk resterait avec l’avant-garde en cas d’attaque surprise, et Drark resterait sur le chariot où le lance-harpon était installé afin de faire pleuvoir l’enfer sur les engeances démoniaques qu’ils traquaient.
L’iruxi et l’elfe s’en allèrent, rapides et discrets comme une brise légère. Un brouillard épais s’était installé dans la vallée, et ce dernier semblait s’épaissir plus ils s’enfonçaient vers le fond de celle-ci. Avec précaution, ils tentèrent d’observer la position des créatures qu’ils allaient nécessairement rencontrer un moment ou un autre. Pour ce faire, Maï Xin les fit s’élever au-dessus du brouillard afin de jeter un œil au paysage qui s’offrait à eux. Ils purent voir des ailes dépasser de l’épais brouillard, parfois des cornes ou des gerbes de flammes, mais ce qui les intéressait, c’était l’énorme portail dont les piliers cyclopéens se dessinaient derrière la masse grouillante de démons. Ils partirent alors en reconnaissance afin de voir s’ils pourraient trouver un chemin les menant directement au portail sans devoir passer ce qu’ils estimaient être, près d’un millier de démons.
Après quelques moments de recherche, ils trouvèrent une route escarpée sur les flancs de la montagne, mais qui restaient suffisamment dans la brume que pour fournir un couvert, un voile visuel les maintenant invisibles aux yeux des fiélons.
L’elfe et l’iruxi vinrent faire leur rapport à leurs compagnons : la voie était accessible, mais la proximité des démons rendaient la tâche dangereuse. Il leur faudrait être discret s’ils voulaient passer, ou que quelqu’un provoque une diversion. Les idées fusèrent et le dilemme fut de taille. Il fut envisagé que les soldats d’Éléanore soient envoyés pour faciliter la tâche et occuper les démons, mais il semblait clair que vu la différence de nombre, ce ne serait même plus une diversion, mais une boucherie. Mais si les aventuriers ne parvenaient pas à s’infiltrer jusqu’au portail, le plan tomberait complètement à l’eau et le portail resterait ouvert. Finalement, les aventuriers décidèrent qu’ils n’allaient pas risquer les vies des chevaliers d’Iomédae, même si cela leur aurait permis d’avoir avec certitude le champ libre pour arriver au portail. S’ils manquaient leur infiltration, ce serait leur responsabilité et ils en assumeraient les conséquences.
Ils rejoignirent alors Éléanore et Erdalon et exposèrent leur plan : la légion des chevaliers infernaux retournerait à Elehanda, tandis qu’eux s’occuperaient du portail. Il était probable que les démons prendraient en chasse les chevaliers infernaux, et qu’ils risqueraient de se retrouver assiégés dans la cité elfique en ruine, alors Drark leur confia les prototypes de clés qu’il avait fabriqués pour ouvrir le coffre-fort dans la banque-cathédrale d’Abadar.
« Si vous n’avez pas la possibilité de fuir loin de la cité, alors prenez le portail des sorcières. Vous vous retrouverez dans un ancien coffre-fort scellé dans les sous-sols de la banque-cathédrale à Glenwyrm. Un de ces prototypes devrait, je l’espère, vous ouvrir la porte de sortie. Nous essayerons de l’ouvrir à partir de l’autre côté, mais cela va dépendre d’éléments actuellement imprévisibles pour le moment. Nous préviendrons les sorcières de la situation. »
Puis Marduk ajouta :
« Il ne nous reste plus qu’à trouver un moyen de faire sortir les sorcières de là. Mais ce serait un problème pour plus tard. » tandis qu’il pensait à son amie Narliza qu’il ne tenait pas à retrouver morte, pour de vrai cette fois-ci.
Les aventuriers s’avancèrent alors vers le portail, en suivant le sentier sauvage à travers la brume et les troncs calcinés. Avant le départ, Drark et Baltazar expliquèrent à Marduk comment se déplacer le plus silencieusement possible, et lui demandèrent d’imiter leurs gestes avec précision. Le kéleshite n’avait pas l’habitude des missions d’infiltration, car ni ses talents, ni son équipement n’étaient faits pour cela, mais là il tenta de suivre à la perfection les instructions.
Ils s’enfoncèrent dans le brouillard, en se faisant les plus petits possible, alors que le soleil se couchait derrière les montagnes à l’ouest.
« La lumière faible nous aidera peut-être à passer inaperçu. » pensa Drark. Et alors que cette pensée lui traversa l’esprit, il se pris les pieds dans une racine et tomba vers l’avant. De par le chemin escarpé, il vit ce qui allait se passer : il allait tomber dans le fossé à gauche, heurtant au passage des arbres décharnés, et il allait se faire particulièrement mal. Il n’était déjà pas certain de pouvoir bien retenir ses cris, mais la chute n’allait sûrement pas passer inaperçue aux oreilles des démons dans les parages.
