Résumé de session : les Gardiens des Cimes Noires

General Summary

Les portes s’ouvrirent dans un grand fracas et le chambellan squelettique fit une révérence alors que les Seigneurs de l’Effroi gravissaient les marches avec détermination. La perte de sa chair lui permettait de s’incliner plus bas que sa forme vivante n’aurait pu lui permettre de le faire, mais les cinq doigt inflexibles de la main droite d’Alarkéas ne pouvaient le remarquer. Il n’était là que pour servir, et servir était ce qu’il était donc la moindre des choses, rien de plus normal qu’il se coupe en quatre pour eux.

« Bienvenue à vous, mes seigneurs, c’est un honneur pour nous d’accueillir les Ailes de la Nuit en notre humble demeure. Je vous prie de me suivre jusqu’à la salle du Conseil. Maître Alarkéas ne va tarder à vous rejoindre. »

Ils entrèrent dans la pièce qui ne les avait plus accueillis depuis bien une décennie, mais rien n’avait changé. Les toiles d’araignées étaient toujours présentent dans les coins de la pièce, mais la table était resplendissante : une nappe de satin de la meilleure qualité, une vaisselle en argent immaculée et des chandeliers chatoyants. On pouvait presque s’attendre à que les domestiques viennent servir le repas quelques instants plus tard, mais personne au château ne mangeait de viande depuis des années… du moins pas de cette viande-là.

Cinq étaient à présent attablés tout autour de cet autel dédié à la vie maintenant disparue de l’île. En partant de la droite, on pouvait retrouver Sire Gregor, le maréchal squelette des armées d’Alarkéas, puis Shadowclaw, le Chasseur loup-garou, puis en face nous retrouvions de manière ostentatoire Gorgyra l’intriguante vampire, puis Kouching, l’assassin atteint de la fièvre des goules et enfin Boldur, le prêtre vampire de Norgorber.

« Cela faisait longtemps, je me réjouis d’à nouveau chasser à vos côtés. » commença le loup-garou.

« Ne nous réjouissons pas trop rapidement, j’ai crû comprendre que la situation n’était pas rassurante. » enchaîna Gregor.

« Voilà qui m’enchante. » rétorqua Boldur.

Un sourire cruel illuminait son visage sous sa capuche. Ce sourire carnassier fut vite contagieux. Il était vrai qu’une situation désespérée n’était pas si grave, elle requerrait simplement des mesures désespérées, et ça, ils avaient l’habitude de les utiliser.

Une figure encapuchonnée entra alors dans la pièce et demanda : « Le seigneur Alarkéas n’est pas ici? J’ai le rapport des éclaireurs à vous remettre et je n’ai pas vraiment le temps d’attendre davantage. »

En quelques mots, il expliqua les différentes situations critiques qui étaient en cours à ce moment-là :

Non loin de là, la Nécropole du Silence était prise d’assaut par des psychopompes, ces agents de l’au-delà qui avaient pour mission de guider les âmes jusqu’à leur dernier jugement avaient accompagné la croisade afin de pouvoir libérer les exilés du Cimetière afin de les ramener, les conduire jusqu’à la Rivière de Âmes jusqu’à Pharasma. Ils avaient décidé d’installer une bombe d’énergie vitale dans la nécropole et de la faire exploser afin de détruire tous les morts-vivants enterrés là. Si la bombe explosait, tous les soldats potentiels de cet endroits ne se relèveraient plus jamais. Cela serait un coup fort porté à Alarkéas car la moitié de ses légions reposaient dans ce lieu.

De plus, du mouvement avait été remarqué dans le Manoir du Comte Drakein. Il s’agissait d’un seigneur important de la cour du liche, mais on ne savait pas s’il s’était déjà réveillé ou pas. L’hypothèse la plus probable était que non, car il se serait alors manifesté avec moins de discrétion. Cela semblait être plutôt des intrus qui avaient manigancé des pièges ou autres fourberies, car le manoir était silencieux comme une tombe.

