La traversée de Narliza
Un bourdonnement aigu dans les oreilles, des cris retentissent encore dans le lointain, comme des échos d'âmes en peine perdues, et en contraste, un grondement grave qui monte à chaque battement de cœur. Ton cœur. Tu n'es pas encore passée dans l'au-delà. Tu sens une sensation chaude contre ta joue, mais ton corps est froid comme la glace.
Puis soudainement, un pendule d'horloge retentit. Il ne te sort pas de ta torpeur, mais il réveille ton âme. Il n'est pas encore temps. Tu entends cette voix résonner en toi et te demande si tu ne l'as pas imaginée. Un deuxième "Dong" vient éclater tes tympans. Tu entends alors le vent souffler, les flammes crépiter non loin de toi, un silence de mort, seulement interrompu par des miaulement, et bientôt des pas dans la poussière. Un troisième coup sonne et fracasse tes paupières. Le jour te revient enfin, il est juste là alors que tu passais ta vie dans la nuit. Avant de se brouiller à nouveau, tu aperçois à quelques centimètres de toi un chat tout noir, avec de grands yeux jaunes étincelants. En arrière plan, des bottes qui se dirigent vers toi, prudemment. Avant de reperdre connaissance, tu as l'impression d'entendre une voix : "Elle sonne toujours trois fois". Et cela te fait penser à l'histoire entendue tellement de fois dans ta jeunesse qui répète la phrase : "Le dragon souffle toujours trois fois"...
Le second réveil fut moins douloureux que le premier. La lumière te piqua toujours autant les yeux. Des personnes habillées de jaune et de blanc s'occupaient de toi comme d'une nouvelle-née. On ne voyait presque plus les marques laissées par les fouets des keleshites. Mais elles étaient bien là. légèrement gravées dans ta peau, peut-être à vie. Pendant quelques jours, tu repris goût aux choses simples de la vie : avoir un toit pour t'abriter, de la nourriture et du calme. Ce n'est qu'après quelques jours que ton cerveau se remit en marche. C'est donc avec surprise que tu te rendis compte que ce chat noir te suivais partout, et de manière si naturelle, comme s'il s'agissait du tien. Compagnon depuis toujours. Il agissait comme s'il devinait tes intentions et se déplaçait comme s'il était une extension des tes membres. Et pourtant... aucun souvenir de lui avant le camp. D'abord, tu le pris comme un nouveau compagnon de voyage, qui s'était pris d'affection pour toi durant ta convalescence, mais à y réfléchir, cela n'avait pas de sens. Chaque fois que tu lui posais une question, il te regardait, clignait des yeux lentement, et cela t'aidait dans tes réflexions. "Que dois-je faire maintenant ? Je n'ai nulle part où aller, personne sur qui compter ? Oui tu as raison, bien que je ne connaisse pas ma mère, je sais d'où elle vient." De longs moments de dialogues se finissaient par toi, discutant avec toi-même, finissant par être d'accord avec ce que le chat te suggérait par son regard d'améthyste jaune. Tu repartais à zéro, vers une nouvelle destination, la Redana. Pas tout à fait à zéro, car tu avais gagné un complice aux poids noirs dans l'affaire. De plus, ce Marduk semblait également digne de confiance et bienveillant. Il partait également pour la Redana car il avait des affaires personnelles à régler, à croire que c'était le destin qui vous avait réunis. À cette pensée, tu réentendit le pendule de l'horloge résonner dans tes tripes.
