Au bord de Yuglaqard

Cette histoire se passe dans le passé, sur la côte Est du Markazard.

Jamais Nashan n'était partie si loin du domaine Belghiti. Un frisson courut sur son dos alors qu'elle s'efforçait de fixer la jetée, perchée sur la route de grès, juste devant la diligeance royale. La reine était partie depuis des heures, maintenant, mais les ouvriers n'avaient pas tout à fait fini d'installer les tentures de la maison portuaire royale. Personne ne l'avait encore demandée, alors elle s'efforçait d'attendre et d'ignorer la morsure du soleil.

"Je suis prêt." Ghali sortit du véhicule, dont les domestiques retiraient déjà les rideaux. Il était vêtu de la tête au pied dans ce qui semblait, mais ne pouvait décemment pas être, du cuir.
"Les dieux seront offensés s'ils te voient ainsi." Nashan soupira, essayant d'enterrer les mots de sa soeur qui résonnaient plus fort dans son esprit, devant cette drôle de combinaison.
"Les dieux s'en remettront." Ghali roula des yeux.

Le silence s'installa alors, laissant le prince sourire comme si ses dents devaient inspirer quelque chose de spécial à Nashan. Elle se mordit la joue pour ne pas combler le silence de questions ou de remarque. Si elle avait été princesse, plusieurs années plus tôt, elle n'était plus rien que la domestique sous-qualifiée d'Elias Elmandjra, maintenant.

"Tu ne vas pas me demander pourquoi je suis prêt ?" Ghali grimaça.
"Pourquoi tu es prêt ?"
"Pour t'apprendre à surfer !" Il bondit presque sur place.
Surfer ? Nashan avait acquis d'excellenntes notions d'ariesque, avec les années, mais ce mot ne lui disait rien.
"Tu n'as pas l'air transcendée." Il croisa les bras.
"Je le serais peut-être plus si ça ne venait pas de toi ?" Avait-elle le droit de dire ça ? Depuis qu'elle avait appris, pour sa royauté, elle s'était efforcé d'agir comme avant. Mais... et s'il s'attendait à autre chose ? Après tout, elle était venue comme une domestique de son Baba...
"Tu sais que tu n'es pas très, très gentille ?"
"Je suis démoniaque ?"
Il sourit et Nashan crut que son coeur allait exploser de soulagement.

Finalement, elle le suivit sur le rivage, ou le sable fin avait été soigneusement trié avant leur arrivée. On devinait encore les traces d'explosion sur la pierre blanche, signe de la furreur des éclats de grip-gavelra.
"On a peur, Gapy ?"
"La peur est une émotion, pas une énergie. On est pas compatible, elle et moi."
"C'est pas ce que dit ton visage." Il leva les mains en signe de rédition.
"Alors, on... apprend à surfer ?" Elle espérait avoir correctement prononcé le mot.
"Tu... n'as pas l'air de comprendre ?" Il plissa les yeux. "On ne surf pas, à Inferno ?"
"Je ne saurais pas te dire." Elle fit la moue.
"Laisse-moi te montrer alors." Il lui prit les mains et sourit.
Pendant un instant bien trop long, elle se demanda si c'était une des choses de l'amour.

Il fit signe à des domestiques qui quittèrent la maison du rivage pour ramener de grandes planches ovales à aileron. Ghali les fixait, extatique. Une poignée d'instant plus tard, il se jetait à l'eau, ventre sur la planche.
Il bondit soudain, debout sur une vague qui fonçait sur lui comme un dragon. Il glissa sur son dos comme lors d'une compétition de chevauchée. Ses cheveux nattées étaient emportés par le vent, chargés d'eau salée. Les yeux de Nashan s'écarquillèrent devant son agilité de serpent et son équilibre incroyable.