Mais surtout le gros du groupe avait pris la direction nord, vers Sterpyon. Il fallait tenter de les rattraper et de les atteindre avant qu’ils ne récupèrent la dépouille de leur paladine. Les légions de la Nuit étaient rapides et connaissaient mieux les lieux que les envahisseurs, cela jouerait peut-être en leur faveur pour rattraper l’avance que les ennemis avaient sur eux.

« Je vous laisse, mes seigneurs, car je n’ai pas le temps de rester davantage. Vous présenterez mes hommages à Maître Alarkéas. ». Et il s’en fut.

Alors que les conseillers du liche discutaient du plan, de la démarche à suivre, le chambellan qui les avait conduit jusque dans la pièce pour ensuite aller chercher le Seigneur Liche, arriva alors brusquement dans la pièce.

« Il ne se réveille plus ! Je crois qu’il est mort ! »

Les Seigneurs de l’Effroi se levèrent de leur chaise d’un bond et demandèrent au domestique de les emmener jusqu’à la chambre d’Alarkéas. Ils suivirent alors le serviteur jusque dans les profondeurs du château, dans une crypte qu’il avait protégé de nombreuses runes et de sortilèges afin d’y être en sécurité, tranquille loin des tracas qui rongeaient le monde des vivants. Ils arrivèrent dans une énorme salle au milieu de laquelle un mausolée se trouvait. Ils entrèrent et s’approchèrent du tombeau dans lequel le liche se reposait. Quelque chose avait l’air d’en effet clocher, la vie avait quitté les lieux, mais également la non-vie. Ils ne parvenaient pas à sentir la présence quasi-électrique du seigneur liche qui le caractérisait. Ils virent enfin le corps d’Alarkéas, dans une position de repos, mais rien n’émanait de sa dépouille. Boldur tenta, après une courte analyse, de le réveiller en faisant appel à ses pouvoirs divins, capable de remettre sur pied n’importe quel mort-vivant d’une imposition des mains, mais rien n’y fit. Il semblait définitivement mort.

Gorgyra envoya ses chauves-souris faire le tour du château, Shadowclaw renifla les environs à la recherche d’une trace étrangère, mais ni l’un ni l’autre ne purent détecter quoi que ce soit de révélateur.

Gorgyra se retourna alors vers le chambellan :

« Que ce secret soit enterré ici, et qu’il le reste. La mort d’Alarkéas ne doit pas être révélée tant que cette invasion n’est pas réglée. Nous allons nous occuper de la sainte croisade, vous, refermez les portes et ne laisser personne savoir que le liche ne se réveille pas. Qui sait, peut-être trouverons-nous une solution ou du moins des réponses à nos questions ? »

« Très bien votre grâce, je scellerai les portes de la crypte. J’attendrai votre retour avec impatience. »

Les Seigneurs de l’Effroi rejoignirent leurs montures et prirent la direction de la Nécropole du silence. Gorgyra envoya ses chauves-souris afin de repérer les lieux, tandis que Sire Gregor ordonna à ses chevaliers d’aller voir ce qui se tramait au Manoir Drakein.

Ils n’eurent pas besoin des petits mammifères volants pour comprendre ce qui se passait : un énorme faisceau lumineux tournoyait dans le ciel. Dès qu’ils eurent mis pied à terre, Kouching s’éclipsa pour aller jeter un coup d’oeil de plus près. Les autres ne le remarquèrent même pas disparaître alors qu’ils étaient occupés à discuter de l’approche idéale. Il revint rapidement et leur annonça :

- Ils ne sont que deux. Ils restent en faction et défendent la bombe d’énergie vitale. Cette arme ressemble à un grand coffre scellé, qu’il va falloir désactiver. Je n’ai jamais vu ce genre de mécanisme, mais cela ne doit pas être bien sorcier. Dit-il en haussant les épaules. Le mort-vivant félide commençait à avoir faim. Depuis qu’il était devenu une goule, il ne pouvait pas trop se passer de viande fraîche pendant trop longtemps. En voyant les psychopompe, il avait été déçu : il s’agissait de deux grands squelettes humanoïdes à têtes d’oiseau, avec de larges ailes de corbeaux. Ils ne semblaient pas fort effrayants, mais il était clair qu’ils n’étaient pas affectés par la bombe et cela risquait de jouer en leur défaveur.