Avec les économies de Marduk et de l'aide des prêtres du temple de Sarenrae, vous aviez juste assez pour payer le voyage en bateau jusque là Redana. Cette contrée que tu ne connaissais pas, mais avais hâte d'en savoir plus sur cette terre de légendes. tu avais déjà entendu parler de fées, de dragons, de pégases, de géants et sombres histoires de morts-vivants, mais tu te doutais que les récits déformaient la réalité. De par ta nature magique, tu espérais en apprendre davantage sur les pouvoirs de cette terre. Tu sentais que depuis le camp, quelque chose avait changé en toi, et tu mis la semaine de voyage à profit pour explorer ta nouvelle prise en charge de tes facultés. Dès tes premiers tours de magie, tu sentis que tout avait changé et te rendis compte que de quelque chose. Le chat te regardait intensément, et tu lui rendais son regard. Pour la première fois depuis de nombreux jours, tu le regardais vraiment pour ce qu'il était. tu sentais les flux magiques couler en lui, hors de lui, autour de lui. Il émanait une puissance incroyable, complètement au-dessus de tes propres forces, mais elle était encore voilée, comme s'il s'agissait d' masque que l'on porte pour jouer un rôle dans une pièce de théâtre. Le petit hochement de tête qu'il te fit te ramena à la réalité et te fit fermer ta bouche grande ouverte. Tu te sentais connecté à cette créature, intime et en confiance, mais tu te rendis compte que tu ne savais rien d'elle, ni de la personne, la presse que tu sentais à l'œuvre dan l'ombre, derrière ce chat. Mis à part cette découverte, la traversée se fit sans encombre.
Le temps fut clément durant la traversée et c'est seulement en une semaine que vous parvîntes à la côte. Les consignes du capitaine ysoki avaient été claires : non loin de là, un hameau du nom de Martelagne se trouvait et serait un bon lieu pour la nuit. Ensuite, à seulement une journée de marche, Iliano. De là, il était possible de monter dans le nord grâce aux caravanes halfelines, car il s'agissait de leur route de commerce habituelle. Traverser la Redana à pieds revenait à faire des semaines de marche.
L'objectif à atteindre, dans un premier temps, était la Marche de l'Eau. Tes parents adoptifs ne t'avaient pas dit grand chose sur tes origines, seulement ces deux éléments : ta mère était une guenaude, et elle habitait au centre de la Redana, dans la Marche de l'Eau. Tu avais également reçu un anneau étrange, doré, représentant un serpent doté de deux têtes, enroulé autour du doigt, s'attaquant à son propre corps, à la tête apparemment rivale. Bien qu'énigmatique, tu n'en savais pas plus sur l'anneau.
Prenant la tête de votre minuscule convoi, tu menas Marduk sur le petit sentier de terre qui montait dans les collines pour rejoindre le hameau non loin. Après quelques minutes de marche, vous pénétrâtes dans un léger sous-bois juste avant d'arriver à Martelagne. La nuit tombait déjà mais cela ne te fit ni chaud ni froid, habituée à voir dans les pénombres les plus obscures. Sur le bord du chemin une petite chapelle vous accueillit. C'était une petite alcôve faite de pierres, dans laquelle des statuettes gravées avaient été placées. Sur la paroi de cette chapelle se trouvait une phrase en relief : "Toute créature a le droit de vivre". Mais ce qui attira davantage ton attention, ce fut le corps inanimé, allongé au pied de ce lieu saint. Tu t'arrêtas net, Marduk te bouscula légèrement de surprise. De la taille d'un homme, il était recouvert d'écailles bleues et avait la tête d'un lézard aux dents pointues. Sa longue queue remua légèrement et vous prouva que vous aviez devant vous une personne vivante. Il semblait en bonne forme mais une odeur de sang te fit douter de son état.
Soudainement, un bruit dans les buissons à votre gauche te fit sursauter.
"J'hésitais encore sur la démarche à suivre, en faire un met pour ma rôtisserie ou le réveiller ? Mais maintenant que vous êtes là, je pense qu'on va pouvoir l'amener jusqu'au village pas loin."
Une voix aigüe, des petits yeux rouges, de longues dents jaunies par une alimentation douteuse, c'était bel et bien un gobelin. Amical qui plus est.
"Je l'ai déjà fouillé, rien d'intéressant sur lui, ne vous donnez pas la peine."
Il rit dans la nuit et sauta du rocher où il était posté pour atterir à deux mètres de vous. Comme pour répondre à son rire, un hurlement de loup fit écho dans la forêt. ...
Commentaires