Phoebe Gardner

Du plus, loin, qu’elle s’en souvienne, Phoebe s’est toujours ennuyée. Rien ne lui manquait,la vaste fortune de son père lui permettant d’assouvir ses moindres caprices dès son plus jeune âge.   Parures, bijoux, parfums, mais aussi éducation et loisirs, tout lui fut offert sur un plateau d’argent. Son géniteur avait déjà tout un destin tracé pour elle. Une vie de bonne fille digne de son rang, promise au fils d’un autre magnat de la cité. Un autre bien vendu en somme.   Vingt années durant elle participait à cette vie de princesse qu’elle semblait être la seule à haïr de plus en plus. Jusqu’au jour où elle reçut une lettre. Maladresse de facteur ? Elle aurait dû, cette lettre, ne pas l’ouvrir peut-être. Car en elle, se cachait un poème, simple, mais cruellement honnête. Une ode au masque radiant qu’elle affiche et à la tristesse infinie que ce dernier cache. Une lettre écrite par un renard qu’elle n’a croisé que quelques fois dans les bureaux de son père, avec qui elle n’a jamais parlé, mais qui pourtant, parmi tous les autres qu’elle a eu le déplaisir de connaître, l’avait vu. Véritablement.   Ruggero, un nom qui l’intriguait, tout autant que ce personnage qui se dérobait toujours à sa vue, ne laissant derrière lui que des lettres à la plume flatteuse et exaltante. Tant de messages qui la sommaient d’être elle-même, d’explorer ce qu'elle souhaitait sincèrement faire, de se défaire des chaînes que lui imposait son père et la société. Et lorsqu’enfin, elle fit son premier acte de défiance, refusant ses fiançailles arrangées, elle put côtoyer son cher Ruggero. Une douce idylle, trop belle pour qu’elle puisse en vouloir aux diverses exactions de son aimé.   Lui pardonnant tout car, et de cela il s’en est assuré, seul lui l’aime sincèrement.