Ils optèrent alors pour une approche tactique : Gregor, Goryra et Boldur viendraient de front, tandis que Shadowclaw et Kouching les prendraient à revers. Restait encore le problème du faisceau lumineux, qui allait forcément gêner leurs déplacements. Ils approchèrent du centre de la nécropole, tout en prenant garde à ne pas entrer dans le rayon de magie vitale grâce aux grandes pierres tombales levées dans le cimetière. Ils savaient que tant qu’ils étaient loin, cela suffirait comme protection, mais ils arrivaient maintenant au seuil critique où chaque déplacement pourrait être dangereux. Le loup-garou et la goule firent le tour et se planquèrent derrière l’entrée d’une crypte, prêts à intervenir.

Il ne serait maintenant plus qu’à les attirer hors du terre à découvert afin de les combattre sans se faire brûler par le faisceau. Kouching prit un os qui traînait par terre et le jeta dans la direction de ses compagnons. Cela attira l’attention d’un psychopompe qui décida d’aller jeter un coup d’oeil. Les autres étaient prêts : dès qu’il fut à portée, Gregor sortit son épée à deux mains et fit tournoyer son arme pour l’abattre ensuite sur le serviteur de Pharasma. L’épée fit un énorme bruit d’os cassé, mais lui-même s’exposa à la lumière vitale de la bombe et sentit que ses os commencèrent à fumer. Il encaissa la douleur avec panache et se concentra sur le combat. Gorgyra usa de sa magie pour briser ses os, le réduisant presque en cendres, et Boldur l’acheva s’un sortilège bien placé. Cela se passa en quelques secondes, et l’autre psychopompe n’eut pas vraiment le temps de réagir. Celui subissant l’assaut n’eut pas non plus l’occasion de battre en retraite. Il n’en restait plus qu’un.

Gorgyra, maintenant à portée de voix tenta une provocation et lança une insulte exquise. Elle était habituée à ce genre joute verbale à la cour du seigneur Alarkéas, mais le squelette à tête de corbeau ne réagit pas. Avec une certaine frustration, sire Gregor rajouta un peu de sel par dessus pour tenter de le faire sortir de ses gonds, mais rien n’y fit. Ils comprirent que le temps était en la faveur du gardien, et que c’était à eux de prendre l’initiative pour désactiver la bombe, car lui n’avait aucun intérêt à sortir de sa zone. C’est à ce moment-là que Shadowclaw entra en action. Il sauta de derrière sa cachette et commença à attaquer son adversaire. Les autres l’oubliaient parfois, mais le loup-garou était vivant. Il n’avait donc rien à craindre du faisceau divin qui balayait le cimetière. À grands coups de griffes, il se mit à entamer les os du psychopompe avec une rage animale. Kouching, non loin, décida de l’aider en jetant des couteaux mais tout en se gardant de trop s’exposer à la magie divine. Le coffre gagnait petit à petit en puissance, il fallait se dépêcher. Le combat ne dura pas longtemps, car Shadowclaw était trop rapide et trop agressif pour que le guide des âmes ne puisse résister à ses assauts. De plus, Kouching, proche des hostilité, lança des couteaux pour aider son partenaire dans le combat. Dès que ce dernier fut mis hors d’état de nuire, le loup-garou se rua sur le coffre pour tenter de le désactiver. Il comprit rapidement qu’il fallait être minimum deux pour l’ouvrir, car quatre poignées devaient être activées et alignées simultanément. Après un instant de concertation, le félide se lança à découvert, sachant qu’il était le plus agile et donc le plus apte à éviter le faisceau destructeur de mort-vivant. Avec une concentration hors pair, de la méthode et un peu de chance, Shadowclaw et Kouching parvinrent à désactiver la bombe divine rapidement, évitant les dégâts de la lumière vitale. Les morts-vivants de la Nécropole reverraient le jour lorsqu’ils seraient appelés, et leurs âmes ne seraient pas envoyées devant Pharasma pour le jugement dernier… du moins pour l’instant.