Mais c’est alors qu’il sentit un bras le retenir tandis qu’une main se plaquait sur sa bouche. L’énorme iruxi, qui s’était retourné pour voir si tout allait bien, avait pressenti quelque chose et avait pu être au bon endroit au bon moment.
« Fais attention où tu mets les pieds. » chuchota-t-il d’une voix grave. Puis il haussa les sourcils et plongea son regard dans celui du gobelin, qui répondit par un hochement de tête pour montrer qu’il approuvait. Baltazar relâcha l’alchimiste et reprit sa place d’éclaireur.
Drark s’épousseta, secoua la tête pour reprendre ses esprits puis se remit en marche, en étant plus attentif de jamais.
Quelques dizaines de minutes plus tard, ils arrivèrent en vue du portail. Ils virent les deux piliers en contrebas, marqués de runes bleutées qui luisaient d’une éclat malicieux. Entre ces deux piliers, un voile magique s’étendait, se distordant de manière irrégulière, comme l’eau d’un lac ténébreux en mouvement. Les aventuriers se trouvaient quelque peu en hauteur, le sentier les ayant mené légèrement vers les crêtes de la chaîne montagneuse. Du haut de leur cornière, ils observèrent plus attentivement. Ils pouvaient voir la silhouette d’un énorme démon : un shemhazian. Ils n’avaient jamais affronté ce type de créature, mais ils avaient pu discuter avec l’escouade des Corneilles, qui en avait vu un l’œuvre lors de la défense du Fort de Gel-Dalar. Il se trouvait devant un puits sacrificiel, un feu dans un petit cratère, qui dégageait une aura impie, crachant des gerbes de feu à intervalles irréguliers, comme un cœur mort qui tentait de rester en vie malgré tout.
Les aventuriers prirent quelques secondes pour élaborer leur plan : Marduk s’occuperait de désactiver les portails tandis que les autres se débarrasseraient, ou feraient diversion. Vidar, lui, vérifierait qu’ils ne se fassent pas attaquer par derrière si les bruits du combat rameuterait d’autres fiélons. Puis ils se jetèrent dans l’action.
Baltazar se jeta dans la brume et avança invisible, tandis que Marduk attira son attention en courant tout droit vers le pilier de droite. Maï Xin fut cependant le premier à frapper : il créa un champ d’énergie électrique autour de lui, et on put sentir l’orage dans l’air, puis il se rua sur le shemhazian, le frappant tout en tournoyant autour de lui. Alors qu’il tentait d’éviter le coup, une bombe explosa à quelques centimètres de lui. Drark était déjà prêt à en relancer une autre que la lame de l’iruxi vint trouver l’épais cuir du démon au visage animal. Marduk, à quelques pas seulement du démon, se rua vers le pilier, car refermer le portail était sa priorité. La grande queue du shemhazian vint alors le fouetter, et le champion se retrouva le nez dans l’humus corrompu. Il se releva en poussant un juron et continua son avancée inexorable.
Maï Xin eut alors une idée : il n’était peut-être pas nécessaire de tuer le shemhazian, mais il fallait en tout cas l’éloigner de Marduk afin qu’il puisse terminer sa tâche à bien. Il canalisa les vents, créa une tornade magistrale et envoya le démon valser quelques dizaines de mètres plus loin. Le corps s’écrasa avec lourdeur tandis que la créature poussait un grognement de rage.
Marduk fonça alors vers le pilier de droite, posa ses mains sur les runes impies qui luisaient d’une lumière bleue, et entama des incantations dans un langage divin que Sarenrae pouvait comprendre. La rune sembla résister quelques instants, puis la lueur s’estompa comme une flamme qu’on éteint. Le champion eut un petit sourire de victoire, mais très vite effacé par deux éléments qu’il avait vu : de l’autre côté du portail, un second shemhazian assurait la protection des lieux, et il ne semblait pas ravi. Mais surtout, il se rendit compte que des symboles avaient également été gravés sur les piliers de l’autre côté du portail, dans le royaume des Abysses. Ces symboles brillaient de la même lumière mystique et il comprit qu’il allait devoir mettre un pied dans ce plan sordide pour pouvoir aller désactiver complètement la porte.
La bonne nouvelle était qu’il voyait déjà le portail légèrement faiblir, il était donc sur la bonne voie. La mauvaise est qu’il put apercevoir qu’un second shemhazian se trouvait en faction de l’autre côté du portail, et il semblait particulièrement énervé de l’arrivée des intrus. Il se rua alors sur le champion et tenta d’en faire son repas. L’armure épaisse de Marduk le protégea, mais les crocs de la créatures vinrent néanmoins le blesser, perçant ci et là des trous d’où le sang du kéleshite se mit à couler.
