Chassesprit

Devenir Chassesprit ne relève pas d’un simple apprentissage martial. C’est une vocation exigeant une combinaison rare de résistance mentale, de connaissances occultes, de sens du sacrifice et d’une affinité minimale avec le mana spirituel ou l’énergie vitale. Si certaines académies ou temples dispensent une formation rudimentaire aux rituels de purification, la majorité des Chassesprits sont formés sur le terrain, auprès de mentors ou dans de petites cellules locales affiliées à l’Ordre des Passeurs   Certains Chassesprits sont des anciens soldats, des religieux, ou même des survivants de possessions spectrales, dont la vocation est née d’un traumatisme. Il n’est pas rare que les recrues les plus prometteuses soient repérées après avoir survécu à une rencontre avec un Sansame, ce qui sert de preuve empirique de leur aptitude.

Il n’existe pas, à proprement parler, de hiérarchie rigide ou militaire chez les Chassesprits, en raison de leur nombre très limité. Le métier fonctionne selon une logique de reconnaissance par les pairs et par le poids des faits accomplis. Plus un Chassesprit survit longtemps, réussit des purifications délicates, ou répond à des appels urgents, plus il gagne en prestige et en influence au sein de l’Ordre des Passeurs, la guilde qui encadre la profession.   Ceux qui ont fait leurs preuves peuvent se voir confier des missions prioritaires dans les zones critiques, l’accès à des artefacts rares ou rites supérieurs de scellement et la formation des nouvelles recrues, rôle vu comme un honneur et un passage de flambeau.

Le Chassesprit ne vit pas dans le luxe. Sa récompense première est la paix des vivants et l’apaisement des morts, du moins selon la philosophie qui imprègne l’Ordre des Passeurs. Cela dit, chaque mission accomplie donne droit à une rétribution variable selon la nature de l’entité affrontée, la durée de l’intervention, les risques courus et le prestige du Chassesprit.   La rémunération prend souvent la forme monétaire mais aussi de reliques offertes, de vivres et logis gratuits dans certains villages. Les Chassesprits les plus respectés, s’ils survivent assez longtemps, finissent parfois à la tête de petites confréries régionales.

Le Chassesprit se considère avant tout comme un libérateur des âmes piégées. Sa mission n’est pas simplement d’éliminer des entités hostiles, mais d’assurer l’équilibre entre les forces de la vie et celles de la mort. Les Sansames représentent une rupture de cycle, une stagnation douloureuse entre deux mondes. Le Chassesprit agit pour purifier, sceller ou anéantir ces morts-vivants.   Ce rôle s’accompagne souvent de tâches plus discrètes mais essentielles : aider les familles à dire adieu, réconforter ceux qui ont perdu, préserver les lieux de mémoire, bénir les zones corrompues, et parfois même dialoguer brièvement avec les âmes errantes avant leur libération. Certains Chassesprits récitent les prières de passage, d’autres brûlent des objets liés à l’identité du mort, chacun selon sa tradition.   Bien qu’ils soient formés pour tuer si nécessaire, les Chassesprits se voient d’abord comme des passeurs d’âmes, des épurateurs de l’invisible, garants d’un cycle juste et apaisé.

Les Chassesprits jouissent d’un respect au sein des sociétés de Centralys. Ils sont perçus comme des héros silencieux, intervenant là où les autres n’osent même pas regarder. Dans les zones rurales et les villages frontaliers, leur venue est souvent accueillie par des prières et des offrandes, car ils protègent les foyers de la hantise, du mal-être spectral et des incursions mortes-vivantes.   Cependant, ce respect est teinté d’une peur instinctive. Leur lien avec les forces de la mort les rend mystérieux, presque inquiétants. Certains disent que leurs yeux ont vu “trop de choses”, que leur présence attire les âmes errantes. Il n’est pas rare qu’un Chassesprit soit évité dans les tavernes, qu’on change de trottoir en sa présence, ou qu’on refuse de s’asseoir à sa table, comme s’il portait l’ombre de l’Au-delà sur ses épaules.   Dans les villes plus grandes, certains les considèrent comme des reliques d’un autre âge, voire des mystiques marginaux. Néanmoins, lorsque survient une épidémie de Sansames ou l’apparition d’un spectre vengeur, ce sont bien eux qu’on appelle en dernier recours — et personne ne conteste alors leur utilité vitale.

Les Chassesprits sont extrêmement peu nombreux sur Centralys. Leur vocation, à la fois spirituelle, dangereuse et profondément solitaire, ne séduit que quelques âmes rares. Sur l’ensemble du continent, on en compte à peine quelques centaines, disséminés entre les grands sanctuaires urbains et les zones rurales sensibles à l’activité spectrale. Dans certaines régions, un seul Chassesprit couvre plusieurs villages, ce qui en fait une ressource précieuse, parfois attendue durant des semaines lorsqu’un trouble nécrotique se manifeste.   Le taux de mortalité élevé dans la profession, notamment chez les jeunes recrues qui surestiment leurs capacités ou rencontrent des créatures plus puissantes que prévu, freine considérablement le renouvellement des effectifs. De plus, la formation est longue, exigeante et empreinte d’un profond engagement émotionnel et philosophique, ce qui décourage la majorité des aspirants.   Ce faible nombre contribue à l’aura de mystère et de solitude qui entoure les Chassesprits. Il est rare d’en croiser plusieurs en même temps, et encore plus de les voir réunis, sauf lors des rassemblements annuels de l’Ordre des Passeurs.