Ils montèrent à dos de leurs chevaux et prirent la route du domaine des Drakein. En moins d’une heure, ils parvinrent aux abords du manoir. Les chevaliers de Gregor et les éclaireurs d’Alarkéas attendaient là. Ils firent un rapport concis de ce qu’ils avaient observé : ils avaient vu du mouvement à l’intérieur, des lueurs bleutées et des ombres se déplacer. Cependant, cela faisait maintenant un petit temps que tout semblait revenu à la normale, plus une mouche ne volait dans le coin et ils en avaient conclu que le bâtiment était maintenant désert. Gorgyra décida d’envoyer ses chauve-souris vers la cité de Sterpyon, la destination finale de la croisade. Elles pourraient lui apporter des informations précieuses pour la suite.

Concernant le repérage du manoir, Gregor annonça qu’il allait laisser cela à plus discret et prudent que lui. Cela ne faisait pas partie de ses points forts et son armure lourde serait trop bruyante pour ce genre de mission. Shadowclaw et Kouching se proposèrent, ils étaient experts dans ce domaine et avaient l’habitude de grimper des surfaces raides. Ils se répartirent alors l’infiltration comme suit : la goule entrerait par le bas, au rez-de-chaussée, tandis que le loup-garou, sachant parcourir de longue distances en sautant, s’attaquerait au deuxième étage. Ils se rejoindraient au premier étage afin de tout couvrir de la manière la plus efficace. Kouching pénétra par la porte d’entrée, non verrouillée, ce qui attira déjà son attention. Il parcourut les pièces et put remarquer que la demeure n’avait pas été saccagée, mais il pouvait néanmoins distinguer des traces du passage de personnes peu de temps auparavant : des traces de pas dans la poussière, certains objets avaient été déplacés pour pouvoir se mouvoir plus facilement dans les endroits étroits. Les intrus n’étaient pas venus pour piller, et il ne s’agissait certainement pas de personnes vivants ici. Shadowclaw grimpa les murs avec une aisance de prédateur aérien. Il put remarquer une légère lueur au premier étage lors de son ascension, mais il préféra ne pas s’attarder et s’en tenir à la méthode la plus calculatrice : vérifier d’abord que le second étage était sans danger puis seulement revenir sur la source de cette lumière bleuâtre. Une fois au second étage, il arpenta les pièces à la recherche de trace d’ennemis, mais il ne vit rien qui vaille la peine d’être relever.

C’est sur le palier du premier étage que les deux éclaireurs se retrouvèrent. Le loup-garou fit part de sa découverte tandis que le félide expliquait ses observations. D’ailleurs un petit grésillement se faisait entendre dans la direction de la lumière. Ils se dirigèrent à pas feutrés vers la pièce d’où le bruit provenait. Pendant ce temps, le maréchal, l’intrigante et le prêtre commençaient à s’impatienter. Gregor annonça alors :

« J’en ai marre, danger ou pas, j’y vais ! »

Il s’avança vers la porte d’entrée, et bien qu’elle fut entrebâillée, il l’ouvrit d’un grand coup de pied qui la fit voler en éclats. Un petit sourire intérieur de satisfaction illumina son visage alors qu’il pénétrait dans le hall d’entrée.

En entendant, cela, les deux éclaireurs levèrent les yeux au ciel et les appelèrent :

« Au premier étage ! Venez voir ce que l’on a découvert ! ».

Ils les menèrent à une grande chambre, qui ressemblait à celle du comte, voire de la comtesse (si jamais ils avaient des chambres séparées). Les décorations étaient luxueusement ostentatoire, les couvertures de velours rouges du lit à baldaquin étaient opulente, et les chandeliers d’or reflétaient le peu de lumière de la pièce. Cette lumière provenait d’une rune marquée au sol. Le tapis de tissu de haute qualité, brodé d’or, avait été poussé sur le côté et des sortes de bâtons dont émanaient une magie arcanique étaient étendus au sol. Juste en face de cette rune, un personnage était attaché à la cheminée. Kouching le reconnut tout de suite.

« Aldger ! Que fais-tu ici ? ». Il se rua vers son ancien compagnon et tenta de défaire ses liens. Malheureusement, il s’agissait d’une sorte de prison ensorcelée.