Les autres aventuriers coururent dans sa direction pour l’aider à maîtriser cette seconde menace. Drark arma une seconde bombe qu’il fit exploser sur le démon, et Baltazar lança sa lance, qui vint transpercer le bras de la créature pour revenir finalement dans sa main. Mais le premier shemhazian n’avait pas encore abandonné, et il revint à la charge, une fumée sombre sortant de ses narines chaque fois qu’il respirait en fulminant intérieurement. Il fonça sur Maï Xin, qui décida qu’il était plus sage d’affronter une seule menace à la fois, et appela la puissance des vents pour le projeter dans le puits sacrificiel, cette fois-ci. Le démon, sachant pourtant voler, ne parvint pas à aller à l’encontre de la puissante bourrasque qui le plongea dans le puits. De par sa taille gigantesque, il ne put complètement entrer, mais les flammes du cratère le brûlèrent le dos, et le feu magique réagit en conséquence : une grande gerbe de feu jaillit, telle une explosion d’énergie impie qui brûla toutes les personnes à proximité. Drark avait l’habitude des brûlures, mais c’était moins le cas du cinétiste. Quant au voleur, il parvint à esquiver avec agilité la projection brûlante.
Marduk leva son bouclier et traversa le portail. L’idée ne l’enchantait guère, mais il ne voyait pas d’autre solution. Il ne pouvait simplement tendre son bras et désactiver les runes, car les piliers étaient trop épais. Le shemhazian réagit, mais le champion para le coup qui visait ses jambes. Il plaça ses mains sur le lourd pilier noir, ferma les yeux et entama une incantation. La rune s’éteignit comme une flamme que l’on éteint par manque d’oxygène. Lorsqu’il rouvrit les yeux, il put sentir quelque chose dans l’air. Un sentiment de corruption s’éleva, non pas vraiment pas par l’odeur, mais comme si quelqu’un venait de commettre l’irréparable. Il tenta de comprendre d’où cela venait, et son regard se porta au loin, dans les Abysses. Une aile sembla bouger, puis deux, et des yeux rouges s’illuminèrent dans l’obscurité. Le champion eut l’impression de voir la mort en face.
La créature s’envola avec agilité et fonça sur lui, telle un oiseau de proie mu par l’instinct meurtrier. Marduk comprit en un instant ce à quoi il avait affaire. Il s’agissait d’un Vrolikaï, un démon majeur de la mort. Sa taille, plus petite que celle des shemhazian, était révélatrice de ce que toute mort cachait : on ne parvenait pas à l’envisager sérieusement, on la sous-estimait, on pensait qu’elle n’arrivait qu’aux autres. Le vrolikaï fit un bond d’une cinquantaine de mètres et vint frapper le sarenrite, pris entre deux fiélons bien plus grands que lui. La première frappe perça légèrement l’armure de l’humain et il put sentir de la flétrissure s’attaquer à sa chair, sous le harnois qui tentait de le protéger des assaillants.
De l’autre côté du portail, les trois aventuriers s’efforçaient de se débarrasser du démon qui venait de s’extirper du puits. Maï Xin appela la foudre pour le frapper tandis que Baltazar l’attaqua dans le dos, plantant sa lame non loin du cœur de sa cible, et Drark tenta d’empêtrer les shemhazians avec des sacoches immobilisantes. Ils parvinrent à se débarrasser du démon et reportèrent leur attention sur le second shemhazian, car ce dernier s’était maintenant placé dans l’entrebâillement du portail, et tentait de bloquer Marduk dans les Abysses. Marduk leva son bouclier et s’élança vers le deuxième pilier runique, qu’il désactiva sans la moindre hésitation, l’adrénaline prenant le dessus malgré les nombreuses blessures dont il souffrait.
Le vrolikaï déchaîna alors ses attaques sur le champion, faisant tourbillonner ses dagues impies de ses quatre bras et frappant avec brutalité. Le bouclier encaissa une partie de l’attaque, ce qui permit au fidèle de Sarenrae de rester debout, mais il s’en était fallu d’un cheveu. Il usa alors de ses pouvoirs pour se soigner et, sautant entre les jambes du shemhazian, il franchit le portail avant de désactiver la dernière rune, scellant la porte entre Golarion et les Abysses. Le voile flou se referma sur le démon qui se trouvait dans le chemin, et éjecta le shemhazian dans le plan démoniaque.
Le silence retomba dans la vallée. Ils ouvrirent l’oreille afin de savoir si la horde à proximité avaient entendu les affrontements et s’ils allaient arriver d’un moment à l’autre ou non...
Date du Rapport
31 Oct 2025

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