« J’ai entendu lorsqu’ils marmonnaient les incantations, je pense qu’ils ont sous-estimé mon ouïe de félin. Ils ont parlé de « triangles infinis », qui seuls seraient capables de désamorcer la rune. Apparemment c’est un sceau qui empêche le maître des lieux de se réveiller... ».

En questionnant encore le félide, ils apprirent qu’il avait été capturé non loin d’ici, occupé à piller les ruines des villages abandonnés de la côte ouest et qu’ils l’avaient alors utilisé pour servir de catalyseur pour la rune. Ils lui avaient annoncé qu’ils reviendraient le délivrer à leur retour. Cependant, il était clair qu’il ne leur faisait pas fort confiance et que sa position était très délicate. Kouching insista alors pour le délivrer, en mémoire de toutes leurs aventures et du fait qu’Aldger ne l’avait pas abandonné lorsqu’il avait été infecté par la fièvre des goules. Des triangles ? Cela devait être possible à réaliser avec les bâtons runiques au sol. Infini ? Cela serait une seconde question à régler plus tard.

Ils firent alors une première tentative et formèrent un maximum de triangle avec les droites au sol. Alors qu’ils manipulaient les objets magiques, ils entendirent Aldger grincer des dents et grimacer de douleur. Son énergie vitale était liée à cette rune et modifier sa structure lui donnait l’impression qu’on bougeait ses organes vitaux. Une fois les bâtons placés sous leur nouvelle forme, ils tentèrent d’ouvrir les menottes du prisonnier, mais rien n’avait changé. Ils réfléchirent davantage et essayèrent de passer la rune en trois dimension, formant davantage de triangles. Alors qu’ils créèrent une nouvelle rune, un cri perçant se fit entendre et on sentit que chaque manipulation serait plus douloureuse pour le félide. La rune reprit ensuite sa forme initiale. Le groupe parvenait à constituer des triangles, mais il manquait encore l’aspect « infini ». Ils se mirent à réfléchir avec plus de concentration. Il devait y avoir un moyen de le libérer, réveiller le comte Drakein, mais ils savaient que réaliser trop de tentative tuerait l’ami de Kouching. Ils cherchèrent alors plus loin, repoussant leur réflexion plus profondément et ouvrant les champs des possibles. Ils observèrent la pièce pour chercher de l’inspiration. C’est à ce moment que Kouching eut une intuition. La chambre richement décorée possédait un grand miroir, dans lequel il ne put voir ni Gorgyra, ni Boldur d’ailleurs. Il eut une idée qu’il partagea aux autres : s’ils trouvaient un deuxième miroir, il serait possible de faire une réflexion infinie. Avec un peu de chance, cela serait permettrait alors de contrecarrer le sortilège. Ils fouillèrent les pièces adjacentes et revinrent rapidement avec un autre miroir. Ils les placèrent de part et d’autre de la rune, afin qu’ils se fassent face. Ils changèrent alors l’alignement des bâtons runiques pour former un triangle, et le reflet de celui-ci se refléta à l’infini dans les miroirs. Les menottes d’Aldger se brisèrent et il tomba à terre, exténué. Kouching alla l’aider à se relever tandis que les autres regardaient la magie de la rune s’effacer petit à petit. Bientôt, la pièce était à nouveau plongée dans le noir, avec pour seul lumière celle de la lune qui perçait dans le couloir. Ils entendirent alors des grognements et des bruits qu’ils reconnaissaient bien : les morts enterrés dans les lieux se relevaient. Ils coururent au balcon, et purent voir que le comte Drakein et toute sa maisonnée, jusqu’ici enterrés dans le magnifique jardin abandonné, émergeaient du sol pour marcher à nouveau.

Sire Gregor alla faire une accolade à son camarade de campagne. Ils avaient déjà combattu ensemble et cela faisait des années qu’ils ne s’étaient pas vus. Ils prirent ensuite quelques minutes pour mettre le comte au parfum de la situation actuelle : ils allaient sans tarder foncer sur Sterpyon pour arrêter le cœur de l’escouade, pour couper la tête pensante des opérations. Le comte proposa alors de les accompagner pour s’occuper du gros des forces adverses, pour le laisser le champs libre lors de leur percée vers l’état-major ennemi. Ils acceptèrent avec joie. Restait maintenant qu’à traverser la forêt de Georwald. Les chauves-souris de Gorgyra, qui revenaient de leur mission de repérage, indiquèrent que de nombreux tirailleurs angéliques se trouvaient en embuscade dans le bois et qu’il faudrait sûrement passer en force.

Shadowclaw se réjouit alors. Il allait pouvoir faire ce qu’il faisait de mieux : la traque. Il donna alors quelques conseils à ses coéquipiers. Pour une battue réussie, il fallait garder la vitesse. Celle-ci permettait d’avoir des impacts puissants, de maintenir la pression et un climat de peur sur ses adversaires, et de constamment pouvoir se repositionner. Le comte leur proposa des montures car dans ses écuries il possédait des chevaux squelettiques, mais également des montures ectoplasmiques, entre le monde éthéré et matériel, permettant de porter des cavaliers tout en évitant certains inconvénients de la matière. Shadowclaw proposa également ses loups noirs. Dans sa meute, d’énormes bêtes surnaturelles chassaient régulièrement avec elle. De la taille de gros sangliers, elles étaient capable de supporter un cavalier tant que ce n’était pas pour réaliser de longues distances, car elles n’avaient pas l’habitude de ce genre d’exercice. Chacun prit alors son type de monture afin de débuter la traque.

Shadowclaw, expert dans le domaine, décida de courir avec sa meute pour chasser ses proies. Gregor prit évidemment une monture squelettique, favorisant les pointes de vitesse à la flexibilité, Kouching prit une monture spectrale, Boldur et Gorgyra se tournèrent vers les loups de par leur affinité de vampire pour eux.

Une fois arrivés à l’orée du bois, ils prirent une grande inspiration (pour ceux qui respiraient), et éperonnèrent leurs montures pour lancer l’assaut. Les Seigneurs de l’Effroi prirent rapidement de la vitesse, et l’odeur des humains se fit sentir dans l’air à mesure qu’ils se rapprochaient du cœur de la forêt. Finalement, un grognement se fit entendre parmi les loups, annonçant l’affrontement imminent. Gregor fut le premier à frapper. Il vit une ombre derrière un arbre et n’hésita pas une seconde : il lança sa monture vers l’avant et fit tournoyer son épée à deux mains. D’un grand coup de taille, il coupa la tête de son adversaire sans ralentir sa monture. Kouching était le second sur la piste. Il repéra un adversaire qui zigzaguait entre les arbres et le poursuivit de manière chirurgicale, profitant de sa monture spectrale pour le traquer avec aisance. Une fois à portée, il lança un couteau qui vint de ficher entre les omoplates. Il ne vit pas le corps s’effondrer comme un sac dans la pénombre car il prenait déjà en chasse une autre proie. Gorgyra, galvanisée par les actions de ses compagnons, se rua à la poursuite des ennemis qui commençaient déjà à fuir, pris de panique suite à la violence de l’escouade. Cependant, elle était gauche sur son loup, ne parvenant pas à se caler sur le rythme inhabituel d’une telle monture, et elle perdit rapidement du terrain face à ses ennemis. Et c’est au moment où elle commençait à complètement les perdre que Boldur vint à la rescousse. Il bondit de sa droite et le loup arracha la gorge du fuyard d’un coup de griffe violent. Il enchaîna avec une seconde victime, plantant son épée courte dans le haut du crâne d’un autre ennemi sur son chemin. Les loups s’enhardir en voyant cela, et Shadowclaw et sa meute rabattirent les derniers adversaires afin d’achever la résistance. Durant les quelques minutes qui suivirent, les forces de guérilla angéliques furent massacrées, les Seigneurs de l’Effroi beaucoup trop implacables que pour laisser la moindre chance de représailles.

Le groupe sortit des Bois Georwald et finirent par apercevoir les remparts de la cité de Sterpyon. Les portes avaient été enfoncées sans trace de résistance, les morts-vivants des lieux encore au repos. Les forces du comte s’occuperaient du gros de la croisade tandis que les lieutenants du seigneur liche s’attaqueraient à l’état major. Pour cela, il se faufilèrent dans les ruelles de la ville, connue d’eux tous, et une fois en ligne de mire, ils établirent un plan d’action. Ils purent constater que les meneurs étaient au nombre de quatre : trois anges et un archon. Une déva monadique, ange gardien de la Rivière des Âmes et vigile du Nirvana, était accompagnée de ses deux gardes du corps, des balisses. Ces anges de la confession étaient armés du feu divin qui enchantaient toutes les armes qu’ils maniaient. Finalement, un Archon Bouclier, guerrier divin armé de la tête aux pieds, haut de trois mètres, s’approchait du corps de la paladine pour le détacher. En seulement quelques secondes, les Seigneurs de l’Effroi décidèrent d’une stratégie qu’ils mirent directement en place : sire Gregor et Gorgyra allaient appâter une partie des anges tandis que Shadowclaw, Boldur et Kouching les prendraient par derrière dans un effet de surprise avantageux.

Le maître d’arme s’avança alors d’un pas assuré sur les pavés de la Grand’Place et brandit « Requiem », son épée avec laquelle il avait décapité tant d’adversaire, et lança un regard de défi aux serviteurs du Bien. Quelques pas derrière lui, Gorgyra se montra en figure de soutien. Elle était prête à déchaîner l’Enfer sur eux. La déva fut cependant plus rapide qu’ils ne l’avaient prévu. Elle fit un bond dans les airs, et de quelques poussées d’ailes agiles et puissantes, elle se retrouva à côté du squelette. Elle leva sa massue qu’elle tenait en main vers le ciel, et parla d’une voix forte et impérieuse. Elle s’adressait non pas directement à eux, mais à leurs âmes, enfermées dans leurs corps maudits comme dans une cage de fer, rouillée avec le temps. Cette voix les implorait de revenir dans le droit chemin et de quitter leur vie funeste de destruction. Cela se traduisit par une déchirure intérieure puissante qui faillit mettre en pièce les deux acolytes. Le maréchal entra alors en action et contre-attaqua, donnant un coup d’estoc puissant, les dents sur son épée faisant des ravages dans la chair de l’ange. Mais ce dernier avait encore de la ressource et était loin d’être hors combat. De l’autre côté, l’escouade se mit en action : Shadowclaw fit un bond vers la balisse la plus proche et la griffa deux fois, lacérant le corps pur angélique de son ennemi. Celui-ci sortit son épée de flammes et riposta, mais fut rapidement pris entre deux feux car Kouching vint se positionner dans son angle mort et vint planter son épée dans le flanc de l’ange. L’autre balisse vint lui porter secours, et c’est à ce moment que Boldur se rapprocha. L’affrontement groupé était parfait pour ses sortilèges : ils allaient bientôt tous sentir l’appel de la tombe, car ses incantions aspiraient l’énergie vitale pour la transférer aux morts-vivants. Dans le groupe, il savait que le loup-garou n’était pas encore mort, mais il se dit que le combat était trop serré que pour pouvoir l’épargner. Au pire, il le relèverait après le combat, afin qu’il rejoigne leur ost de mort-vivant. Une déflagration d’énergie du néant éclata, revigorant Kouching qui était maintenant aux prises avec les deux balisses, et un grognement sauvage de mécontentement se fit entendre de la part de Shadowclaw qui lui lança un regard noir. Boldur fit semblant de ne pas l’avoir remarqué en tourna la tête vers Gregor et Gorgyra pour éviter de croiser le regard du chasseur.

De leur côté, les choses allaient de mal en pis : la déva monadique était plus puissante qu’anticipé. Gregor sentait qu’il allait perdre cet affrontement sans aide supplémentaire et, par réflexe, demanda à la strix de venir lui prêter main forte. Sans vraiment réfléchir à la possibilité de l’aider à distance, grâce à ses sortilèges, elle s’avança instinctivement et chercha une opportunité pour déchirer de ses griffes la gorge de l’ange. Cependant, alors qu’elle n’était plus qu’à quelques pas de la déva, cette dernière usa un de ses sortilèges pour repousser les morts-vivants et l’énergie divine brûla ses deux adversaires. S’en était trop pour la strix et elle tomba au sol, inconsciente. Elle sentait sa vie la quitter pour la seconde fois, mais celle-ci devrait être de manière définitive. Gregor avait pris également la déflagration en pleine face, mais son armure avait endigué les flammes purificatrices de son adversaire.

Boldur, ayant vu la scène, informa le voleur et le chasseur que leurs compagnons étaient en difficulté et qu’il devrait faire quelque chose. Il se rapprocha du squelette et de la vampire au sol, tout lançant un autre sortilège de de vol de vie. Shadowclaw commençait à sentir ses forces s’amenuiser. Gregor, quant à lui, se rua sur Gorgyra et la prit sur son dos. Le prêtre de Norgorber avait encore les ressources pour la remettre sur pied, et malgré sa cruauté et son inflexibilité, il se sentait un peu mal d’avoir poussé l’ensorceleuse à s’être exposée comme cela. Il devait la sauver.

La déva monadique vola alors dans leur direction et vint abattre sa massue sur Boldur, qui prit le coup sur la jambe et il entendit ses os craquer. Le loup-garou et la goule parvinrent à mettre à terre un de leur assaillant au moment où l’archon arrivait à leur hauteur. Le prêtre vampire lança alors un autre sortilège d’énergie du néant, remettant Gorgyra sur pied, soignant tous les morts-vivants dans la zone et arrachant un peu d’âme de chaque être vivant. La strix ne perdit pas une seconde et lança un sortilège à son assaillante, mais qui fut contré par les esprits divins qui la protégeaient. Elle se retrancha alors derrière Gregor, son nouveau garde du corps attitré.

Le combat s’accéléra à partir de ce moment-là. Kouching continua de danser parmi les adversaires, plantant des poignards dans les organes vitaux de ceux-ci, profitant des mouvements de Shadowclaw pour masquer ses attaques. Le loup-garou fit tomber à plusieurs reprises la balisse, puis la déva monadique, sur laquelle tout le monde tomba dès qu’elle perdit l’équilibre. Gregor, au bord de la mort-mort, frappa avec férocité tandis qu’il était aidé par les sortilèges de Boldur pour tenir encore debout. Finalement, Gorgyra reprit un peu ses esprit et lança un éclair noir sur la balisse encore en vie qui s’effondra au sol, complètement vidée de sa vitalité. Bientôt, il ne restât plus que l’archon et la gardienne de la Rivière des Âmes. Ils se battaient dos à dos, et malgré les lourds dégâts qu’ils avaient pu infliger, le combat semblait doucement tourner en leur défaveur. Combinant leurs forces magiques, Boldur et Gorgyra affaiblirent les défenses de l’ange, et d’un coup puissant, Gregor finit par lui trancher la tête.

Un air résolu se fit voir sur le visage sombre de l’archon-bouclier. Ce ne serait pas aujourd’hui qu’il remporterait cette bataille, mais s’il pouvait finir l’un d’eux, ce serait toujours une petite victoire. Il se mit en garde, ajusta sa frappe, puis bondit sur le loup-garou. Ce dernier, bien trop agile que pour ne pas avoir anticipé l’attaque, fit mine d’être pris par surprise, puis esquiva au dernier moment, toute en enfonçant ses mâchoires bien profondément dans le cou de l’être du Paradis. Le sang s’écoulait abondamment de la gorge du guerrier, et après quelques secondes, il s’effondra au sol.

Les Seigneurs de l’Effroi avaient sécurisé l’île de Sombrepic. Ils ne savaient cependant toujours pas ce qu’il était arrivé au seigneur liche, et peut-être ne le sauraient-ils jamais, mais est-ce que cela les dérangeait vraiment ? Il semblerait que pour le bas monde de cette île, peu de choses changeraient, mais pour les lieutenants d’Alarkéas, c’était peut-être le début d’un nouvel avenir...

Date du Rapport
23 Feb 2024
Lieu principal

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